L’HISTOIRE TROUBLÉE DES RELATIONS TURQUIE-ISRAËL
2/4 - Premiers accrocs
Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps
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Erdogan à Jérusalem |
Lors du déclenchement de la Seconde Intifada, à l’automne 2000, la Turquie voulut quand même maintenir sa relation privilégiée avec Israël et refusa donc d’interférer dans les affaires intérieures israéliennes . Cela ne l’empêcha pas de s’intéresser aux problèmes rencontrés par les Palestiniens qui ont toujours été loyaux vis-à-vis de l’Empire ottoman. Malgré la neutralité du gouvernement, la presse turque ne cessa de critiquer avec force la répression israélienne.
Yossi Sarid |
Israël ne tarda pas à réagir à travers le ministre de l’Éducation, Yossi Sarid, qui proposa l’instauration d’une journée de commémoration du génocide arménien ; un tabou en Turquie. En réaction, la nomination du professeur Ehud Toledano comme ambassadeur à Ankara, fut récusée par la Turquie sous prétexte qu’il avait accusé la Turquie de massacres sur le peuple arménien quelques années plus tôt.
Erkaban |
Un
tournant va s’opérer en novembre 2002, avec la victoire aux élections générales
de l’AKP (Parti pour la justice et le développement). Les militaires turcs gardaient
cependant l’illusion qu’ils pouvaient
préserver les intérêts turcs et israéliens mais la Turquie n’était plus celle
de 1997 quand l’armée avait poussé à la démission le premier ministre Necmettin
Erbakan, proche des islamistes. Les Turcs opèrent alors un revirement. En mars 2003, ils
s’opposèrent à l’intervention américaine en Irak, et interdirent leur
territoire aux forces engagées dans l’opération. Les Israéliens, qui voyaient
dans la chute de Saddam Hussein une priorité absolue, interprétèrent cette
attitude comme un accroc sérieux dans leurs relations avec les Turcs.
Pour
maintenir un Irak faible et surtout divisé, les Israéliens apportèrent leur soutien aux
Kurdes irakiens au grand dam des Turcs. Mais Israël ne pouvait se passer de l’appui
turc face à la Syrie et à l’Iran et c’est pourquoi tout sera fait pour ménager
Ankara. Shimon Pérès, Ariel Sharon, Ehud Barak et le général Benjamin Ben Eliezer
se rendirent à Ankara en mission de bons offices sans tenir compte de la prudence de l’État-major israélien qui refusa de diffuser aux Turcs les informations du satellite
de reconnaissance Ofek-4. Les Industries Aéronautiques Israéliennes s’opposèrent
de leur côté à l’intégration de certains composants ultra-perfectionnés dans le
programme de modernisation des chasseurs turcs F-5. La Turquie se tourna alors
vers l’Allemagne pour acquérir plusieurs centaines de chars Léopard 2
d’occasion.
Yasar Buyukanit |
La
situation ira en s’envenimant durant la deuxième guerre du Liban de 2006.
Erdogan condamna publiquement «l’action disproportionnée et les frappes de
l’armée israélienne», tout en assurant discrètement Israël de son soutien
face aux périls qui menaçaient la région. Il montra ainsi son attachement à la «Triple
Alliance» unissant Israël, la Turquie et les États-Unis en nommant à la
tête des armées le général Yasar Buyukanit, connu pour ses sympathies envers les
dirigeants militaires américains et israéliens. Mais il contrebalança cette
décision en accueillant à grandes pompes à Ankara Khaled Mechaal, chef
politique du Hamas, ce qui ne manqua pas d’attirer la colère des Israéliens.
Mechaal-Erdogan |
Mais
les deux pays ont toujours veillé à sauvegarder leurs intérêts communs. La
Turquie aida en particulier Israël à mettre un terme au programme nucléaire
clandestin syrien. Dans la nuit du 5 au 6 septembre 2007, l’aviation
israélienne détruisit le site nucléaire d’Al-Kibar, après avoir survolé le
territoire turc dans les deux sens. Les aviateurs israéliens commirent
l’erreur, peut-être volontaire, de larguer des réservoirs supplémentaires
au-dessus du territoire turc en laissant des traces visibles de leur passage. Ehud
Olmert et Shimon Pérès furent contraints de présenter leurs excuses officielles
et de promettre l’arrêt de tout appui
aux Kurdes d’Irak. Ils s’engagèrent par ailleurs à livrer à Ankara dix drones
Héron pour lutter contre le PKK.
Abdullah Gül |
L’élection de
l’islamiste Abdullah Gül (AKP) à la présidence de la République, le 28 août
2007, conforta l’idée que les militaires n’étaient plus en état de faire
obstacle à la politique pro-islamique du gouvernement. Fini le temps où ils
pouvaient dicter leur loi. Le gouvernement israélien réagit immédiatement en annulant
le projet de construction de la canalisation pour l’acheminement d’eau douce
depuis la Turquie. Il fut mis fin aux discussions sur l’oléoduc Ceyhan-Ashkelon
tandis que le premier ministre turc essaya de raviver les relations bilatérales
déplorables en se rendant en visite officielle en Israël.
Malgré une
intransigeance de circonstance, le pouvoir islamique turc n’a jamais cherché à gêner
la coopération politique. Face à l’amélioration des relations entre la Turquie
et la Syrie, Erdogan proposa à Jérusalem,
fin 2007, d’intervenir en médiateur dans une négociation de paix entre Israël
et la Syrie. L’année 2008 verra quatre rounds de négociations secrètes entre
Jérusalem et Damas, via l’intermédiaire de diplomates turcs, avec des progrès
substantiels. Un accord technique fut atteint sur le principe de la restitution
du Golan annexé en 1981, moyennant sa démilitarisation totale et sa
transformation en «zone franche» ; mais les dirigeants des deux
côtés n’étaient pas déterminés à sauter le pas. Israël prendra prétexte du
réarmement du Hamas par Damas et de tirs incessants de roquettes sur
Sdérot pour ajourner le cinquième round
de négociations.
La guerre de Gaza en
janvier 2009 bouleversa les relations turco-israéliennes. Le gouvernement turc
appela les belligérants à la retenue tandis que les médias turcs se déchaînaient
en accusant Israël de s’attaquer à des
civils. Israël fut contraint de rappeler tous les pilotes israéliens qui s’entraînaient en Turquie et pointa du doigt
les nombreux convois d’armes iraniennes qui traversaient la Turquie à
destination du Hezbollah et du Hamas. L’opération «Plomb durci» prit fin
le 18 janvier 2009, quelques jours seulement avant l’entrée à la Maison Blanche
de président Barack Obama. Face au millier de victimes palestiniennes , les
autorités turques se sentirent dans l’obligation de réagir publiquement. Le 29
janvier, après un débat houleux avec le président israélien Peres, Erdogan
claqua la porte de Davos pour devenir aussitôt un héros pour l’ensemble du
monde arabe. Le gouvernement moribond d’Olmert n’arriva pas à juguler la colère
du premier ministre turc. Quelques semaines plus tard, la nomination de Benjamin
Netanyahou à la tête d’un gouvernement de droite ne fit qu’attiser la
mésentente affichée entre Jérusalem et Ankara d’autant plus que le nouveau
ministre des affaires étrangères, Avigdor Lieberman, multipliait les
déclarations provocantes à l’égard des autorités turques.
Davos |
Le partenariat avec
la Turquie faisait l’objet d’un vaste consensus dans la classe politique
israélienne à l’exception des partis russophone et ultra-religieux. Les premiers
s’opposaient par principe à la Turquie tandis que les religieux ne se voyaient
pas discuter et composer avec un État musulman. Or la survie de la coalition
israélienne dépendait de ces partis charnières qui profitèrent de leur position
pour saper l’amitié turco-israélienne. Dès lors, le gouvernement turc se senti
libre de changer de politique moyen-orientale et se rapprocha des pays arabes
avec l’ambition secrète cependant de prendre le leadership du monde musulman à la suite de l'Egypte.
À
suivre …. 3/ La rupture
Lien pour la partie 1
http://benillouche.blogspot.co.il/2016/06/lhistoire-troublee-des-relations.html
Lien pour la partie 1
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2 commentaires:
Où on se rend compte que les amis de nos amis ne sont pas forcément nos amis. Tandis que, de surcroît, nos amis ont de plus en plus tendance à se comporter comme les ennemis de nos amis. Et que nous-mêmes discernons de plus en plus mal, qui sont nos amis et qui sont nos ennemis. Devant cet imbroglio devenu incompréhensible et inextricable qui va s'aggravant au fil du temps, il ne semble plus que la moindre réconciliation soit possible.
A suivre....
En politique, il n'y a pas d"amis " mais seulement des intérêts..; Cela s'est vérifié dans le passé lorsque les Etats-Unis ont sacrifié le régime de Fomose pour reconnaître la Chine communiste et les Britanniques le gouvernement de Ian Smith en Rhodésie.....Cela s'apparente à une trahison.
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