HATSMAOUT ET NAKBA : LES OCCASIONS RATÉES
La guerre civile
Partie-3/3 : 1947 - 1948
Par
Jacques BENILLOUCHE
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Liesse dans la rue le 29 novembre 1947 |
Alors que les sionistes avaient
accepté le principe du partage de la Palestine, le vote de l’ONU du 29 novembre
1947 avait été un choc pour les pays arabes qui ne s’attendaient pas à ce que
les sionistes obtiennent une majorité à l’Assemblée générale. Le vote avait été
suivi d’une liesse juive qui s’était répandue
dans les rues du pays mais la population arabe avait réagi violemment en
provoquant des manifestations qui dégénèrent en affrontements sanglants. Plusieurs
personnes ont été tuées par balles dans la nuit. Chacun des camps accusait l’autre
de la responsabilité des troubles. L’Agence Juive condamnait les activistes
arabes tandis que le Haut Comité Arabe faisait porter la responsabilité aux agitateurs
de l’Irgoun. Pour les Arabes, il n’était pas question d’entériner une
décision qu’ils n’approuvaient pas parce qu'elle créait un État juif.
Camp de Poppendorf, Allemagne. Manifestation d'anciens passagers de l'Exodus |
En 1946, la Palestine comptait
600.000 Juifs pour 1,2 million d’Arabes tandis que 250.000 survivants de la
Shoah attendaient le droit d’immigrer dans les camps de réfugiés en Europe et à
Chypre. L’Agence juive s’était dotée d’un bras armé, la Haganah, pour la
défense de ses implantations. Cependant le camp juif était divisé en raison de divergences sur les méthodes plutôt que sur l’idéologie. Les
deux organisations clandestines issues de la droite nationaliste, l’Irgoun de
Menahem Begin et le Lehi d’Yitzhak Shamir avaient décidé de conserver leur
autonomie. Elles avaient pris le droit de se doter en armes tout en se
soumettant à l’autorité de Ben Gourion. Il les tolérait en se dissociant d’eux.
Avraham Tehomi, premier commandant de l'Irgoun |
Au lendemain du vote de l’ONU,
les responsables arabes auraient pu accepter la décision de partage et se rendre à l'évidence qu'ils ne pourraient pas empêcher son application. Le partage avait été à l'époque relativement équitable et ils auraient pu créer un Etat palestinien aux côtés d'un Etat juif naissant, une solution qui devait être prônée par Benjamin Netanyahou en 2009. Ils choisirent de s'en remettre au sort des armes en décrétant une
grève de trois jours tandis qu’en écho la Ligue Arabe annonçait
officiellement son rejet de la décision de l’ONU et sa décision de combattre
les Juifs. Le refus du partage était acté et la décision devait être réglée par
la force.
Le coup d’envoi des violences était alors donné dans les quartiers
juifs. Les routes furent minées et les trains détruits. Des Arabes armés
bloquèrent la route Jérusalem-Tel-Aviv et s’attaquèrent aux autobus en tuant
les passagers juifs ; ils se répandirent dans le centre-ville en
incendiant un centre commercial et des bâtiments administratifs juifs sous le
regard des Britanniques encore sur place.
Les préparatifs d’une véritable guerre
battaient leur plein. Hassan Salameh, l’un des leaders de l’Armée de la
Guerre Sainte, avait réuni 500 combattants à Jaffa pour attaquer Tel-Aviv
mais il fut repoussé par la Haganah. Suite à cet échec, il dut se résoudre à pousser ses troupes
vers le nord pour détruire plusieurs kibboutzim. Le cycle infernal
attaques-représailles était enclenché avec des attentats à la voiture piégée,
des mitraillages de convois civils et des bombes dans les marchés. Les Juifs résistèrent en parvenant à sécuriser les quartiers juifs de Jaffa. Mais ces
affrontements violents provoquèrent aussitôt un exode des Arabes du littoral,
de la bourgeoisie en particulier, qui décidèrent de se réfugier au Caire, à
Beyrouth et à Damas en attendant des jours meilleurs.
À partir de décembre 1947,
l’Irgoun décida de prendre l’initiative en passant de l’auto-défense à l’action
en faisant six morts parmi les Arabes de Haïfa. La réaction arabe fut immédiate
et se traduisit par le lynchage d’une quarantaine de Juifs. Le Palmach ne fut
pas en reste puisqu’il organisa à son tour une expédition punitive dans un
village arabe en tuant plusieurs de ses habitants. Dans ce contexte, la demande
d’achats massifs d’armes du général irakien Ismail Safwat, conseiller militaire
de la Ligue Arabe et commandant de l'Armée de Libération Arabe, redevint
d’actualité. La Ligue Arabe, qui s’était réunie courant décembre, finit par
approuver dans l’urgence la proposition irakienne d’octobre.
Volontaires arabes |
À partir de janvier 1948, des
volontaires arabes sous l’autorité de la Ligue arabe se joignirent aux milices irrégulières
palestiniennes. Les pays arabes ne voulaient pas affronter les Anglais ni gêner
le retrait britannique ; ils préférèrent attendre la déclaration
d’indépendance d’Israël du 15 mai 1948 pour donner ensuite l’ordre aux armées arabes de
Transjordanie, d’Égypte, d’Irak et de Syrie d’intervenir. Cette union
hétéroclite affichait des motivations et
des objectifs politiques divergents.
Les préparatifs de guerre
avaient commencé dès le mois de janvier 1948 avec l’entrée en Palestine
de troupes arabes étrangères. Des bataillons syriens s’étaient déployés en
Cisjordanie. L’Armée de Libération Arabe manœuvra elle aussi : ses véhicules
blindés passèrent la frontière et s’emparèrent de Naplouse et de Djénine. Un
autre régiment, arrivant par le Liban, entra en Galilée. D’autres troupes s’installèrent
à Haïfa et à Jérusalem. Les autorités anglaises laissèrent faire, préférant la
diffusion du chaos dans leur intérêt. Les leaders arabes avaient décidé de
remplacer les troupes anglaises dans leurs positions stratégiques fortes parce
qu’ils voulaient obtenir rapidement la reddition juive.
Abdelkader al-Husseinei |
Abdelkader al-Husseini installa
son commandement militaire près de Ramallah mais il se trompa de stratégie en se montrant peu actif alors que les Juifs n’étaient pas encore
prêts. Il avait joué le pourrissement de la situation et n’entreprit aucune d’hostilité de grande
ampleur. Il était surtout préoccupé à coordonner l’Armée de la Guerre-Sainte et
l’Armée de Libération Arabe ainsi que les milices irrégulières des Frères
Musulmans égyptiens entrées à Gaza ainsi que les volontaires maghrébins qui avaient
débarqué dans un complet désordre. Mais la logistique ne suivant pas, les
troupes arabes eurent recours aux pillages.
Dans un premier temps, Ben
Gourion décida d’une politique de défense en exigeant que les populations
juives se protègent dans leurs habitations après avoir été dotées des quelques
armes dont il disposait. Les femmes ont alors été intégrées aux troupes combattantes.
Mais ne voulant pas laisser à l’Irgoun et au groupe Stern la seule initiative
juive, la Haganah avait décidé de faire sauter, en janvier 1948, l’hôtel Sémiramis
de Jérusalem avec ses habitants suspectés d’être un centre opérationnel arabe.
Ben Gourion, qui n’avait pas cautionné cette opération, décida alors de relever
de leurs fonctions plusieurs officiers juifs.
Combattantes juives |
Dès le départ, la situation des
troupes juives fut défavorable. Elles étaient attaquées et assiégées partout, ce qui poussa
l’Irgoun et le Lehi à organiser des expéditions punitives pour soulager les combattants
juifs. Le politique d’auto-défense de la Haganah avait pris un coup et
commençait à être contestée de l’intérieur. Le manque de combattants juifs se faisait sentir et il fut compensé par
l’arrivée en masse de volontaires d’Europe et d’Afrique du Nord et par les
rescapés de la Shoah. Ben Gourion institua la conscription obligatoire pour les
jeunes de 17 à 25 ans mais imposa un entraînement minimal au reste de la
population.
La Haganah subit les coups des
troupes arabes qui tenaient la route menant à Jérusalem vers la Vieille Ville assiégée. Les hommes juifs manquaient autant que les armes. Ben Gourion se
trouva alors face au dilemme de tenir le territoire côtier en perdant Jérusalem
avec le risque d’être écrasé, dos à la mer. Il choisit une troisième voie
radicale : le Plan Daleth. Tandis que la Haganah attaquait les villages
arabes en détruisant les habitations et en chassant la population, il a scellé
une alliance avec l’Irgoun et le Lehi. Pour les Palestiniens, la notion de Nakba,
catastrophe, émergea à ce moment. Des dizaines de milliers d’Arabes se trouvèrent
sur les routes, pris dans un mouvement de panique. Al-Husseini n’avait pas pu
endiguer le flot de réfugiés. Ben Gourion avait précisé les trois objectifs du
Plan Daleth : instaurer une continuité territoriale des implantations juives,
assurer une large majorité juive dans ces territoires, et enfin désenclaver
Jérusalem et prendre la ville.
Réfugiés arabes de 1948 |
La stratégie de la Ligue arabe
fut de ne pas réagir mais de fournir hommes et moyens. Elle comptait sur les
souffrances visibles de la population pour convaincre la communauté internationale
d’intervenir. Son assurance et sa passivité s’expliquaient par les difficultés
dans lesquelles se trouvaient les Juifs. Mais elle n’avait pas prévu l’embellie
de la situation matérielle. Un premier cargo d’armes tchécoslovaques, à
destination des Arabes, avait été coulé par des agents juifs en Italie, en
janvier. Un second, en avril, fut détourné au profit des troupes de la Haganah.
Enfin, en dépit de l’embargo imposé par les Anglais, des livraisons soviétiques
de fusils de guerre, de grenades, de véhicules et d’uniformes parvinrent à la
Haganah. La Haganah s’engagea immédiatement, avec le Palmach, à former et
encadrer 20.000 soldats juifs. Ben Gourion étendit la conscription obligatoire
à tous les célibataires, hommes et femmes,
de moins de 40 ans ce qui lui permit de lancer en avril 1948 une offensive pour
rompre le siège de Jérusalem.
Des violents combats bloquaient
l’évolution des troupes juives jusqu’au dramatique épisode de la mort du chef al-Husseini,
tué dans un combat à Castel. Ce fut le signal de la désorganisation des forces
palestiniennes qui finirent par battre en retraite. Pour compenser cette perte,
le Haut Comité Arabe demanda aux britanniques d’autoriser le retour du Grand
Mufti de Jérusalem qui, craignant sans doute pour sa vie, ne rentra pas de son
exil malgré le feu vert britannique. Alors que des masses de réfugiés arabes,
fuyaient l’avancée de la Haganah, les combats d’avril et de mai assurèrent aux
Juifs le contrôle presque complet de la bande côtière: Haïfa, Jaffa, Acre,
Safed puis les environs de Tibériade.
C’est à ce moment que les troupes druzes de l’ALA négocièrent avec la Haganah
leur ralliement aux Juifs. C’est aussi à ce moment, face à la situation
tragique arabe, que l’ONU décida de voter une résolution destinée à mettre fin
au conflit.
Début mai 1948, Golda Meir
rencontra secrètement Abdallah, roi de Transjordanie, pour négocier avec lui.
Abdallah confirma son choix de la paix en faisant une proposition qui arriva
cependant trop tard : il offrit aux Juifs une province autonome, au sein du
royaume hachémite recouvrant toute l’ancienne Palestine Mandataire. Mais trop
de sang avait déjà coulé et Golda Meir rejeta la proposition. Un accord fut
cependant trouvé : la Transjordanie s’empara de la Cisjordanie, qu’elle
annexa sans aucune opposition juive. Seul le sort de Jérusalem resta en
suspens. Mais à trois jours du retrait des
Britanniques, les forces arabes s’emparèrent du kibboutz de Kfar Etsion, qui tenait
la route entre Jérusalem et Hébron, et en massacrèrent la population. Soucieux
de présenter un front uni à la création de l’État, Ben Gourion négocia avec
l’Irgoun et le Lehi l’intégration de tous les groupes paramilitaires juifs au
sein de la Haganah, sous la responsabilité du Palmach. Tsahal contraction de Tsva
Haganah Le Israël, Armée de Défense d’Israël, était né.
Avec l’aide du Palmach, qui
disposait de sympathies auprès des autorités britanniques, Tsahal était informé
au jour le jour des modalités précises et des horaires du retrait des forces
anglaises. À l’aube du 14 mai, les troupes juives pénétrèrent dans les
bâtiments militaires de Jérusalem et s’assurèrent
les positions stratégiques importantes dans la Ville Sainte. Mais la Légion
Arabe conserva Jérusalem-Est et en particulier la Vieille Ville. Soucieux de ne
pas compromettre l’accord avec le roi de Transjordanie, Ben Gourion décida de
ne pas intervenir. Le 14 mai 1948, en fin de journée, après six mois de combats
sanglants et de massacres de populations, la guerre civile s’acheva.
De Tel-Aviv, Ben Gourion proclama
la création d’Israël. Abdallah changea le nom de son pays et se proclama roi de
Jordanie. Au même moment, la Ligue Arabe se réunit encore une fois au Caire.
Irrités par l’attitude trop tiède de la Jordanie, les représentants du Liban et
de la Syrie se déclarent prêts à intervenir immédiatement. L’Égypte se rallia
également à la proposition. C’est finalement l’ensemble de la Ligue qui vota
l’intervention militaire au moyen d’une déclaration d’Azzam Pacha, secrétaire
de la Ligue : «Cette guerre sera une guerre d’extermination et un massacre
grandiose, dont on parlera dans l’avenir et que l’on comparera à ceux des
Mongols et à ceux des Croisés». La première guerre israélo-arabe avait été
alors lancée et commença sous de cruels auspices. Les Arabes avaient encre perdu l'occasion d'une paix des braves.
Lien pour la partie 1/3
Lien pour la partie 2/3
3 commentaires:
merci Jacques ,pour ces belles planches,
tu m'as fait revivre une époque mémorable
KOL AKAVOD
Je pense que Paramount aurait aimé recevoir le scénario. Du très bon travail !!
Et une lecture des plus agréable.
On comprend bien dans cet l'article que les méthodes fortes et radicales du Lehi, que certains pourraient considérer comme fascistes, ont été appliquées plus tard par La Haganah et l'Irgoun.
La pensée chinoise a donné l'expression " perdre la face" et les communistes chinois, surs d’être du bon coté de l'histoire et de continuer dans la victoire, auraient pu prendre Hong Kong en 2 semaines sans effort. Mais ils ont choisi de laisser vivre Hong Kong pour écouler leurs produits et apprendre le commerce international. Aujourd’hui la Chine est la 1ere puissance commerciale et industrielle du monde. L'Islam a raté toutes les occasions d'avoir une vraie place.
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