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lundi 4 mai 2015

HATSMAOUT ET NAKBA : LES OCCASIONS RATÉES Partie 3/3


HATSMAOUT ET NAKBA : LES OCCASIONS RATÉES

La guerre civile

Partie-3/3 : 1947 - 1948

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps

Liesse dans la rue le 29 novembre 1947

Alors que les sionistes avaient accepté le principe du partage de la Palestine, le vote de l’ONU du 29 novembre 1947 avait été un choc pour les pays arabes qui ne s’attendaient pas à ce que les sionistes obtiennent une majorité à l’Assemblée générale. Le vote avait été suivi d’une liesse juive qui s’était répandue dans les rues du pays mais la population arabe avait réagi violemment en provoquant des manifestations qui dégénèrent en affrontements sanglants. Plusieurs personnes ont été tuées par balles dans la nuit. Chacun des camps accusait l’autre de la responsabilité des troubles. L’Agence Juive condamnait les activistes arabes tandis que le Haut Comité Arabe faisait porter la responsabilité aux agitateurs de l’Irgoun. Pour les Arabes, il n’était pas question d’entériner une décision qu’ils n’approuvaient pas parce qu'elle créait un État juif.


Camp de Poppendorf, Allemagne. Manifestation d'anciens passagers de l'Exodus

En 1946, la Palestine comptait 600.000 Juifs pour 1,2 million d’Arabes tandis que 250.000 survivants de la Shoah attendaient le droit d’immigrer dans les camps de réfugiés en Europe et à Chypre. L’Agence juive s’était dotée d’un bras armé, la Haganah, pour la défense de ses implantations. Cependant le camp juif était divisé en raison de divergences sur les méthodes plutôt que sur l’idéologie. Les deux organisations clandestines issues de la droite nationaliste, l’Irgoun de Menahem Begin et le Lehi d’Yitzhak Shamir avaient décidé de conserver leur autonomie. Elles avaient pris le droit de se doter en armes tout en se soumettant à l’autorité de Ben Gourion. Il les tolérait en se dissociant d’eux.
Avraham Tehomi,  premier commandant de l'Irgoun

Au lendemain du vote de l’ONU, les responsables arabes auraient pu accepter la décision de partage et se rendre à l'évidence qu'ils ne pourraient pas empêcher son application. Le partage avait été à l'époque relativement équitable et ils auraient pu créer un Etat palestinien aux côtés d'un Etat juif naissant, une solution qui devait être prônée par Benjamin Netanyahou en 2009. Ils choisirent de s'en remettre au sort des armes en décrétant une  grève de trois jours tandis qu’en écho la Ligue Arabe annonçait officiellement son rejet de la décision de l’ONU et sa décision de combattre les Juifs. Le refus du partage était acté et la décision devait être réglée par la force. 
Le coup d’envoi des violences était alors donné dans les quartiers juifs. Les routes furent minées et les trains détruits. Des Arabes armés bloquèrent la route Jérusalem-Tel-Aviv et s’attaquèrent aux autobus en tuant les passagers juifs ; ils se répandirent dans le centre-ville en incendiant un centre commercial et des bâtiments administratifs juifs sous le regard des Britanniques encore sur place.

Les préparatifs d’une véritable guerre battaient leur plein. Hassan Salameh, l’un des leaders de l’Armée de la Guerre Sainte, avait réuni 500 combattants à Jaffa pour attaquer Tel-Aviv mais il fut repoussé par la Haganah. Suite à cet échec, il dut se résoudre à pousser ses troupes vers le nord pour détruire plusieurs kibboutzim. Le cycle infernal attaques-représailles était enclenché avec des attentats à la voiture piégée, des mitraillages de convois civils et des bombes dans les marchés. Les Juifs résistèrent en parvenant à sécuriser les quartiers juifs de Jaffa. Mais ces affrontements violents provoquèrent aussitôt un exode des Arabes du littoral, de la bourgeoisie en particulier, qui décidèrent de se réfugier au Caire, à Beyrouth et à Damas en attendant des jours meilleurs.
À partir de décembre 1947, l’Irgoun décida de prendre l’initiative en passant de l’auto-défense à l’action en faisant six morts parmi les Arabes de Haïfa. La réaction arabe fut immédiate et se traduisit par le lynchage d’une quarantaine de Juifs. Le Palmach ne fut pas en reste puisqu’il organisa à son tour une expédition punitive dans un village arabe en tuant plusieurs de ses habitants. Dans ce contexte, la demande d’achats massifs d’armes du général irakien Ismail Safwat, conseiller militaire de la Ligue Arabe et commandant de l'Armée de Libération Arabe, redevint d’actualité. La Ligue Arabe, qui s’était réunie courant décembre, finit par approuver dans l’urgence la proposition irakienne d’octobre.
Volontaires arabes

À partir de janvier 1948, des volontaires arabes sous l’autorité de la Ligue arabe se joignirent aux milices irrégulières palestiniennes. Les pays arabes ne voulaient pas affronter les Anglais ni gêner le retrait britannique ; ils préférèrent attendre la déclaration d’indépendance d’Israël du 15 mai 1948 pour donner ensuite l’ordre aux armées arabes de Transjordanie, d’Égypte, d’Irak et de Syrie d’intervenir. Cette union hétéroclite affichait  des motivations et des objectifs politiques divergents.
Les préparatifs de guerre avaient commencé dès le mois de janvier 1948 avec l’entrée en Palestine de troupes arabes étrangères. Des bataillons syriens s’étaient déployés en Cisjordanie. L’Armée de Libération Arabe manœuvra elle aussi : ses véhicules blindés passèrent la frontière et s’emparèrent de Naplouse et de Djénine. Un autre régiment, arrivant par le Liban, entra en Galilée. D’autres troupes s’installèrent à Haïfa et à Jérusalem. Les autorités anglaises laissèrent faire, préférant la diffusion du chaos dans leur intérêt. Les leaders arabes avaient décidé de remplacer les troupes anglaises dans leurs positions stratégiques fortes parce qu’ils voulaient obtenir rapidement la reddition juive.
Abdelkader al-Husseinei

Abdelkader al-Husseini installa son commandement militaire près de Ramallah mais il se trompa de stratégie en se montrant peu actif alors que les Juifs n’étaient pas encore prêts. Il avait joué le pourrissement de la situation et  n’entreprit aucune d’hostilité de grande ampleur. Il était surtout préoccupé à coordonner l’Armée de la Guerre-Sainte et l’Armée de Libération Arabe ainsi que les milices irrégulières des Frères Musulmans égyptiens entrées à Gaza ainsi que les volontaires maghrébins qui avaient débarqué dans un complet désordre. Mais la logistique ne suivant pas, les troupes arabes eurent recours aux pillages.
Dans un premier temps, Ben Gourion décida d’une politique de défense en exigeant que les populations juives se protègent dans leurs habitations après avoir été dotées des quelques armes dont il disposait. Les femmes ont alors été intégrées aux troupes combattantes. Mais ne voulant pas laisser à l’Irgoun et au groupe Stern la seule initiative juive, la Haganah avait décidé de faire sauter, en janvier 1948, l’hôtel Sémiramis de Jérusalem avec ses habitants suspectés d’être un centre opérationnel arabe. Ben Gourion, qui n’avait pas cautionné cette opération, décida alors de relever de leurs fonctions plusieurs officiers juifs.
Combattantes juives

Dès le départ, la situation des troupes juives fut défavorable. Elles étaient attaquées et assiégées partout, ce qui poussa l’Irgoun et le Lehi à organiser des expéditions punitives pour soulager les combattants juifs. Le politique d’auto-défense de la Haganah avait pris un coup et commençait à être contestée de l’intérieur. Le manque de combattants juifs se faisait sentir et il fut compensé par l’arrivée en masse de volontaires d’Europe et d’Afrique du Nord et par les rescapés de la Shoah. Ben Gourion institua la conscription obligatoire pour les jeunes de 17 à 25 ans mais imposa un entraînement minimal au reste de la population.
La Haganah subit les coups des troupes arabes qui tenaient la route menant  à Jérusalem vers la Vieille Ville assiégée. Les hommes juifs manquaient autant que les armes. Ben Gourion se trouva alors face au dilemme de tenir le territoire côtier en perdant Jérusalem avec le risque d’être écrasé, dos à la mer. Il choisit une troisième voie radicale : le Plan Daleth. Tandis que la Haganah attaquait les villages arabes en détruisant les habitations et en chassant la population, il a scellé une alliance avec l’Irgoun et le Lehi. Pour les Palestiniens, la notion de Nakba, catastrophe, émergea à ce moment. Des dizaines de milliers d’Arabes se trouvèrent sur les routes, pris dans un mouvement de panique. Al-Husseini n’avait pas pu endiguer le flot de réfugiés. Ben Gourion avait précisé les trois objectifs du Plan Daleth : instaurer une continuité territoriale des implantations juives, assurer une large majorité juive dans ces territoires, et enfin désenclaver Jérusalem et prendre la ville.
Réfugiés arabes de 1948

La stratégie de la Ligue arabe fut de ne pas réagir mais de fournir hommes et moyens. Elle comptait sur les souffrances visibles de la population pour convaincre la communauté internationale d’intervenir. Son assurance et sa passivité s’expliquaient par les difficultés dans lesquelles se trouvaient les Juifs. Mais elle n’avait pas prévu l’embellie de la situation matérielle. Un premier cargo d’armes tchécoslovaques, à destination des Arabes, avait été coulé par des agents juifs en Italie, en janvier. Un second, en avril, fut détourné au profit des troupes de la Haganah. Enfin, en dépit de l’embargo imposé par les Anglais, des livraisons soviétiques de fusils de guerre, de grenades, de véhicules et d’uniformes parvinrent à la Haganah. La Haganah s’engagea immédiatement, avec le Palmach, à former et encadrer 20.000 soldats juifs. Ben Gourion étendit la conscription obligatoire à tous les célibataires,  hommes et femmes, de moins de 40 ans ce qui lui permit de lancer en avril 1948 une offensive pour rompre le siège de Jérusalem.
Des violents combats bloquaient l’évolution des troupes juives jusqu’au dramatique épisode de la mort du chef al-Husseini, tué dans un combat à Castel. Ce fut le signal de la désorganisation des forces palestiniennes qui finirent par battre en retraite. Pour compenser cette perte, le Haut Comité Arabe demanda aux britanniques d’autoriser le retour du Grand Mufti de Jérusalem qui, craignant sans doute pour sa vie, ne rentra pas de son exil malgré le feu vert britannique. Alors que des masses de réfugiés arabes, fuyaient l’avancée de la Haganah, les combats d’avril et de mai assurèrent aux Juifs le contrôle presque complet de la bande côtière: Haïfa, Jaffa, Acre, Safed puis  les environs de Tibériade. C’est à ce moment que les troupes druzes de l’ALA négocièrent avec la Haganah leur ralliement aux Juifs. C’est aussi à ce moment, face à la situation tragique arabe, que l’ONU décida de voter une résolution destinée à mettre fin au conflit.

Début mai 1948, Golda Meir rencontra secrètement Abdallah, roi de Transjordanie, pour négocier avec lui. Abdallah confirma son choix de la paix en faisant une proposition qui arriva cependant trop tard : il offrit aux Juifs une province autonome, au sein du royaume hachémite recouvrant toute l’ancienne Palestine Mandataire. Mais trop de sang avait déjà coulé et Golda Meir rejeta la proposition. Un accord fut cependant trouvé : la Transjordanie s’empara de la Cisjordanie, qu’elle annexa sans aucune opposition juive. Seul le sort de Jérusalem resta en suspens.  Mais à trois jours du retrait des Britanniques, les forces arabes s’emparèrent du kibboutz de Kfar Etsion, qui tenait la route entre Jérusalem et Hébron, et en massacrèrent la population. Soucieux de présenter un front uni à la création de l’État, Ben Gourion négocia avec l’Irgoun et le Lehi l’intégration de tous les groupes paramilitaires juifs au sein de la Haganah, sous la responsabilité du Palmach. Tsahal contraction de Tsva Haganah Le Israël, Armée de Défense d’Israël, était né.
Avec l’aide du Palmach, qui disposait de sympathies auprès des autorités britanniques, Tsahal était informé au jour le jour des modalités précises et des horaires du retrait des forces anglaises. À l’aube du 14 mai, les troupes juives pénétrèrent dans les bâtiments militaires de Jérusalem  et s’assurèrent les positions stratégiques importantes dans la Ville Sainte. Mais la Légion Arabe conserva Jérusalem-Est et en particulier la Vieille Ville. Soucieux de ne pas compromettre l’accord avec le roi de Transjordanie, Ben Gourion décida de ne pas intervenir. Le 14 mai 1948, en fin de journée, après six mois de combats sanglants et de massacres de populations, la guerre civile s’acheva.

De Tel-Aviv, Ben Gourion proclama la création d’Israël. Abdallah changea le nom de son pays et se proclama roi de Jordanie. Au même moment, la Ligue Arabe se réunit encore une fois au Caire. Irrités par l’attitude trop tiède de la Jordanie, les représentants du Liban et de la Syrie se déclarent prêts à intervenir immédiatement. L’Égypte se rallia également à la proposition. C’est finalement l’ensemble de la Ligue qui vota l’intervention militaire au moyen d’une déclaration d’Azzam Pacha, secrétaire de la Ligue : «Cette guerre sera une guerre d’extermination et un massacre grandiose, dont on parlera dans l’avenir et que l’on comparera à ceux des Mongols et à ceux des Croisés». La première guerre israélo-arabe avait été alors lancée et commença sous de cruels auspices. Les Arabes avaient encre perdu l'occasion d'une paix des braves.

Lien pour la partie 1/3

Lien pour la partie 2/3




3 commentaires:

  1. merci Jacques ,pour ces belles planches,
    tu m'as fait revivre une époque mémorable
    KOL AKAVOD

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  2. Bernard ALLOUCHE3 mai 2015 à 15:33

    Je pense que Paramount aurait aimé recevoir le scénario. Du très bon travail !!
    Et une lecture des plus agréable.
    On comprend bien dans cet l'article que les méthodes fortes et radicales du Lehi, que certains pourraient considérer comme fascistes, ont été appliquées plus tard par La Haganah et l'Irgoun.

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  3. Avraham NATAF5 mai 2015 à 18:34

    La pensée chinoise a donné l'expression " perdre la face" et les communistes chinois, surs d’être du bon coté de l'histoire et de continuer dans la victoire, auraient pu prendre Hong Kong en 2 semaines sans effort. Mais ils ont choisi de laisser vivre Hong Kong pour écouler leurs produits et apprendre le commerce international. Aujourd’hui la Chine est la 1ere puissance commerciale et industrielle du monde. L'Islam a raté toutes les occasions d'avoir une vraie place.

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