HATSMAOUT ET NAKBA : LES OCCASIONS RATÉES
La Palestine mandataire
La Palestine mandataire
Partie-1/3 : 1914-1947
Par
Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps
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Manifestation de la Nakba |
Merci à mon ami Bernard Allouche qui m’a soufflé l’idée d’analyser cette période controversée dont on connaît certes la trame mais dont les faits têtus sont souvent volontairement éludés. Les germes du conflit expliquent les blocages politiques actuels et mettent surtout en évidence les nombreuses occasions manquées par les Arabes. L'histoire juive n’est pas constituée seulement de faits et de dates mais d’inspiration et de foi, de vision et de destinée.
Chute de l’Empire ottoman
Empire ottoman |
La Première Guerre Mondiale a mis fin à l’Empire Ottoman qui a été ensuite dépecé par les puissances occidentales pour créer à la place des entités artificielles alliées, entièrement dévouées à leur cause. Les Britanniques, fidèles à leur politique consistant à diviser pour régner, ont alors songé à satisfaire les espérances arabes et juives. Par la déclaration Balfour du 2 novembre 1917, le secrétaire d’État britannique aux affaires étrangères, Arthur Balfour, avait informé que «le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l'établissement en Palestine d'un foyer national pour le peuple juif». Mais craignant des réactions violentes, les Britanniques n’ont jamais fait part aux Arabes de leurs intentions réelles. Ce fut la première erreur qui devait définitivement instiller la méfiance sur les relations futures. Cependant par réciprocité, ils n’avaient pas oublié la promesse faite aux Arabes de leur réserver le territoire s’étendant de la pointe de l’Arabie à la frontière turque.
Déclaration Balfour |
Plusieurs
vagues d’alyah avaient alors été organisées par les mouvements sionistes pour augmenter
les populations agricoles de la région, sous l’œil bienveillant des autorités
ottomanes intéressées par la mise en valeur de terres arides grâce aux
investissements effectués par la famille Rothschild. Les sionistes exploitèrent
les lacunes du cadastre ottoman qui ne mentionnait que les chefs de village
comme propriétaires des terres. Ils en profitèrent pour acheter des lots à
des chefs locaux avides de bonnes affaires pour consolider leur influence au sein de leur clan.
Haganah |
La
Société des Nations, ancêtre de l’ONU, décida à la conférence de San Remo de
1920 de donner un mandat au Royaume-Uni pour administrer la vaste étendue comprenant la Jordanie et une partie du Golan. Les Anglais en avaient retiré les quatre-cinquième pour le donner à un émir du Hedjaz qui avait appelé son nouveau domaine «royaume hachémite de Transjordanie». Le mandat imposait aux Britanniques de «créer en Palestine un foyer national pour le peuple juif, étant clairement entendu que rien ne sera fait qui puisse porter atteinte aux droits civiques et religieux des collectivités non juives existant en Palestine».
Les
populations arabes avaient refusé d’être mises devant le fait accompli et
marquèrent leur opposition par des émeutes anti juives que les Anglais se
gardèrent bien de sanctionner. Les Juifs ont donc été contraints de s’organiser
en milice d’auto-défense, la Haganah, contrôlée et financée par le syndicat juif
Histadrout. Les Arabes obtinrent cependant satisfaction puisqu’ils avaient reçu en
1922 des Anglais l’assurance que ce vaste territoire serait partagé entre eux et
les Juifs.
Immigration de l’Europe de l’Est
La situation connaîtra un tournant en 1924 lorsque les
États-Unis mirent fin à l’immigration juive venue d’Europe, ce qui eut pour
effet d’orienter les populations misérables juives, en masse vers la Palestine.
Face à cette arrivée massive d'immigrants, les Arabes sous la conduite du cheikh
Al-Qassam, qui donnera son nom aux fusées du Hamas, organisèrent dès 1925 des
actions de guérilla à la fois contre les postes anglais et contre les villages
juifs. Des émeutes connurent leur paroxysme en 1929 avec des violences qui
firent de nombreuses victimes juives.
Le 24 août 1929, 70 hommes, femmes et enfants juifs furent sauvagement tués dans la ville de Hébron et quelques jours plus tard, 18 Juifs furent tués dans la ville de Safed. Lorsque la police britannique parvint à rétablir le calme, les Juifs comptèrent 133 tués par les Arabes. Ces massacres mirent en évidence l’inefficacité de la Haganah qui décida de devenir autonome en quittant le syndicat ouvrier Histadrout et en se mettant sous les ordres de l’Agence Juive, autorité sioniste de l’époque et embryon du futur État juif.
Soldats de la Haganah |
Le 24 août 1929, 70 hommes, femmes et enfants juifs furent sauvagement tués dans la ville de Hébron et quelques jours plus tard, 18 Juifs furent tués dans la ville de Safed. Lorsque la police britannique parvint à rétablir le calme, les Juifs comptèrent 133 tués par les Arabes. Ces massacres mirent en évidence l’inefficacité de la Haganah qui décida de devenir autonome en quittant le syndicat ouvrier Histadrout et en se mettant sous les ordres de l’Agence Juive, autorité sioniste de l’époque et embryon du futur État juif.
Avraham Tehomi, créateur et dirigeant de l’Irgoun, de 1931 à 1937 |
Cette
rupture va alors préfigurer le conflit qui ira crescendo entre Ben Gourion,
chef de la Histadrout, et des contestataires qui le qualifiaient de trop modéré tant il
interdisait l’usage de la force et les représailles contre des forces arabes pourtant
bien identifiées. De nombreux officiers de la Haganah, constituant le noyau
dur, entrèrent alors en dissidence et furent révoqués. Ils rejoignirent alors
le leader de droite Jabotinsky qui forma sa propre milice, l’Irgoun, avec des
méthodes qui engendrèrent de sérieuses tensions entre les deux clans juifs et avec les Anglais. L’Irgoun
ne se contenta pas de se défendre mais d’organiser de sérieux accrochages avec
les Arabes.
Amin al-Husseini collaborant avec les nazis |
La
guerre civile fut enclenchée en 1935 à l’occasion de la Grande Révolte Arabe
dirigée par le grand mufti de Jérusalem Amin al-Husseini, grand oncle de Yasser
Arafat et de Leila Shahid. Les Arabes exigèrent l’arrêt de l’immigration juive dont
la population était passée de 10% en 1920 à 33% en 1935. Il lança la fatwa
interdisant aux Arabes de vendre leurs terres et refusa d’entériner toutes les
ventes antérieures de terres jugées par lui nulles. Face à l’étendue de la
révolte, les Anglais durent se résoudre à faire appel à la Haganah pour
maintenir l’ordre avec eux tandis que
l’Irgoun se désolidarisait de la stratégie de Ben Gourion en organisant
ses propres actions punitives contre les Arabes.
Première occasion ratée
Devant les troubles croissants, les Anglais ont alors envisagé sérieusement la séparation des deux communautés en
proposant le partage dessiné par la commission Peel de 1937. Ce partage servira
d’ailleurs de base à toutes les successives propositions de création d’un État
juif. À l’est du Jourdain, le territoire devait constituer le Royaume de
Transjordanie soit les trois-quarts du
territoire, le reste devait être découpé en trois parties, la juive au nord,
l’arabe au sud et une zone internationale comprenant Jérusalem au centre. La
partie juive consistait en de minuscules fragments de terre, à peine visibles qui
n'avaient pas vocation à devenir une entité nationale viable.
L'opinion juive était divisée. Le vingtième Congrès
juif du 20 août 1937 à Zurich avait décidé de rejeter les frontières dessinées
par la Commission Peel, mais son exécutif avait accepté de poursuivre la négociation pour un plan de partage plus
favorable. L’Agence Juive avait commencé à mettre en place un appareil administratif complet en prévision de cette création inespérée. Ben Gourion
le visionnaire avait persuadé les dirigeants sionistes d’accepter en diffusant la lettre à son fils en octobre 1937 dans laquelle il estimait que «Un État
juif doit être établi immédiatement, même si ce n’est que dans une partie du
pays. Le reste suivra dans le cadre de temps. Un État juif viendra». Son côté pragmatique l'avait poussé à accepter seulement 10% du territoire mandataire
car un petit État juif valait mieux que rien du tout.
De leur côté les leaders arabes avaient rejeté ce projet pourtant à leur avantage car ils exigeaient la totalité de la Palestine mandataire et le contrôle des Lieux Saints. Ce fut leur première occasion ratée. Il y en eut plusieurs autres. Elle fut aussi ratée aussi pour les Juifs car l’Histoire aurait été différente si les victimes de la Shoah avaient trouvé refuge dans un Etat. Plusieurs millions d'entre eux auraient été sauvés. Sans l’intransigeance arabe, non seulement le conflit israélo-palestinien aurait pu prendre fin en 1937, mais Israéliens et Palestiniens vivraient aujourd’hui en bonne entente, tandis que des millions de Juifs, dont personne ne voulait en Europe, auraient échappé aux nazis.
De leur côté les leaders arabes avaient rejeté ce projet pourtant à leur avantage car ils exigeaient la totalité de la Palestine mandataire et le contrôle des Lieux Saints. Ce fut leur première occasion ratée. Il y en eut plusieurs autres. Elle fut aussi ratée aussi pour les Juifs car l’Histoire aurait été différente si les victimes de la Shoah avaient trouvé refuge dans un Etat. Plusieurs millions d'entre eux auraient été sauvés. Sans l’intransigeance arabe, non seulement le conflit israélo-palestinien aurait pu prendre fin en 1937, mais Israéliens et Palestiniens vivraient aujourd’hui en bonne entente, tandis que des millions de Juifs, dont personne ne voulait en Europe, auraient échappé aux nazis.
Immigrants juifs renvoyés à leur point de départ |
Les
violences s’amplifièrent forçant les Anglais en 1939 à promettre aux Arabes
l’indépendance sous 10 ans, à interdire la vente de terres aux Juifs, à limiter
l’alyah au moment même où les Juifs étaient persécutés en Europe. Ce sera alors
l’épopée des immigrations clandestines et de la radicalisation de l’Irgoun qui
profita du déclenchement de la deuxième Guerre Mondiale pour intensifier ses
actions contre les Anglais et les Arabes poussant d’ailleurs Al-Husseini à
trouver refuge au sein des forces nazies en soulevant les Musulmans des Balkans
contre les Alliés.
Deuxième occasion ratée
Le Royaume-Uni avait décidé d'imposer sa loi. Les trois-quarts
du territoire avaient été attribués en 1921 au Royaume de Transjordanie. Le quart restant était confié
à l’ONU, chargée de trouver une solution de partage. Un nouveau plan, établi
en 1947 et différent de celui de Peel, sera lui aussi voué au même avenir négatif. Les
Juifs l’acceptèrent tandis que les Arabes, à nouveau, le refusèrent malgré
la décision unanime de l’Assemblée générale de l’ONU qui vota le partage le 29
novembre 1947.
Les
Anglais préparèrent leur départ alors qu’un nouveau chef arabe était désigné, Abd
al-Kader Al-Husseini, pour organiser les affrontements armés et prendre la tête
des forces arabes sous l’œil désintéressé des Britanniques qui assistaient au
déclenchement de la guerre civile entre Juifs et Arabes. En leur for intérieur
les Anglais, qui cherchaient à étendre leurs relations économiques et à maintenir
leur influence dans les pays arabes, jouèrent la carte de la défaite des Juifs à laquelle ils étaient convaincus en raison du déséquilibre des forces en présence. La
première guerre israélo-arabe devait commencer à la fin de 1947.
Abd al-Kader Al-Husseini |
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