ISRAËL : PAS DE CHOIX ENTRE LA PESTE ET LE
CHOLÉRA
Par Jacques
BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps
EIN ZIVAN, plateau du Golan |
Benjamin Netanyahou ne veut pas choisir entre la peste et le choléra, entre les rebelles syriens et les milices sanguinaires de Daesh. Il estime qu’Israël n’a pas à prendre position dans un conflit qui, pour l’instant, ne le touche pas. Il soutient bien sûr la coalition occidentale, du bout des lèvres, mais il n’a pas l’intention de prendre part aux combats ni offrir la logistique de Tsahal aux armées occidentales. Le calme à ses frontières dépend de la neutralité dont il fera preuve. Sa participation à la coalition serait considérée comme un casus belli par les protagonistes arabes.
Paix froide avec
la Syrie
Bien que la Syrie soit un ennemi depuis
la création de l’État, Israël n’a rien à reprocher à ce pays qui a, depuis 1973, respecté le
cessez-le-feu puisqu’aucun coup de feu n’a été tiré à travers la frontière. D’ailleurs lors des visites du Golan, l’absence
de forces armées et de matériel lourd étonnait les visiteurs. Certaines bases militaires,
devenues inutiles, avaient été évacuées puisqu’elles n’intervenaient plus dans la
défense de la région.
Le commandant druze de la brigade Golani |
C’est une même situation qui règne avec l’État
islamique qui ne menace pas Israël. Sa stratégie est d’abord de prendre le pouvoir
dans les pays musulmans faibles, comme l’Irak ou une partie de la Syrie, pour les islamiser
ensuite. Il sait qu’il n’a aucun intérêt à provoquer Israël qui réagira avec
vigueur à toute tentative de l’impliquer dans un conflit qui ne le concerne
pas. D’ailleurs Tsahal, par la voix du commandant adjoint de l’unité Golani,
confirme cet état de fait : «Il n’y a
aucune présence de djihadistes à moins de dizaines de kilomètres. La frontière
qui nous sépare de la Syrie est sereine et j’invite les Israéliens à venir
passer quelques jours de repos sur le Golan. Il y fait bon et les paysages sont
magnifiques.»
Quneitra |
Certes
les observateurs de l'ONU ont fui le sud de la Syrie tandis que les forces
régulières syriennes perdent peu à peu le contrôle de la région frontalière
avec Israël. À proximité du village de Quneitra se déroulent de violents
combats entre l'armée régulière syrienne et les rebelles. Des groupes de
militants liés à Al-Qaida seraient stationnés à quelques centaines de mètres
seulement de la frontière mais ils ciblent uniquement l'armée syrienne. Mais Israël ne permettra pas de débordement sur son territoire. Ainsi un avion de chasse syrien, qui survolait le plateau du Golan, a été abattu le 23 septembre par un missile de l'armée de l'air israélienne, a indiqué une source militaire à Jérusalem.
Changements au
Golan
Le Golan connait des changements les
plus importants depuis la guerre de 1973. Les forces des Nations Unies,
chargées de veiller à l'application du cessez-le-feu, sont en train de perdre
le contrôle de la région. Elles pourraient être tentées de décider d’une évacuation
totale si le danger devenait persistant. Les Casques Bleus n’ont pas qualité à
faire le coup de feu, même pour se défendre. Ce sont des unités symboliques qui
s’interposent entre belligérants respectueux de leur neutralité.
Mais les Israéliens restent sereins car
ils ont acquis auprès des combattants des deux bords une image de marque rassurante
depuis l’installation d'un hôpital de campagne à la frontière. Des centaines de
blessés syriens y ont été soignées sans distinction d’appartenance. Pour l’instant,
les djihadistes ne se sont pas rapprochés de la frontière ; seul le front
Al-Nosra jugé modéré s’est emparé du poste frontière et il n’a pas l’intention
de rechercher la confrontation avec Israël.
Al Nosra a pris le contrôle du poste de Quneitra |
Tsahal a cependant pris des mesures
défensives en consolidant la barrière de séparation et en la renforçant avec de
nouveaux équipements électroniques. Des unités d'élite, appartenant à la division
militaire spécialisée nouvellement créée, ont été envoyées au front pour parer
à toute éventualité. Israël ne lésine pas sur les moyens de sa défense. Il
vient de prévoir la construction d’une barrière dotée de technologies de
surveillance le long de sa frontière avec la Jordanie. Le gouvernement veut
bloquer toute éventuelle infiltration de djihadistes du Daesh traversant la Jordanie.
Le Hezbollah en Irak |
Mais l’État islamique est rassuré dans l’immédiat
car il entre dans la stratégie de défense d’Israël. Il est conscient qu’Israël
souhaite sa victoire en Irak car il porterait un coup fatal au Hezbollah. Ce pays a été vassalisé par l’Iran qui, par Hezbollah
interposé, a pris le pouvoir en écartant les sunnites et en éliminant les Chrétiens de la gouvernance. La neutralisation des Chiites serait un coup porté à l’Iran qui perdrait ainsi un allié obéissant. Les mollahs auraient ainsi beaucoup à faire en contrant Daesh plutôt que de chercher à
lancer une quelconque attaque contre Israël. Paradoxalement la victoire du Daesh dans l’immédiat
ne serait pas un fait inquiétant pour Israël sauf pour les populations civiles qui auraient
à souffrir de leurs exactions.
Donc
entre la peste syrienne et le choléra de l’État islamique, Israël n’a aucune
préférence, laissant plutôt ces deux clans se neutraliser ou s’éradiquer mutuellement.
3 commentaires:
Merci Jacques ... Deux remarques. Tout d'abord, si c'est bien Al Nosra qui fait face désormais à Tsahal sur le Golan, je serais moyennement rassuré car c'est quand même le franchisé "légal" d'Al-Qaïda, l'EIIL en étant la dissidence. Ne s'agit-il pas d'autres groupes, certes islamistes mais moins radicaux ? Ensuite, sur le fond oui, je pense que la vraie menace est chiite, l'Iran préparant soigneusement la destruction de l'état juif depuis des décennies, avec une stratégie et une technologie que ne possèdent pas les djihadistes. La menace de ces derniers est en effet indirect, si la Jordanie est à son tour déstabilisée.
Merci Jacques et Jean, toutes ces questions sont très pertinentes.
Mais maintenant il apparait que c'est l'EIIL qui a pris le contrôle du poste de Quneitra, sous le couvert d'uniformes volés à Al Nosra. Cela change la donne me semble-t-il. Israël ne devra-t-il pas intervenir pour venir en aide aux groupes de rebelles modérés, autrement que seulement par l'aide humanitaire ?
Norbert Lipszyc
S'il est évident que pour le moment,la lutte contre Israël n'est pas la priorité de l'EIIL, comment ne pas penser que, lorsque l'état islamique sera stabilisé, agrandi et encore plus proche d'Israël, ses actions terroristes ne seront pas dirigées en priorité et à moyen terme contre celui ci.
C'est pour cela, que même si Israël ne peut évidemment y participer, il faut pour le moins soutenir l'action de la coalition contre l'EIIL.
Enregistrer un commentaire