L’OR À
SOTCHI, LE SANG À KIEV
Par Gérard
AKOUN
Judaïques FM
Manifestants à Kiev |
Pendant que la fête olympique battait
son plein à Sotchi, la police a tiré à Kiev, sur les manifestants de la place
de l’indépendance. Plus de 25 morts, des centaines de blessés. On a une
impression de déjà vu ; on pense à la Syrie où des manifestations, au
premier abord pacifiques, avaient
dégénéré en véritable guerre civile. Quand un gouvernement reste sourd à des
revendications populaires, que sa seule réponse est la police anti-émeutes, que
la violence va crescendo, il est malheureusement inévitable que les
manifestants en viennent à résister en s’armant à leur tour, même si leurs
moyens de défense sont dérisoires.
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Parallèle avec la Syrie
Mais l’Ukraine n’est pas la Syrie même
si la Russie soutient le gouvernement contre ses opposants. Elle a une histoire
différente, une géographie différente. Elle n’est réellement indépendante que
depuis la fin de l’URSS. Elle a été longtemps rattachée à l’empire russe dans
sa partie orientale, alors que la partie occidentale, aux mains de l’empire
austro-hongrois jusqu’à sa chute en 1919, avait été, elle, rattachée à la
Pologne par le traité de Versailles. L’Ukraine ne fut réunifiée qu’après la
guerre de 39-45, dans le cadre de l’Union soviétique.
Une histoire tumultueuse, une géographie
qui coupe en deux ce pays situé aux confins de l’Europe entre la Russie et la
Pologne. Le conflit actuel ne peut se comprendre qu’au travers de cette
histoire et de cette géographie qui ont façonné différemment les représentations
géopolitiques des habitants de ces deux parties de l’Ukraine. Les habitants de
l’Est et du Sud sont russophones, orthodoxes, ceux de l’Ouest catholiques,
Greco-catholiques (des orthodoxes qui reconnaissent l’autorité du Pape), ils
parlent l’ukrainien qu’ils considèrent comme la langue nationale dont ils
veulent généraliser l’usage dans tout le pays. Les premiers se sentent proches
de la Russie et accepteraient, comme la Biélorussie, de rentrer dans son
orbite, les seconds sont tournés vers l’Europe.
Enjeu politique
Victor Ianoukovitch |
L’Ukraine est aujourd’hui un enjeu entre
la Russie et l’Union Européenne. Poutine ne veut la voir, à aucun prix, se
rapprocher de l’Europe, sous quelque forme que ce soit, ni association ni
adhésion. Nostalgique de l’Union soviétique, il refuse toute intrusion de l’Union
Européenne dans ce qu’il considère comme son pré carré. C’est ce qui explique
son soutien politique et financier à Victor Ianoukovitch qui, après avoir
demandé son adhésion à l’UE, s’est tourné vers la Russie. Les manifestations
actuelles trouvent leur origine, entre autres, dans cette volte-face. L’Union
européenne est très divisée sur la réponse à donner à l’Ukraine, elle ne parle
pas d’une seule voix et n’a ni la volonté ni la possibilité financière de
prendre en charge l’Ukraine comme elle a pu le faire pour la Pologne dans le
cadre européen. Or c’est bien à ce modèle polonais, qu’aspirent à accéder les Ukrainiens de l’Ouest d’autant que leur
région reste agricole alors que l’Est est très industrialisé.
Manifestation pro-Europe |
Mais la fracture entre l’Est et l’Ouest
n’est certainement pas aussi tranchée, les manifestations les plus importantes
ont lieu à Kiev, la capitale, qui se trouve dans la partie orientale du pays.
Nous avons pu observer dans les reportages télévisés que ses habitants ne sont
pas hostiles aux manifestants, au contraire on a pu les voir leur apporter de
la nourriture et des couvertures. Je pense que les ukrainiens ne font pas
confiance aux Russes ; ils n’ont pas oublié «la famine organisée» qui a tué des millions des leurs. Ils ne
font pas plus confiance aux Occidentaux ; ils se souviennent qu’ils
avaient encouragé les Berlinois, les Hongrois, les Tchèques à se libérer du
joug soviétique, pour les abandonner au moment où l’URSS les écrasaient.
Actes inqualifiables
Blindés russes en Géorgie |
Le monde a changé, bien sûr, la nouvelle
Russie n’utilise plus ses blindés mais ses énormes ressources énergétiques et
l’argent qu’elles lui rapportent pour imposer sa loi. Poutine ne vient-il pas
d’accorder une aide de deux milliards de
dollars au gouvernement pro-russe d’Ianoukovitch qui qualifie ses opposants, les
manifestants pro-européens de terroristes ?
Les Européens ne doivent pas se
contenter de condamnations verbales, François Hollande et Angela Merkel ont
condamné «les actes inqualifiables et
inadmissibles de la nuit» ; cela ne suffit pas, il faut qu’ils
appliquent des sanctions européennes rapides et ciblées contre les responsables
politiques. Ils ont le devoir d’éviter une nouvelle guerre civile en Europe, ou
bien le partage de l’Ukraine que Poutine susciterait, à défaut de pouvoir
entraîner le pays en totalité dans sa zone d’influence.
2 commentaires:
Mourir pour entrer dans l'UE ;faut-il etre bete...
Qui peut croire que l'UE qui n'a pu empêcher ni les massacres de Yougoslavie, ni ceux de Tchétchénie, se portera au secours de l'Ukraine autrement qu'avec de belles paroles et des larmes de crocodile ?
L'UE n'a ni troupes, ni diplomatie, ni influence.
L'UE est à poil et Poutine le sait.
Alors autant continuer à regarder tranquillement les J.O.
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