On peut s’étonner de cette hypothèse,
alors que le président Poutine a félicité Netanyahou, en soulignant qu’il se
réjouit de pouvoir collaborer avec lui. Les bonnes relations individuelles sont
primordiales certes ; ce n’est pas pour autant que les intérêts supérieurs
de Moscou passeront après cette déclaration de bonnes intentions. Washington qui
suit de très près tous les développements côté russe, n’hésite pas à diffuser des
informations habituellement confidentielles. C’est la dimension médiatique du
conflit.
Il y a quelques jours le
responsable de la CIA déclarait : «Ce qui commence à émerger est au
moins le début d’un partenariat de défense à part entière entre la Russie et
l’Iran. Les Iraniens fournissent des drones à la Russie ce qui entraine de
nombreuses victimes et les Russes étudient les moyens par lesquels ils peuvent
soutenir les Iraniens. Ce développement constitue une menace pour le voisinage
de l’Iran ainsi que pour nombre de nos amis et partenaires dans le voisinage de
l’Iran».
Réunion à Moscou des ministres de la défense turque et syrien, arrivée de la délégation turque |
Plus clairement il s’agit d’un
glissement qualitatif dans les rapports de force et d’intérêt. Plus spécifiquement, c’est aussi l’émergence
d’une menace potentielle pour Israël. On ne peut pas concevoir la dépendance
soudaine de la Russie envers l’Iran sans qu’il y ait tôt ou tard une contrepartie
pour service rendu et quel service ! La question de la nature des
contreparties russes ne tardera pas à se poser, si ce n’est pas déjà engagé. A
cet égard aussi, une réunion exceptionnelle à eu lieu il y a quelques jours à
Moscou, réunissant les ministres de la Défense, turc, syrien et russe qui
s’étaient rencontrés la dernière fois en 2011. Ce n’est pas un hasard.
Le changement dans les rapports
bilatéraux
Ce qui converge. Les deux pays collaborent depuis des années
sur les plans économique et militaire. Dès le début de la guerre, l’Iran est
devenu un des plus inconditionnel partisan de la Russie. Téhéran fournit des
centaines de drones qui, tout en démontrant une efficacité relative, provoquent
des dommages majeurs aux infrastructures ukrainiennes et provoquent de
nombreuses victimes civiles. L’Iran envoie également des formateurs en Crimée
pour accélérer les compétences russes et se propose d’aider Moscou à monter une
ligne de production sur place. Il est en outre question de fournir des missiles
de courte portée. Moscou a déjà formé des pilotes iraniens pour utiliser des
avions russes récents et pourrait fournir des hélicoptères et des systèmes de
défense aériennes à l’Iran. En Syrie, bien qu’ayant des objectifs parfois
différents, les deux pays ont collaboré contre des ennemis communs. Ils se sont
aussi opposés au rôle de Washington sur l’échiquier international.
Sergei Shoigu ministre russe de la défense |
Ce qui diverge. La Russie entretien
des relations étroites avec certains ennemis de l’Iran dont l’Arabie
Saoudite et Israël. Les deux pays sont concurrents sur le marché de l’énergie
où le Kremlin regarde de plus en plus vers l’Asie.
Les possibles contreparties
En se référant au modèle de l’Otan,
la Russie pourrait fournir des systèmes de défense anti aérienne avancés
qu’elle a refusé jusqu’à maintenant en raison des problèmes que cela pourrait
susciter, avec d’autres pays dont la Turquie, l’Arabie Saoudite, Israël. L’Iran
pourrait obtenir des avions dernière génération Sukhoi Su-35. Ces nouveaux moyens
beaucoup plus performants que les dispositifs actuels pourraient sérieusement
compliquer une attaque contre les sites nucléaires en particulier. La Russie a également
fourni à l’Iran des matériels militaires américains, drones compris qui ont été
obtenus pendant le conflit actuel en Ukraine.
Ce sont les premiers éléments évalués par les responsables américains et
israéliens.
Il y a d’autres menaces qui pourraient rompre l’équilibre des forces entre Israël et Iran. Le renseignement se trouve en première place. La Russie dispose de technologies avancées qu’elle pourrait fournir ou partager avec l’Iran, lui donnant un avantage stratégique. Imaginons que le Kremlin dispose d’informations sensibles sur les plans israéliens ou sur les opérations secrètes an Moyen Orient. L’hésitation que pouvait avoir Moscou à partager de telles informations, s’il en dispose, fait maintenant place à une éventualité que les stratèges ne peuvent écarter, selon la théorie du Worst case scenario.
A moscou, réunion russo-turco-syrienne des ministres de la défense |
L’arme cyber est un moyen d’aider
l’Iran. La Russie, super puissance dans
ce domaine, peut apporter son aide pour améliorer substantiellement les
compétences existantes en Iran. Elle pourrait même aller jusqu’à communiquer
les failles qu’elle a identifiées et qui faciliteraient grandement une attaque
de l’Iran ou de l’un de ses affidés. Les analystes israéliens pensent qu’en
raison des relations existantes entre Poutine et Netanyahou, la Russie ne
prendra aucune mesure qui romprait le statut quo actuel et modifierait l’équilibre
des forces entre Téhéran et Jérusalem. L’argument étant que la Russie craindrait
qu’Israël ne fournisse à l’Ukraine des systèmes de défense qui viendraient
modifier l’action russe sur le terrain. Il n’empêche, après ces multiples spéculations,
la Russie pourrait tout aussi agir secrètement et fournir sélectivement à
l’Iran, soit des moyens sophistiqués en matière de cyber technologie, soit des
informations sensibles.
Dans cette perspective il ne faut
pas écarter une seconde hypothèse, celle de l’armée russe qui considère que la
relation avec Israël n’est pas d’égal à égal et qui pousse depuis des années à
un recalibrage, remettant, selon elle, la relation à sa juste place. En
l’occurrence cela ne va pas dans le sens israélien. Mais peut-être que les
lignes rouges établies par Israël sont suffisamment précises pour dissuader les
deux pouvoirs actuels, le politique et le militaire, aussi longtemps qu’ils ne
s’affronteront pas sur fond de discorde concernant les objectifs à atteindre en
Ukraine. Quels experts pouvaient prévoir l’entrée en guerre de la Russie ?
Qui avait imaginé un jour que des canons français tireraient sur l’armée
russe ? Qui imaginait que des drones iraniens sèmeraient la terreur à
Kiev ? C’est un changement majeur de paradigmes. Donc la stratégie n’est
pas d’attendre passivement le pire, mais bien d’envisager qu’il puisse se
produire. C’est le rôle et la responsabilité du pouvoir en place.
Yoav Galant |
La nomination de l’ex général et
ancien ministre, Yoav Galant, proche de Netanyahou peut être une indication de
la volonté du nouveau gouvernement d’agir plutôt que de réagir. Les conflits
passés ont démontré, si besoin était, et si besoin vital il y a, qu’Israël n’est
jamais aussi efficace que lorsqu’il prend l’initiative et anticipe les mouvements
de l’adversaire. Il y a sans doute aussi
une opportunité mince de dissuader l’Iran de poursuivre ses menés et ses
menaces, compte tenu du contexte. Ce qui pourrait permettre la création d’un
front uni comprenant les Émirats qui sont en excellents termes avec le Kremlin,
l’Arabie saoudite, l’Europe et les États Unis, de qui dépendent beaucoup des décisions
à venir. Washington pourrait avoir un plan B, après avoir mis toute son énergie
pendant des mois à arracher un accord à l’Iran, lequel consisterait à forcer la
main à Israël pour la mise en œuvre de la solution à deux États, qui est le
choix de la Maison Blanche pour rebattre une fois de plus les cartes au Moyen
Orient.
1 commentaire:
Nous entrons, avec le déséquilibre mondial, dans une nouvelle ère. C'est le Casino De Las Vegas; beaucoup de perdants et un chanceux. Qui seront les perdants; nous tous
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