L’IRAN, UNE PUISSANCE EN MOUVEMENT
Un essai de Thierry COVILLE
Recension de Jacques BENILLOUCHE
Les Iraniens étaient las de subir des agressions
étrangères. La dynastie Pahlavi, très autoritaire, a déçu parce qu’elle n’a pas
réussi à supprimer la dépendance à l’égard de l’étranger bien qu’elle soit parvenue à assurer à l’Iran «un indéniable développement économique et social».
Le changement par le Shah du nom de son pays, la Perse, s’expliquait parce que le nom était «trop associé à un pouvoir faible, celui des Qadjars». Les États-Unis
avaient pour objectif d'utiliser l'Iran pour «faire face à l’URSS et à l’Égypte de Gamal Abdel
Nasser». Le Shah a estimé pouvoir gouverner seul avec le soutien de l’armée
et de sa police secrète la Savak ce qui a ouvert la voie à l’Ayatollah chiite
Rouhallah Khomeiny.
L’arrivée au pouvoir des Mollahs s’est accompagnée d’une
disparition des partis de gauche : les Moudjahidines du peuple et le parti Toudeh
mais les affrontements internes se sont alors accentués avec le radical
révolutionnaire Khomeiny, la droite pragmatique de Hachemi Rafsandjani, le
populiste et conservateur intransigeant Mahmoud Ahmadinejad et le réformiste
Hassan Rohani qui a signé l’accord sur le nucléaire en 2015. Mais lé décision de
Donald Trump d’en sortir a entrainé une grave crise économique en Iran, le «déclin
de la popularité de Hassan Rohani et du camp modéré» et l’arrivée d'Ebrahim Raïssi, l’ultraconservateur.
Thierry Coville analyse avec détail la nature du
régime qui selon lui n’est pas une théocratie mais un système politique basé
sur l’islamisme, le nationalisme et la volonté populaire. Il explique et justifie
la modernisation de la société iranienne depuis la révolution. La politique étrangère
oscille entre héritage révolutionnaire et pragmatisme et est fondée sur une
opposition totale aux États-Unis (le Grand Satan) et à Israël (Petit Satan) d’où
la nécessité de développer sa puissance militaire. Les sanctions américaines
sont dramatiques pour le pays qui exportait 2 millions de barils de pétrole par
jour en 2018 et 150.000 à fin 2020.
L’auteur explique parfaitement la poursuite d’une
hégémonie régionale par l’Iran : «les dirigeants de l’Arabie saoudite,
des Émirats arabes unis, d’Israël, des États-Unis et de l’Europe voient l’Iran
comme voulant imposer son hégémonie». Il aborde les relations de l’Iran et
du Liban troublés par l’histoire du Hezbollah, «l’allié militaire le plus
influent de l’Iran».
Les relations avec Israël ont été marquées par un
renversement stratégique total car «Israël avait de bonnes relations avec le
régime des Pahlavi». Pour Coville, s’opposer à Israël permettait à l’Iran
de prendre le leadership du monde musulman. Il modère cependant la stratégie
iranienne vis-à-vis d’Israël car «l’Iran cherche plutôt à faire évoluer
favorablement son rapport de forces avec Israël sans risquer un conflit ouvert du
fait du soutien américain». Il explique par ailleurs pourquoi, depuis les
années 2000, les relations se sont dégradées avec l’Arabie saoudite et les Émirats
arabes Unis.
Aviv Kohavi |
Il s’agit d’un ouvrage très utile pour suivre les évènements d'Iran,
autrement que par des articles de presse incomplets ou engagés. Au moment où un début de révolution s'amplifie dans les principales villes iraniennes, où le chef d'Etat-major israélien Aviv Kohavi estime qu'Israël est prêt à attaquer les cibles nucléaires et où un dur, le général Yoav Galant, est nommé à la Défense nationale, cet ouvrage donne les réelles clefs pour comprendre la situation d'un Iran "en mouvement".
Éditions EYROLLES
61, Boulevard Saint Germain
75240 Paros Cedex 05
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