Une fois, ça va. Quatre fois, à l’évidence, bonjour les
dégâts ! Son amie avocate n’en revenait pas. D’une part, du retentissement
international immédiat déclenché par l’orientation extrémiste annoncée d’un
futur gouvernement israélien. D’autre part de l’utilisation répétée, unanime, d’une
même dénonciation : la honte. Un collègue de Nouvelle Zélande, son cousin
new yorkais, une amie journaliste canadienne et, plus grave pour elle, son fils
parisien. Jonathan, lui-même encore sous le choc de la profondeur et de la
rapidité de ce hold-up politique, mais connaissant bien le mode de
fonctionnement de son interlocutrice, lui tendit la perche : Allez,
dis-moi tout. Comment leur as-tu renvoyé leur balle ? Toute à son
indignation, elle ne se le fit pas demander deux fois.
Pour commencer, la trahison. Celle d’un homme. Toujours le même.
Qui, jusqu’à présent, polarisant la vie politique du pays sur sa personne, réduisait
à carricature le débat d’idées. Mais qui, cette fois, débordé par son addiction
au pouvoir et l’urgence de protection de son sort personnel, s’est retrouvé
prisonnier du diable sur lequel il pensait pouvoir appuyer sa
résurrection : l’extrémisme religieux. Trahison du pays, de la population,
de la tradition démocratique, de l’acquit historique. Trahison de son propre
camp.Sortie de prison d'Arie Dehry
La suite va de soi. Un gouvernement de brigands. Avec, en prime, pour
faciliter l’accès au poste de ministre à des députés soit déjà condamnés par la
justice, soit sous menace de l’être, un vote prioritaire, en accéléré, de lois
permettant leur nomination. Un gouvernement pléthorique. Totalement en
contradiction avec les temps difficiles que traverse le pays. Une pléthore par
dépeçage des ministères en multiples parcelles de pouvoir. Permettant de
fidéliser le plus grand nombre possible d’alliés temporaires. Un gouvernement ayatollisant,
talibanesque. Laissant, par capitulation, libre voie aux exigences de partis
religieux, avides de substituer aux lois républicaines les lois supposées
divines. Donc, un changement de régime.
Théocratique, nationaliste, raciste. En remplacement du régime démocratique,
ouvert, préservant peu ou prou l’équilibre majorité juive, minorités arabes.
L’abandon d’un programme électoral classique pour un programme surprise de
déploiement de la radicalité religieuse dans tous les domaines, social, économique,
culturel. Dans l’ignorance des vrais défis majeurs, climatique, écologique,
réduction des inégalités, défense du pouvoir d’achat, crises du transport, du
logement. Priorité donnée à l’abandon de l’équilibre des pouvoirs, exécutif,
législatif, judiciaire, par démantèlement du pouvoir légal.
Cour Suprême |
L’avocate reprit son souffle. Momentanément. Jonathan attendit
sagement la suite de la suite. Il fit bien : la honte pour Israël,
comment le nier ? Mais aussi, la honte pour nous. Pour nous tous. Honte
pour le monde du droit. Avocats, magistrats, universitaires…. Qui, apparemment,
laisse sans réagir, la menace s’afficher, grandir, s’imposer comme évidence, la
menace de la mise en tutelle de la justice par le pouvoir parlementaire. Honte
pour le monde de l’éducation. Il y a bien eu une lettre de résistance d’une
partie de la communauté. Mais devant la largeur de l’attaque du système
éducatif israélien, pourquoi n’y a-t-il pas, dès maintenant, une mobilisation
d’ensemble contre une OPA résolument rétrograde ?
Honte au monde de la santé, du médical. Qui ne se met pas
instantanément vent debout. Devant la mise à pied d’un médecin des hôpitaux,
coupable d’un acte de fraternité humaine, accepté comme interdit. Devant le
risque d’un refus de traiter des patients en fonction de leur genre ou de leur
appartenance ethnique. Honte à l’ensemble de la société israélienne qui accepte
déjà par indifférence les exactions des extrémistes religieux dans les
territoires occupés. Et qui pourrait laisser s’effectuer le «grand
remplacement» à l’envers. Celui de la population palestinienne par une
population juive orthodoxe.
Honte à cette société qui accepterait l’envahissement de la vie
publique par les contraintes diverses et multiples de la vie religieuse.
Rompant l’équilibre initié à l’origine de la création de l’État par les
responsables politiques historiques. Honte aussi au parti majoritaire qui
assiste sans broncher à la mainmise du pouvoir par les alliés omnipotents de
leur leader. Honte au cercle rapproché de ce leader qui par habitude
d’obéissance, sans doute, avale sans broncher tous les oukases ultimes. Honte à
ces électeurs trompés. Qui n’ont certainement pas voulu «cela». Qui restent
silencieux, par démission probablement.
Alors, avocate ? La charge se termine par quoi ? En eau
de boudin ? Ou par une plaidoirie ? Jonathan
joua, à son tour, l’avocat du diable. La réponse, visiblement prédéterminée, tomba
du tac au tac. Il ne s’agit plus, à ce stade, d’une plaidoirie. D’une
recommandation : l’insurrection. La seule possible si l’on n’accepte pas «la
honte». Bien entendu, l’insurrection légale. Non-violente. Défense
circonstanciée, documentée, de la justice. Défense active du système éducatif.
Respect du serment d’Esculape, refus de la discrimination médicale. Sortie de
la torpeur citoyenne pour s’opposer au comportement discrétionnaire sauvage
dans les territoires. Refus tranquille, résolu, à toute atteinte aux libertés
de vie publique.
C’est une réponse que nous nous devons à nous-même. Que nous devons
aux membres de la diaspora. Qui rétablisse la vision d’Israël que peut avoir la
communauté internationale. Insurrection légale ? La honte n’avait qu’à bien se tenir, admira
Jonathan.
6 commentaires:
« … l’insurrection. La seule possible si l’on n’accepte pas «la honte». Bien entendu, l’insurrection légale. Non-violente.»
Jonathan est un soixante-huitard qui rêve à la française. L’esprit révolutionnaire n’est pas adaptable en Israël. Ici chacun subira les désidératas du prochain gouvernement, attendant sagement, passivement, avec un mot à la clef: savlanout…
J’espère bien sûr faire largement erreur.
Et donc, la démocratie n'est à respecter que lorsqu'elle vous arrange?
Etre vigilant est une chose, et devrait être la règle pour tous les gouvernements de tous les pays (mais personne n'a appelé à surveiller le gouvernement précédent dont un des chefs était lui aussi un homme de droite religieux associé à des partis de gauche et à un parti frériste musulman).
D'autre part, personne n'a élevé la moindre protestation lorsqu'un repris de justice a concouru à la candidature à la présidence de la république, en France.
Jugeons sur les actes
Les intentions de la majorite trahissent l'absolu ignoranc d ce qu'est une democratie. Et po urquoi s'en etonner? La majorite de la population israelienne n'a jamais recu le moindre cours d'instruction civique. Ainsi la presente democratie va probablement tourner en dictature, mais les gardes-fous sont en place: les USA ne permettront jamais les nouveaux projets israeliens et ils seront capables d'envoyer des troupes pour retablir l'ordre.
Mais, il faut aussi regarder ce qui va se passer reellement.Alors, wait and see comme disaient les anciens colonialistes britanniques.
@ Anonyme
"démocratie
Apprenez à prononcer
nom féminin
Forme de gouvernement dans laquelle la souveraineté appartient au peuple ; État ainsi gouverné.
Être en démocratie." Dictionnaire Le Robert
En Israël, il y a des élections, exemptes de fraudes, et l'alternance est respectée!
De quel autre pays du MO peut-on en dire autant?
Il est vrai que des dictatures sont arrivées au pouvoir à la suite d'élections main je ne vois pas de dictature en Israël!
Si le pouvoir judiciaire est modifie pour assurer une majorite de droite, Israel cessera d'etre une demcratie liberale car il n'y jamais eu de veritable separation des pouvoirs executif et legislatif. Il pourra alors etre qualifie d'Etat juif theocrate, un peu comme l'Arabie Saoudite ou l'Iran sans les richessses petrolieres et l'etendue geographique.
Le débat contradictoire, tel qu'il apparait ici, donne heureusement un bel exemple de démocratie. Jonathan remercie Temps et Contretemps. Mais, malheureusement, il signe et contresigne: ce qui se passe dans le champ politique en Israël n'est pas le phénomène classique d'alternance. Il s'agit d'un renversement, d'une rupture. Le maintien du mot démocratie israélienne devient le faux nez d'un vrai passage à une théocratie ayatollesque. Devant lequel, le vrai pays, la société civile, doit s'insurger. Sous peine d'être contaminée. Et c'est plus grave que la Covid.
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