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dimanche 28 mars 2021

Israël-Syrie, vers une paix froide par Francis MORITZ

 

ISRAËL-SYRIE, VERS UNE PAIX FROIDE

 

Par Francis MORITZ

 

Les amis de la Syrie

Ce qui était une fiction pour certains depuis des années, une utopie pour d’autres, devient maintenant une option. Bachar el Assad est à l’heure du choix. Si le président syrien, au terme de dix ans de guerre civile, possède le même sens aigu de la politique que feu son père, alors il aura la capacité de prendre la bonne décision pour la survie de son régime : mettre fin à l’état de guerre avec Israël.  S’il a survécu contre le cours des évènements, il sait que la roue tourne. Qui aurait parié que Jérusalem serait progressivement reconnue comme la capitale officielle d’Israël, sinon de facto par divers États ? Qui aurait parié sur la reconnaissance d’Israël par plusieurs États arabes en 2020 ? Qui maintenant voudrait parier que ça n’arrivera pas ? On sait bien qu’au Moyen Orient, tout change parfois très vite.




Base russe de Hmeimim


On a fait état de contacts informels entre les deux pays qui auraient eu lieu sur la base aérienne russe de Hmeimim située près de Lattaquié. Si cela a fuité, ce n’est pas par hasard. On a aussi constaté avec quelle rapidité les autorités de Damas ont renvoyé la visiteuse qui avait franchi la frontière séparant les deux pays.

Il y a dix ans, ce qui n’était qu’un ras le bol de la population, s’est transformé en une atroce guerre civile. Faute de pouvoir repousser Daesh et ses opposants, le président syrien avait demandé l’aide de l’Iran. Une fois le groupe terroriste défait, la présence iranienne est devenue un fardeau tant pour la Russie que pour le régime.  Les signes sont là pour confirmer cette thèse. Les relations entre la Russie sur place et Israël sont considérées comme bonnes. Les interventions aériennes israéliennes quasi quotidiennes ne se comptent plus, ce qui implique une forme de coordination sophistiquée entre les deux armées, sinon ce serait impossible. Non moins surprenante est la réaction plutôt molle de la défense aérienne syrienne qui ne peut faire moins pour sauver les apparences que de répliquer aux bombardements israéliens sur des objectifs iraniens. Mais on voit qu’en réalité il s’agit bien d’une connivence ou d’une passivité et d’une forme d’accord tacite.

Carte actuelle guerre civile en Syrie

Assad a théoriquement trois options. La première serait de subir la situation actuelle et de voir le pouvoir lui échapper au gré des décisions russes ou autres. Il y va de sa survie personnelle. La seconde consisterait à se résigner au statu quo en laissant les factions étrangères, nombreuses en Syrie, démembrer le pays en zones occupées par l’une ou l’autre milice d’obédiences diverses et devenir un petit État croupion sans importance. A terme ce serait la fin de la Syrie et par conséquence, la fin du clan Assad.

La troisième option serait celle qui offre le plus de chances de survie du régime et la possibilité de retrouver une place dans la communauté internationale, en dépit des crimes perpétrés. Les relations internationales ignorent très souvent les lois morales.

La Syrie est criblée de dettes, notamment envers l’Iran qui lui apporte son soutien depuis des années. Elle ne pourra rembourser qu’avec l’aide d’autres pays, ceux du Golfe par exemple. Obtenir son départ, suppose de payer ces dettes, sinon l’Iran continuera à prospérer avec ses milices et autres affidés qu’elle rémunère. Assad veut se réconcilier avec les monarchies sunnites, lesquelles ont maintenant reconnus Israël. Il voudrait aussi reprendre sa place au sein de la ligue arabe. La diplomatie d’Oman travaille dans l’ombre, seul pays qui n’a jamais interrompu ses relations avec Damas et qui communique avec Jérusalem. Plus largement, une reprise de contact avec les États Unis passe nécessairement par l’établissement de relations avec le voisin de Jérusalem et représente peut-être une seconde porte d’entrée dans l’axe sunnite. Les Russes partagent ce schéma. La présence iranienne leur pose de multiples problèmes qui se traduisent régulièrement par des opérations militaires contre ces groupes. 

Bien que le pays ne soit pas encore pacifié, le grand sujet est déjà l’après-guerre, la reconstruction du pays. Elle nécessitera des financements énormes qui sont hors de portée de l’Iran. En termes de taille, seules l’Asie du Sud Est et plus spécialement la Chine seront capables d’apporter une aide et des investissements. On sait à quel point la Chine excelle dans ce type de projet à long terme. Elle a les hommes, les techniciens et les capitaux. Les pays occidentaux doivent en tenir compte pour rester présent dans l’après-guerre civile. On ne connaît pas encore la position de Moscou, qui doit faire face à sa propre situation intérieure qui n’est pas forcément des plus simples. Pour autant la Russie est fermement décidée à conserver et développer on rôle dans la région. Ce qui a considérablement changé depuis ces dernières années, c’est l’opposition des pays du Golfe à l’Iran et la reconnaissance de l’État hébreu, la mise sous boisseau du problème palestinien.

Dans cette perspective que peut attendre Israël ?

Arrivée de troupes iraniennes en Syrie


L’armée syrienne ne représente plus un danger pour Jérusalem. Elle a été en partie détruite par le conflit, à tel point que plusieurs unités sont placées directement sous la direction iranienne et financées par elle. Le départ des Gardiens de la révolution serait un gain considérable pour Tsahal qui n’a pas du tout intérêt à se voir confronté à plusieurs milices au lieu d’un État gouverné par Bachar El Assad. L’arrêt des bombardements se traduirait immédiatement par une réduction substantielle des dépenses militaires et lui permettrait de se concentrer vers un autre objectif encore soutenu par l’Iran au nord, le Hezbollah.

Le mouvement terroriste peut désormais utiliser des missiles de haute précision fournis par l’Iran et représente dorénavant un danger majeur. On a toujours affirmé que le plateau du Golan restera la pierre d’achoppement d’un accord. Israël ne rendra pas cette zone mais en revanche il sera susceptible de proposer des modalités de nature à sauver la face du régime, si besoin était. Dans le nord d’Israël, une partie de la population druze reste syrienne. La Turquie est également présente et soutient certains des opposants au régime, ce qui rend la partie très complexe.  La nouvelle administration américaine, Joe Biden l’affirme, America is back, peut jouer un rôle majeur en créant les conditions d’un accord avec les monarchies sunnites et Israël.

Gardiens de la révolutions en Syrie

Ce processus pourrait à terme rendre le Hezbollah plus fragile et conduire à un accord avec un Liban certes à genoux mais pacifié et demandeur d’une paix durable et de la reconstruction de son pays. Dans le même temps une majorité de syriens actuellement dans des camps en Turquie pourraient rentrer chez eux et réduire le poids des réfugiés devenu un souci grandissant pour une Europe qui n’en veut pas, face à une Turquie de plus en plus arrogante et exigeante. L’Union européenne, la France, absentes des grandes manœuvres auront tout intérêt à soutenir cette évolution, quelles que soient leurs réserves ou leur répugnance envers ce régime.

L’Iran aura réussi ce qui paraissait impossible : devenir le plus petit dénominateur commun entre Jérusalem, Damas et les monarchies du Golfe. Si l’adage devait se confirmer, les ennemis de mes ennemis sont mes amis, mais les amis de mes ennemis sont mes ennemis, la Syrie devrait très bientôt se décider. Elle ne dispose pour cela que d’une période limitée, car tout change très vite. On saura alors si Assad est aussi fin manœuvrier que feu Hafez el Assad.  Il a depuis longtemps démontré à quel point il possède le même cynisme, il pourra s’inspirer de Machiavel, un maître en la matière, pour qui «En politique le choix n’est pas entre le Bien et le Mal mais entre le pire et le moins pire»

 

1 commentaire:

airdularge a dit…

Ce serait simplement le début d'un miracle.
De quoi recommencer à croire...!