Les amis de la Syrie |
Ce qui était une fiction pour
certains depuis des années, une utopie pour d’autres, devient maintenant une
option. Bachar el Assad est à l’heure du choix. Si le président syrien, au
terme de dix ans de guerre civile, possède le même sens aigu de la politique que
feu son père, alors il aura la capacité de prendre la bonne décision pour la
survie de son régime : mettre fin à l’état de guerre avec Israël. S’il a survécu contre le cours des
évènements, il sait que la roue tourne. Qui aurait parié que Jérusalem serait
progressivement reconnue comme la capitale officielle d’Israël, sinon de facto
par divers États ? Qui aurait parié sur la reconnaissance d’Israël par
plusieurs États arabes en 2020 ? Qui maintenant voudrait parier que ça
n’arrivera pas ? On sait bien qu’au Moyen Orient, tout change parfois très
vite.
Base russe de Hmeimim |
On a fait état de contacts
informels entre les deux pays qui auraient eu lieu sur la base aérienne russe
de Hmeimim située près de Lattaquié. Si cela a fuité, ce n’est pas par hasard.
On a aussi constaté avec quelle rapidité les autorités de Damas ont renvoyé la
visiteuse qui avait franchi la frontière séparant les deux pays.
Il y a dix ans, ce qui n’était
qu’un ras le bol de la population, s’est transformé en une atroce guerre civile.
Faute de pouvoir repousser Daesh et ses opposants, le président syrien avait
demandé l’aide de l’Iran. Une fois le groupe terroriste défait, la présence
iranienne est devenue un fardeau tant pour la Russie que pour le régime. Les signes sont là pour confirmer cette
thèse. Les relations entre la Russie sur place et Israël sont considérées comme
bonnes. Les interventions aériennes israéliennes quasi quotidiennes ne se
comptent plus, ce qui implique une forme de coordination sophistiquée entre les
deux armées, sinon ce serait impossible. Non moins surprenante est la réaction plutôt
molle de la défense aérienne syrienne qui ne peut faire moins pour sauver les
apparences que de répliquer aux bombardements israéliens sur des objectifs
iraniens. Mais on voit qu’en réalité il s’agit bien d’une connivence ou d’une
passivité et d’une forme d’accord tacite.
Carte actuelle guerre civile en Syrie |
Assad a théoriquement trois options.
La première serait de subir la situation actuelle et de voir le pouvoir lui
échapper au gré des décisions russes ou autres. Il y va de sa survie
personnelle. La seconde consisterait à se résigner au statu quo en laissant les
factions étrangères, nombreuses en Syrie, démembrer le pays en zones occupées
par l’une ou l’autre milice d’obédiences diverses et devenir un petit État
croupion sans importance. A terme ce serait la fin de la Syrie et par
conséquence, la fin du clan Assad.
La troisième option serait celle
qui offre le plus de chances de survie du régime et la possibilité de retrouver
une place dans la communauté internationale, en dépit des crimes perpétrés. Les
relations internationales ignorent très souvent les lois morales.
La Syrie est criblée de dettes,
notamment envers l’Iran qui lui apporte son soutien depuis des années. Elle ne
pourra rembourser qu’avec l’aide d’autres pays, ceux du Golfe par exemple.
Obtenir son départ, suppose de payer ces dettes, sinon l’Iran continuera à
prospérer avec ses milices et autres affidés qu’elle rémunère. Assad veut se
réconcilier avec les monarchies sunnites, lesquelles ont maintenant reconnus
Israël. Il voudrait aussi reprendre sa place au sein de la ligue arabe. La
diplomatie d’Oman travaille dans l’ombre, seul pays qui n’a jamais interrompu
ses relations avec Damas et qui communique avec Jérusalem. Plus largement, une
reprise de contact avec les États Unis passe nécessairement par l’établissement
de relations avec le voisin de Jérusalem et représente peut-être une seconde
porte d’entrée dans l’axe sunnite. Les Russes partagent ce schéma. La présence
iranienne leur pose de multiples problèmes qui se traduisent régulièrement par
des opérations militaires contre ces groupes.
Bien que le pays ne soit pas encore
pacifié, le grand sujet est déjà l’après-guerre, la reconstruction du pays. Elle
nécessitera des financements énormes qui sont hors de portée de l’Iran. En
termes de taille, seules l’Asie du Sud Est et plus spécialement la Chine seront
capables d’apporter une aide et des investissements. On sait à quel point la
Chine excelle dans ce type de projet à long terme. Elle a les hommes, les
techniciens et les capitaux. Les pays occidentaux doivent en tenir compte pour
rester présent dans l’après-guerre civile. On ne connaît pas encore la position
de Moscou, qui doit faire face à sa propre situation intérieure qui n’est pas
forcément des plus simples. Pour autant la Russie est fermement décidée à
conserver et développer on rôle dans la région. Ce qui a considérablement
changé depuis ces dernières années, c’est l’opposition des pays du Golfe à l’Iran
et la reconnaissance de l’État hébreu, la mise sous boisseau du problème
palestinien.
Dans cette perspective que peut
attendre Israël ?
Arrivée de troupes iraniennes en Syrie |
L’armée syrienne ne représente plus
un danger pour Jérusalem. Elle a été en partie détruite par le conflit, à tel
point que plusieurs unités sont placées directement sous la direction iranienne
et financées par elle. Le départ des Gardiens de la révolution serait un gain
considérable pour Tsahal qui n’a pas du tout intérêt à se voir confronté à
plusieurs milices au lieu d’un État gouverné par Bachar El Assad. L’arrêt des
bombardements se traduirait immédiatement par une réduction substantielle des
dépenses militaires et lui permettrait de se concentrer vers un autre objectif
encore soutenu par l’Iran au nord, le Hezbollah.
Le mouvement terroriste peut
désormais utiliser des missiles de haute précision fournis par l’Iran et
représente dorénavant un danger majeur. On a toujours affirmé que le plateau du
Golan restera la pierre d’achoppement d’un accord. Israël ne rendra pas cette
zone mais en revanche il sera susceptible de proposer des modalités de nature à
sauver la face du régime, si besoin était. Dans le nord d’Israël, une partie de
la population druze reste syrienne. La Turquie est également présente et
soutient certains des opposants au régime, ce qui rend la partie très
complexe. La nouvelle administration
américaine, Joe Biden l’affirme, America is back, peut jouer un rôle
majeur en créant les conditions d’un accord avec les monarchies sunnites et
Israël.
Gardiens de la révolutions en Syrie |
Ce processus pourrait à terme
rendre le Hezbollah plus fragile et conduire à un accord avec un Liban certes à
genoux mais pacifié et demandeur d’une paix durable et de la reconstruction de
son pays. Dans le même temps une majorité de syriens actuellement dans des
camps en Turquie pourraient rentrer chez eux et réduire le poids des réfugiés
devenu un souci grandissant pour une Europe qui n’en veut pas, face à une
Turquie de plus en plus arrogante et exigeante. L’Union européenne, la France,
absentes des grandes manœuvres auront tout intérêt à soutenir cette évolution,
quelles que soient leurs réserves ou leur répugnance envers ce régime.
L’Iran aura réussi ce qui
paraissait impossible : devenir le plus petit dénominateur commun entre Jérusalem,
Damas et les monarchies du Golfe. Si l’adage devait se confirmer, les ennemis
de mes ennemis sont mes amis, mais les amis de mes ennemis sont mes ennemis, la
Syrie devrait très bientôt se décider. Elle ne dispose pour cela que d’une
période limitée, car tout change très vite. On saura alors si Assad est aussi fin
manœuvrier que feu Hafez el Assad. Il a
depuis longtemps démontré à quel point il possède le même cynisme, il pourra
s’inspirer de Machiavel, un maître en la matière, pour qui «En politique le
choix n’est pas entre le Bien et le Mal mais entre le pire et le moins pire»
Ce serait simplement le début d'un miracle.
RépondreSupprimerDe quoi recommencer à croire...!