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jeudi 11 juin 2020

Cacophonie à droite et au sein de la direction bicéphale israélienne


CACOPHONIE À DROITE ET AU SEIN DE LA DIRECTION BICÉPHALE ISRAÉLIENNE

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps
          

          Benny Gantz a choisi la discrétion au sein du gouvernement en évitant les déclarations intempestives, se bornant à laisser quelqu’un de son entourage soulever les points litigieux. Il n’a aucun intérêt à passer pour un mauvais allié sachant que Netanyahou, en première ligne, prend tous les coups avec le risque de payer la note finale aux élections. Il ne cherche même pas à convaincre le premier ministre de moduler son projet d’annexion en raison des oppositions diverses, à droite comme à gauche.



Leaders Yesha

L’ultra droite et les chefs des implantations de Yesha sont vigoureusement contre cette annexion alors qu’ils la demandaient depuis plusieurs années déjà.  Ils la refusent car elle est conditionnée par la création d’un État palestinien. Ils préfèrent donc le statu quo. Ayelet Shaked de Yamina, ne cesse chaque jour de marquer son aigreur dans l’opposition en faisant des déclarations assassines contre le premier ministre : «Nous ne pouvons accepter un plan qui reconnaît un État palestinien. Le gouvernement israélien n'a jamais reconnu un État palestinien, même pas dans les accords d'Oslo. Nous ne sommes pas disposés à accepter un accord qui stipule que la moitié des terres seront transférées aux Palestiniens. Dans une telle situation, nous préférons attendre encore 50 ans. Nous avons beaucoup de patience». Elle n’a pas mâché ses mots contre le premier ministre : «Netanyahu préfère les politiciens faibles. Nous ne sommes pas faibles. Nous avons beaucoup de comptes à régler. Nous ne faisons que commencer».


Manifestation anti-annexion

De son côté, l’opposition de gauche et du centre manifeste dans les rues de Tel-Aviv pour signifier que l’annexion sera un non-sens, en vain. Des anciens officiers de Tsahal et des services sécuritaires on pétitionné pour mettre en garde le gouvernement.
L’Autorité palestinienne menace de s’auto dissoudre pour laisser la gestion de la Cisjordanie aux Autorités israéliennes. Toutes les chancelleries occidentales, excepté celle des États-Unis, envisagent une action commune contre Israël, voire des sanctions. Et malgré cela le premier ministre maintient son programme contre vents et marées. Le premier ministre est pourtant un homme politique expérimenté, conscient des réalités. Il n’agit pas sans avoir muri au préalable sa décision.
            La seule explication raisonnable reste la nécessité, sous prétexte de coronavirus, de tirer un rideau de fumée sur quelques-unes de ses difficultés pour les masquer ou pour surseoir l’échéance. En mobilisant la presse, la télévision, les ministres et quelques militants fidèles sur la question de l’annexion, tous les autres problèmes passent au second plan, en attendant des jours meilleurs.

            La position des militaires n’est pas le moindre écueil. Ils ont été exclus des plans d’annexion alors que le premier ministre leur a demandé «de se préparer». Les cartes du plan d’annexion, qui mettent en jeu la sécurité nationale, n’ont pas été transmises à l’État-major, pour la première fois dans l’histoire du pays en guerre.
            Sur le plan économique la grogne se développe car peu de mesures ont été prises, ou alors des mesures tardives, après la crise du coronavirus pour venir en aide aux indépendants ou aux commerçants. Et pourtant les caisses de la Banque d’Israël sont pleines. Les réserves de change à la fin de mai 2020 ont augmenté de 21% pour atteindre un record de 142.513 milliards$ en hausse de 8.966 milliards$ au mois précédent. Les réserves représentent 35,5% du PIB. Le gouvernement est assis sur son tas de devises en attendant les mauvais jours mais le coronavirus ne semble pas concerné.
          Malgré cela, dans les petits centres commerciaux, plusieurs magasins ont baissé le rideau. Au marché M’ahane Yehouda de Jérusalem, le poumon économique de la Capitale, la moitié des boutiques ont fermé. S’agissant en majorité d’électeurs du Likoud, les commerçants ont déjà annoncé qu’ils refuseront leurs voix au parti du premier ministre. Les indépendants sont au bord de la faillite. Le coronavirus a bon dos.

            Mais Gantz sait que son feu vert est indispensable pour convaincre Trump dans l’application du projet d’annexion. Ils doivent présenter un front uni face à l’Administration américaine qui doit donner son feu vert. Gabi Ashkenazi, ministre des affaires étrangères, est de plus en plus impliqué dans les négociations ainsi que l'ambassadeur américain David Friedman fervent défenseur des implantations. Mais le projet d’annexion fait encore débat au sein du gouvernement. Donald Trump a exigé une unanimité au sein du Cabinet de sécurité ce qui donne plus de poids à Gantz. Les leaders de Bleu-Blanc ont précisé : «Nous parlons aux Américains et à d'autres. Nous devons nous retrouver avec un plan équilibré. Kahol Lavan est loin de s'engager pleinement à approuver l'annexion. Nous devrons attendre et voir quel plan est mis sur la table».
            Pour l’instant Ashkenazi et Gantz ignorent totalement les cartes finales établies entre Américains et Israéliens car Netanyahou ne les a pas encore communiquées pour éviter tout débat. Il est certain que, s’ils ont approuvé le plan de paix de Trump, ils sont loin de cautionner l’annexion de toutes les implantations de Cisjordanie, préférant une annexion à minima. C’est pourquoi ils donnent l’impression de jouer leurs propres cartes car en tant qu'anciens chefs d’État-major, ils connaissent la configuration du territoire et les exigences d'Israël en matière de défense et de sécurité. Chaque clan joue sa propre partition en solo.
            Ils ont déjà pris langue séparément avec les Américains lors de leurs déplacements au Pentagone et à la Maison Blanche ce qui confirme que Netanyahou n’est plus seul à dialoguer avec les hauts responsables américains. Ils sont en contact régulier avec le conseiller principal du président Donald Trump, Jared Kushner, son assistant Avi Berkowitz et avec David Schenker, secrétaire adjoint aux affaires du Proche-Orient au département d'État. L’ancien général Amir Eshel, nommé directeur général du ministère de la Défense par Gantz, participe aux discussions.


Heiko Maas rencontre Gabi Ashkenazi

            Trump semble vouloir tenir compte des réticences des Allemands et en particulier du ministre des Affaires étrangères, Heiko Maas, en visite en Israël, porte drapeau des critiques européennes à l'encontre du plan d'annexion. Le diplomate allemand s’entretiendra avec l'Autorité palestinienne et ensuite directement avec le roi Abdallah de Jordanie. Israël devrait craindre la réaction des Allemands qui assumeront la présidence de l'Union européenne le mois prochain. Le ministère israélien des affaires étrangères a déjà briefé le gouvernement à ce sujet. En cas d’annexion, Israël risque de payer un prix élevé dans ses relations politiques et commerciales avec l'UE.
Netanyahou n’apprécie pas ce contre-pouvoir au sein de son gouvernement alors qu’il avait l’habitude d’agir seul, du temps où il cumulait quatre portefeuilles. Mais la réélection de Trump n’étant plus acquise, il est probable que le premier ministre fera tout pour procéder à l’annexion avant l’élection de novembre. Selon lui, la «fenêtre d'opportunité historique» pourrait ne plus jamais s'ouvrir. Alors il cherche d’abord à convaincre les chefs de Yesha en leur promettant que la résolution qui sera soumise au vote du gouvernement ne contiendra aucune mention d’un État palestinien. Les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent.

            Mais Netanyahou sait qu’il ne pourra pas aller jusqu’au bout de son projet sans l’accord américain : «Les Américains parlent d'un État palestinien, mais nous non. Ils ne nous ont toujours pas donné le feu vert pour étendre leur souveraineté sur certaines parties de la Judée et de la Samarie. Il est certainement possible qu'en fin de compte, nous obtenions une proportion plus faible que celle qui a été discutée jusqu'à présent. La principale pomme de discorde avec Washington concerne actuellement les terres à attacher aux «enclaves». Le contrôle de sécurité et la liberté de mouvement actuels d'Israël resteront inchangés».
          La cacophonie est de mise aussi bien au sein de l'ultra droite qu'au sein du gouvernement d'union nationale, de plus en plus un gouvernement d'inertie nationale. 


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