Télévision RT-France journal du 17 mai 2020
RÉFLEXIONS SUR LE NOUVEAU GOUVERNEMENT ISRAÉLIEN
Jacques
BENILLOUCHE au micro de Magali FORESTIER
Le nouveau gouvernement
d’urgence nationale est enfin constitué et il a prêté serment devant la Knesset
qui lui a donné sa confiance par 71 voix contre 46 sur 120 députés. Dans son discours d’investiture,
Benjamin Netanyahou a mis l’accent sur le projet d’annexion des implantations
de Cisjordanie en voulant donner la priorité à cette question. Il ne semble pas pourtant que ce projet soit prioritaire de la part de Benny Gantz qui souhaite
se pencher d’abord sur les questions économiques et sociales.
Journal télévisé du 17 mai 2020 à 20h. Cliquer l'image pour voir l'emission
En fait il existe trois conceptions de l’annexion. Celle
de Trump, celle de Netanyahou et celle de Gantz. Le plan de Trump est le plus
large ; il comprend l’annexion de 130 implantations et d’une large bande
de terre le long du Jourdain entre le lac de Tibériade et la Mer Morte. Le plan
de Gantz est plus limité. Il utilise peu le terme d’annexion mais il «veut
renforcer la sécurité régionale et œuvrer pour la paix». C’est un peu flou.
Concrètement il envisage le rattachement d’implantations proches de Jérusalem
mais pas toutes les implantations. Il n’est pas un franc partisan de l’annexion
totale. Tsahal s’oppose à l’annexion. D’ailleurs 200 officiers et généraux ont
signé une déclaration contre toute décision unilatérale d’annexion.
En fait Trump
semble aujourd’hui pressé. Le coronavirus a détruit les résultats économiques de
son début de mandat. Par ailleurs il est en difficulté car Joe Biden le dépasse
aujourd’hui dans les sondages. Il a donc besoin de Netanyahou pour amener à lui
les électeurs Juifs américains et surtout les Chrétiens évangélistes très favorables à
Israël. Cependant, le gouvernement a d’autres chats à fouetter avec l’installation
du nouveau gouvernement, la résolution de la crise sanitaire et économique.
Mais surtout Netanyahou est l’objet d’une fronde au sein du Likoud car les
dirigeants historiques ont été exclus du gouvernement.
Certains ministres nommés ont une attribution tout à fait
nouvelle tandis que d’autres ne le sont que pour une durée déterminée dans le
poste. Certaines dénominations de poste nécessitent des explications car leur
intitulé est sibyllin. Certains considèrent hétéroclite ce gouvernement et pour
cela ils ne lui donnent pas une longue durée de vie.
Gabi Ashkenazi a été nommé ministre des
affaires étrangères pour une durée de 18 mois, le temps de la première période
de rotation. Il est prévu qu’il prenne le poste de ministre de la défense
lorsque Benny Gantz deviendra premier ministre dans 18 mois.
Orly Levy-Abecassis |
Orly
Levy-Abecassis, qui a toujours eu une fibre sociale à droite, prend la tête
d’un nouveau ministère taillé sur mesures pour elle. Il s’agit du ministère de
l'Autonomisation et de la Promotion des communautés. Certaines de ses
attributions relevaient autrefois du ministère de la Sécurité intérieure, à
savoir la lutte gouvernementale contre l’alcoolisme et la drogue, la cybercriminalité
ciblant les enfants et la violence urbaine. Elle sera également chargée de
projets visant à donner plus d’autonomie et de responsabilités à la communauté
arabe israélienne.
Omer
Yankelevich a été nommée au poste de ministre de la diaspora. Elle se
distingue parce que ce sera la première fois qu’une femme religieuse orthodoxe
entrera au gouvernement. Mariée et mère de cinq enfants elle vit à Ramat Beit
Shemesh.
Omer Yankelevitch |
Yamina
après de longues négociations, le parti Yamina a décidé de ne pas participer au
gouvernement et de refuser les ministères qui ne lui
convenait pas. Constitué de trois
micro-partis, la Nouvelle droite de Naftali Bennett, le Foyer Juif de Rafi Peretz
et Tkuma de Bezalal Smotrich, ont obtenu ensemble 6 sièges à la Knesset. Mais
Rafi Peretz a décidé de faire sécession en rejoignant le gouvernement comme
ministre de Jérusalem, ramenant Yamina à 5 sièges. Il n’est pas certain que
Netanyahou ait fait des efforts pour les intégrer au gouvernement car il ne
veut aucune pression lors de l’éventuelle décision d’annexion de certaines
implantations.
Rafi
Peretz s’est plié aux conditions imposées par Netanyahou pour obtenir un
portefeuille ministériel. Il est prêt à se déjuger et à renoncer à une partie
des exigences de l’extrême-droite, en particulier à accepter toutes les
positions du Premier ministre sur la mise en œuvre du plan de paix de Trump,
qui comprend en particulier la création d’un État palestinien.
L’extrême-droite ne fait pas partie du gouvernement et cette cure d'opposition lui sera bénéfique car
elle va enfin définir sa propre politique autonome. Jusqu’à présent elle était
toujours dépendante de Netanyahou au point que leurs électeurs ont préféré
voter directement pour le Likoud. Le parti Yamina a eu le tort de toujours préciser
qu’il se rallierait à un gouvernement Likoud ce qui ne leur donnait aucune
originalité pour justifier un vote spécifique pour eux. Pire, lorsque Gantz
cherchait à constituer un gouvernement minoritaire avec le soutien actif ou neutre
des partis arabes, ils ont proposé leurs services uniquement pour dégommer
Netanyahou. Ils étaient assis entre deux chaises, celle orthodoxe qui était
censée les rapprocher des Séfarades de Shass et des Ashkénazes du Judaïsme unifié
pour la Torah et celle des religieux sionistes malgré la présence paradoxale à
leur tête d’une dirigeante laïque. Un autre problème, qui gênait leur
ascension, était dû à la direction bicéphale qui entrainait de fait une
compétition au sommet de fait. Lorsque Ayelet Shaked avait a été élue à la tête
du parti, elle avait marginalisé Bennet qui en avait pris ombrage. C’est
pourquoi, à la première occasion, il a accepté le ministère de la défense sans
exiger un poste de ministre pour sa partenaire Shaked. Cette guerre feutrée de
position aura certainement raison d’une alliance de circonstance.
Nir Barkat |
Likoud :
Beaucoup d’experts sont convaincus que Netanyahou a volontairement éliminé des
militants historiques de son gouvernement à l’instar de Gideon Saar, Nir Barkat
et Avi Dichter ou de les placer à des postes subalternes comme Tzahi Hanegbi où
ils sont moins dangereux. Il tient à garder le pouvoir le plus longtemps
possible. Mais en cherchant à éliminer des concurrents potentiels pendant sa
phase judiciaire, il risque d’accentuer la grogne au sein du Likoud. Affaibli
par trois échecs aux élections et contraint de sacrifier une partie de ses
responsabilités au profit de l’équipe de Gantz, il pourrait susciter un putsch
politique au sein de son parti qui pourrait profiter de le voir avec un genou à
terre.
Gantz :
pour l’instant son groupe n’a parlé que d’une seule voix et personne n’a émis
de réserve à l’encontre de la distribution des portefeuilles
ministériels ; il faut préciser que pratiquement tous les députés
Bleu-Blanc et leurs alliés, 18 députés en tout, ont reçu une affectation
conforme à leurs prétentions. Beaucoup de jeunes et de débutants ont été
appelés à gouverner ce qui permet de renouveler la classe politique du Centre.
C’est peut-être la même démarche qui a été choisie par Netanyahou pour
promouvoir des jeunes et éviter qu’on l’accuse de conservatisme.
Une
certitude, le gouvernement sera jugé aux actes et non aux promesses. Il est
attendu pour résoudre la crise politique, sociale et sanitaire. Il dispose
d’une majorité de 72 sièges sur 120 qui devrait le mettre à l’abri sauf si une fronde interne au Likoud s'exprime à la Knesset.
1 commentaire:
Cher monsieur Benillouche,
Quelle différence faites-vous entre "la crise" qui se termine, et "les problèmes" qui commencent ? N'êtes-vous pas dans le domaine des arguties ?
De même pour la différence entre "implantations" et "annexions" ?
Israël doit-il soumettre sa politique aux injonctions de Trump qui a besoin du vote juif pour sa réélection ?
La crise économique va-t-elle régler la crise - pardon - le problème politique ?
That are the questions !
Très cordialement.
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