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mardi 2 avril 2019

La Ligue Arabe cherche à renaître de ses cendres



LA LIGUE ARABE CHERCHE À RENAÎTRE DE SES CENDRES

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright ©  Temps et Contretemps

            

           La Tunisie a accueilli le 30ème sommet de la Ligue arabe dans un contexte de divisions, de guerres et de troubles populaires. Les manifestations au Soudan contre l’augmentation du coût de la vie se soient transformées en rassemblements pour exiger la démission du président Omar al-Bashir. Des centaines de milliers d’Algériens ont envahi les rues pour s’opposer au cinquième mandat présidentiel que voulait briguer Abdelaziz Bouteflika. Ils ont réussi à le faire plier en obtenant le report de l’élection puis ensuite sa démission.



            La présence au sommet des potentats et des souverains féodaux n’a pas permis de soulever les questions des changements politiques attendus par les populations. Les Printemps arabes ont créé trois blocs. Le bloc majoritaire pro-américain avec l'Égypte, l'Arabie saoudite, Bahreïn et les Émirats. Le bloc pro-iranien comprenant l'Irak, la Syrie et le Hezbollah au Liban. Enfin un troisième bloc avec la Tunisie et le Qatar donne l’impression d’avoir soutenu les changements exigés par les manifestants, Le sommet de Tunis a donc exclu de discuter des troubles au Soudan et en Algérie, surtout en l'absence de leurs présidents. La guerre reste cependant encore présente dans les esprits, bien que non soulevée, avec l’intervention de l'Arabie saoudite et des Émirats arabes unis contre les rebelles houthis au Yémen.
            La Ligue Arabe continue à ignorer les populations pour s’intéresser uniquement aux élites dirigeantes arabes. Elle existe parce qu’elle doit exister car à l’origine elle avait à faire face au problème de l’existence et de la pseudo-menace d’Israël. Il est certain que la Ligue arabe, qui avait pour rôle de promouvoir la cohésion régionale et de résoudre les différends interarabes, a clairement échoué.
            Par le plus grand des hasards, la Ligue a trouvé quelque chose à se mettre sous la dent : la décision prise par Donald Trump de reconnaître officiellement la souveraineté israélienne sur les hauteurs du Golan. Évidemment les condamnations arabes ont été unanimes mais, comme il était fortement probable, les délégués sont restés aux gesticulations verbales. Peu de pays arabes sont prêts à hypothéquer leurs relations avec l'administration Trump.
            L’ordre du jour a volontairement éludé tous les sujets qui fâchent comme la crise humanitaire au Yémen dont la responsabilité incombe à l’Arabie ou bien l’influence de l’Iran dans la région. Mais l’une des raisons d’être de ce sommet est la possibilité pour les délégations de se parler et d’échanger leurs points de vue.
            Alors, les dirigeants arabes ont, comme d’habitude, abordé les sujets consensuels. Ils ont lancé un nouvel appel en faveur de la création d’un État palestinien et condamné, il fallait s’y attendre, les États-Unis pour avoir reconnu la souveraineté d'Israël sur les hauteurs du Golan. Dans son discours d'ouverture, le roi d'Arabie saoudite, Salman ben Abdelaziz Al Saoud, a réaffirmé le soutien de son royaume à un État palestinien en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, avec Jérusalem-Est pour capitale : «Nous réitérons notre rejet catégorique des mesures qui porteraient atteinte à la souveraineté syrienne sur le Golan». C’est le moins qu’il pouvait faire face à une assemblée aux conceptions politiques si disparates.
Caïd Essebsi avec l'émir du Koweit

            L'hôte du sommet, le président tunisien Béji Caïd Essebsi a repris à son compte les termes du discours du roi : «Il n'est pas raisonnable que la région arabe continue d'être à l'avant-garde des tensions et des crises».
            En écho, le président égyptien Abdel Fattah el-Sissi a également condamné la récente reconnaissance par le président américain Donald Trump de la souveraineté israélienne sur les hauteurs du Golan. Mais les pays arabes en sont restés au discours habituel sur les questions régionales. En raison de l’absence du président algérien, Abdelaziz Bouteflika, et de son homologue soudanais, Omar al-Bashir, les questions concernant l’Algérie et le Soudan n’ont pas été abordées.
            En revanche la réadmission de la Syrie dans la Ligue n’a pas été d’actualité. Le pays   avait été suspendu en 2011 à la suite de la répression brutale du président Bachar al-Assad contre les manifestants syriens. Les Émirats arabes unis sont les seuls à avoir rouvert leur ambassade à Damas l'année dernière mais d’autres États arabes envisagent de suivre le mouvement et ont exprimé leur soutien au rétablissement des relations. En revanche l'Arabie saoudite et le Qatar, qui avaient soutenu les rebelles syriens, ont mis leur veto à la réintégration de la Syrie. Pourtant, plus tôt en mars, le ministre tunisien des Affaires étrangères, Khemaïs Jhinaoui, avait déclaré que la réadmission de la Syrie, serait à l'ordre du jour du sommet.
Réunion préparatoire des ministres arabes des affaires étrangères 

Le sommet des chefs d’États arabes s’est achevé avec la publication d’un rapport final qui comme d’habitude se borne à émettre des généralités, un verbiage connu et aucune décision contraignante. Le représentant du Qatar a quitté la réunion sans attendre les conclusions, avant la fin du sommet. Les chefs d’État se sont retrouvés pour quelques recommandations en grande partie axées sur Israël qui arrive à fédérer les extrêmes.  
1/ Ce rapport met l’accent sur le refus de la décision de Trump d’annexer le Golan par Israël.
2/ Il a rappelé la souveraineté du Liban sur les territoires occupés au sud par les sionistes.
3/ Appel à mettre fin à l’occupation par Israël des territoires arabes.
4/ Le refus de toute ingérence étrangère dans les affaires arabes, notamment, celle de l’Iran.
5/ Rappel de l’importance de la cause palestinienne qui est la priorité du monde arabe.
6/ Appel à la paix globale dans le Moyen Orient, sous le principe de «la terre contre la paix».
7/ Insistance sur le déploiement des efforts afin d’aboutir à des solutions rapides pour les crises de la Syrie et de la Libye, avec le rappel de l’impératif de préserver l’unicité de l’État irakien.
8/ Appel à la stabilité au Liban et le développement de la Somalie.
9/ Condamnation des raids de Houthis sur les territoires et la souveraineté saoudiens, assurant que la sécurité de l’Arabie Saoudite est partie intégrante de la sécurité du monde arabe.
En fait fidèle à elle-même, la Ligue Arabe a confirmé d’une part ses divisions qui ne lui permettent pas de statuer sur des sujets fondamentaux et d’autre part, son inutilité dans un environnement où les trois clans se combattent politiquement. Il faut dire qu’à présent, l’Arabie saoudite, alliée des États-Unis et en relations étroites avec Israël, contrôle le leadership arabe. Sauf à avoir une occasion de se rencontrer et de dialoguer, on ne voit plus l’intérêt d’une Ligue Arabe qui devrait penser à sa refondation ou à sa dissolution.


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