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mardi 18 septembre 2018

Grandeur passée des Juifs du Portugal



GRANDEUR PASSÉE DES JUIFS DU PORTUGAL

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright ©  Temps et Contretemps
            

          Les synagogues des pays méditerranéens ont toujours eu un attrait pour les séfarades car elles sont empreintes d’Histoire. Elles ont brillé dans le passé mais le sort en a voulu autrement. Par le décret de l'Alhambra, les Juifs ont été expulsés d'Espagne en 1492. Certains choisirent le Portugal comme refuge mais le 5 décembre 1496, ils ont été à nouveau expulsés qu'ils soient de longue date établis au Portugal ou nouveaux arrivants d'Espagne. Puis en octobre 1497, le roi Manuel transforma l'expulsion en conversion forcée. 4.000 Juifs furent massacrés à Lisbonne en 1506.



Intérieur de la synagogue de Lisbonne

Mais c'est plus d'une génération plus tard en 1540 que l'Inquisition organisa le premier autodafé ce qui poussa certains, les Marranes, pour ne pas quitter leur pays, à pratiquer secrètement le judaïsme. Mais à la suite de la vie impossible qui leur était imposée, ils finiront par fuir la péninsule pour s’établir en Afrique du nord, en France, aux Pays-Bas ou en Angleterre. Ils dynamiseront les communautés de ces pays. En Tunisie les familles Nunez, Enriquez, et Portugais témoignent de leurs origines.
Aujourd'hui, le Portugal est un pays sans Juifs. Certains vont jusqu'à attribuer la chute de l'empire portugais à leur départ mais cela semble exagéré. La construction de la nouvelle synagogue à Lisbonne, Shaare Tikva, ne peut dissimuler cette triste réalité. Malgré cela, le Portugal se souvient encore de son passé juif, qui se termine de façon abrupte avec le baptême forcé des Juifs en 1497 et l'introduction de l'Inquisition en 1537. 
Aujourd'hui, les quelques Juifs du Portugal, organisés en quatre communautés : Lisbonne, Porto, Belmonte et Portimão, représentent à peine 500 âmes. Cette communauté juive est parmi les plus petites en Europe. Des étudiants israéliens, tentés par des études de médecine sans numerus clausus, dont le diplôme leur ouvrira ensuite les portes de l’Europe, sont venus renforcer la communauté.
Mosés Bensabat Amzalak

Malgré leur petit nombre, l'apport des Juifs portugais à la politique, à la science et à la littérature est considérable. L'économiste Mosés Bensabat Amzalak (1892-1978) était le directeur de l'Université Technique et le président de la Academia de Ciencias de Lisboa. L'historien Joaquim Bensaúde (1859-1952) a fondé l'Academia Portuguesa de História. Alfredo Bensaúde (1856-1941) a été le premier directeur de l'Istituto Superior Técnico à Lisbonne. Marck Athias (1875-1946) était professeur de physiologie à l'université de Lisbonne. L’ancien maire de Lisbonne, Nuno Kruz Abecassis, ainsi que le président actuel de l'État, Jorge Sampaio. José Benoliel (1858-1937) a rédigé de nombreux travaux concernant la langue des Juifs du Maroc.

Jorge Sampaio

Au 20ème siècle, les Juifs du Portugal se font surtout remarquer dans la littérature : les auteur de pièces de théâtre Levy Bensabat et Artur Rodrigues Cohen; les poètes Eliezer Kamnezky, José de Esaguy, Lygia Ezaguy, Max Leao Esaguy Wartenberg ; les auteurs de romans et de récits Ruben Marcos Esaguy, José de Esaguy, Simy Ezaguy, Eva Renata d'Esaguy.
Mais ils ont gardé cette crainte de l’antisémitisme en se montrant discrets. Ainsi la nouvelle synagogue Shaare Tikva, a été construite, comme celle de Vienne, à l’intérieur d’une cour pour ne pas être visible de l’extérieur.  Le shabbat du 15 septembre 2018, en pleine période de fêtes, le minyan, quorum de dix hommes adultes nécessaire à la récitation des prières les plus importantes de l’office, a été atteint grâce à l’apport de touristes. Nous étions 14 fidèles et seulement trois femmes, dans cette capitale qui a connu son âge d’or, bien protégés par deux militaires et un policier armés. Aucun signe d'une présence juive n’est à remarquer dans la ville, en particulier aucun restaurant casher ce qui complique la vie des pratiquants de la religion.
Mais le plus choquant à l’office du samedi était la présence d’un rabbin ashkénaze aux attributs traditionnels des Juifs de l’Est, barbe, papillotes, chapeau et manteau noir, dans cette ville typiquement et historiquement séfarade. Mais il semble qu'il n'y ait pas d'autre rabbin candidat à cette fonction dans cette ville. L’office n’a pas lieu tous les samedi faute de quorum, un drame pour ceux qui ont décidé de se replonger dans le judaïsme portugais et dans l’Histoire d’un pays au passé illustre mais qui a décidé de perdre ses Juifs. La Tunisie d’ailleurs suit les traces du Portugal avec une volonté marquée de se séparer de son passé juif.

2 commentaires:

François GUTHMANN a dit…

J'ai souvent voyagé au Portugal à titre professionnel.
Je me souviens d'une petite communauté certes mais très accueillante.

Notamment d'une sympathique garkich qui me dépanna bougrement plusieurs chabbatot de suite.

Georges KABI a dit…

Deux communautes, celles de Belmonte et Portimão, ne sont pas veritablement reconnues. Il s'agit d'anciens marranes revenus au judaisme mais soua l'influence du Judaisme americain. Or ces intiatives herissent les ultra-orthodoxes israeliens.