GRANDEUR PASSÉE DES JUIFS DU PORTUGAL
Par Jacques BENILLOUCHE
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Les
synagogues des pays méditerranéens ont toujours eu un attrait pour les
séfarades car elles sont empreintes d’Histoire. Elles ont brillé dans le passé mais
le sort en a voulu autrement. Par le décret de l'Alhambra, les Juifs ont été expulsés
d'Espagne en 1492. Certains choisirent le Portugal comme refuge mais le 5
décembre 1496, ils ont été à nouveau expulsés qu'ils soient de longue date établis
au Portugal ou nouveaux arrivants d'Espagne. Puis en octobre 1497, le roi
Manuel transforma l'expulsion en conversion forcée. 4.000 Juifs furent massacrés à Lisbonne en 1506.
Intérieur de la synagogue de Lisbonne |
Mais c'est plus d'une génération
plus tard en 1540 que l'Inquisition organisa le premier autodafé ce qui poussa
certains, les Marranes, pour ne pas quitter leur pays, à pratiquer secrètement
le judaïsme. Mais à la suite de la vie impossible qui leur était imposée, ils
finiront par fuir la péninsule pour s’établir en Afrique du nord, en France, aux
Pays-Bas ou en Angleterre. Ils dynamiseront les communautés de ces pays. En Tunisie les familles Nunez, Enriquez, et Portugais témoignent de leurs origines.
Aujourd'hui, le Portugal est un
pays sans Juifs. Certains vont jusqu'à attribuer la chute de l'empire portugais à leur départ mais cela semble exagéré. La construction de la nouvelle synagogue à Lisbonne, Shaare Tikva,
ne peut dissimuler cette triste réalité. Malgré cela, le Portugal se souvient encore de son passé juif, qui se termine de façon abrupte avec le baptême forcé des
Juifs en 1497 et l'introduction de l'Inquisition en 1537.
Aujourd'hui, les
quelques Juifs du Portugal, organisés en quatre communautés : Lisbonne, Porto,
Belmonte et Portimão, représentent à peine 500 âmes. Cette communauté juive est
parmi les plus petites en Europe. Des étudiants israéliens, tentés par des études
de médecine sans numerus clausus, dont le diplôme leur ouvrira ensuite les portes de l’Europe,
sont venus renforcer la communauté.
Mosés Bensabat Amzalak |
Malgré leur petit nombre,
l'apport des Juifs portugais à la politique, à la science et à la littérature
est considérable. L'économiste Mosés Bensabat Amzalak (1892-1978) était le
directeur de l'Université Technique et le président de la Academia de Ciencias
de Lisboa. L'historien Joaquim Bensaúde (1859-1952) a fondé l'Academia
Portuguesa de História. Alfredo Bensaúde (1856-1941) a été le premier directeur
de l'Istituto Superior Técnico à Lisbonne. Marck Athias (1875-1946) était
professeur de physiologie à l'université de Lisbonne. L’ancien maire de Lisbonne, Nuno Kruz Abecassis, ainsi que le
président actuel de l'État, Jorge Sampaio. José Benoliel (1858-1937) a rédigé
de nombreux travaux concernant la langue des Juifs du Maroc.
Jorge Sampaio |
Au 20ème siècle, les Juifs du
Portugal se font surtout remarquer dans la littérature : les auteur de pièces
de théâtre Levy Bensabat et Artur Rodrigues Cohen; les poètes Eliezer Kamnezky,
José de Esaguy, Lygia Ezaguy, Max Leao Esaguy Wartenberg ; les auteurs de
romans et de récits Ruben Marcos Esaguy, José de Esaguy, Simy Ezaguy, Eva
Renata d'Esaguy.
Mais ils ont gardé cette crainte
de l’antisémitisme en se montrant discrets. Ainsi la nouvelle synagogue Shaare
Tikva, a été construite, comme celle de Vienne, à l’intérieur d’une cour pour
ne pas être visible de l’extérieur. Le
shabbat du 15 septembre 2018, en pleine période de fêtes, le minyan, quorum de
dix hommes adultes nécessaire à la récitation des prières les plus importantes
de l’office, a été atteint grâce à l’apport de touristes. Nous étions 14 fidèles et seulement trois femmes, dans cette capitale qui a connu son âge d’or, bien protégés par deux militaires
et un policier armés. Aucun signe d'une présence juive n’est à remarquer dans la ville, en
particulier aucun restaurant casher ce qui complique la vie des pratiquants de
la religion.
Mais le plus choquant à l’office du samedi était la présence d’un
rabbin ashkénaze aux attributs traditionnels des Juifs de l’Est, barbe, papillotes,
chapeau et manteau noir, dans cette ville typiquement et historiquement
séfarade. Mais il semble qu'il n'y ait pas d'autre rabbin candidat à cette fonction dans cette ville. L’office n’a pas lieu tous les samedi faute de quorum, un drame pour ceux qui ont décidé de se replonger dans le judaïsme portugais et dans l’Histoire d’un pays au passé illustre
mais qui a décidé de perdre ses Juifs. La Tunisie d’ailleurs suit les traces du
Portugal avec une volonté marquée de se séparer de son passé juif.
J'ai souvent voyagé au Portugal à titre professionnel.
RépondreSupprimerJe me souviens d'une petite communauté certes mais très accueillante.
Notamment d'une sympathique garkich qui me dépanna bougrement plusieurs chabbatot de suite.
Deux communautes, celles de Belmonte et Portimão, ne sont pas veritablement reconnues. Il s'agit d'anciens marranes revenus au judaisme mais soua l'influence du Judaisme americain. Or ces intiatives herissent les ultra-orthodoxes israeliens.
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