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mardi 3 juillet 2018

Le jeu ambigu du Hamas


Le jeu ambigu du hamas
Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright ©  Temps et Contretemps
            

           Il ne fait aucun doute que Benjamin Netanyahou ménage le Hamas en faisant preuve de beaucoup de retenue face aux incendies quotidiens qui ont déjà détruit 1.750 hectares de cultures et d'espaces écologiques. Ce qui a commencé comme une initiative locale des participants à la «Marche du retour» est devenu une méthode agréée par le Hamas pour développer un terrorisme criminel dans le cadre de sa politique de violence, cependant contrôlée. Le Hamas veut exploiter les dégâts causés aux champs et aux forêts pour perturber la vie quotidienne des habitants juifs du Néguev. Mais il semble vouloir aussi éviter de s’attaquer frontalement à la population civile comme il le faisait avant la guerre de 2014.



Activistes du Hamas

          Il a découvert une bonne méthode, peu coûteuse, avec des cerfs-volants et des ballons efficaces qui génèrent peu de risques comme les tirs de roquettes. La manifestation locale de mauvaise humeur de la population civile a été transformée en modus operandi par la branche militaire du Hamas qui a pris le train en marche pour ordonner à ses militants de participer aux lancements.  Il a pris le contrôle de la situation et a même assuré une protection aux lanceurs. Dans la pratique, l’aile militaire fabrique en série les cerfs-volants et les ballons, les transporte sur les sites de lancement à l’aide de véhicules militaires.  Certains sites d’observation du Hamas, situés à la limite de la frontière, deviennent par ailleurs des bases de lancement, selon une vidéo postée par Tsahal.
            Des commandants de l’aile militaire du Hamas se transforment en instructeurs auprès des jeunes pour leur apprendre à les fabriquer et les préparer. Ils ne s’affichent pas mais Tsahal les a repérés et a publié leurs photos et leurs identités : Bassem Hatem Abd Hazin, Muhammad Ibrahim Abd Hamdan, Mu'tassem Fathi Atia Nabhan et Amru Hussein Muhammad Abu Daf. Les services de renseignements israéliens ont découvert le vrai instigateur du Hamas en la personne d'Iyad Muhammad al-Baz Abu Musheir, membre de la police militaire du Hamas, et surtout impliqué dans les activités de l'unité al-Zouari, l'ingénieur aéronautique assassiné en Tunisie. Il a été un peu bavard sur Facebook en se vantant pour ses activités au sein de l’unité Al-Zouari. Le 8 juin 2018, il a posté des photos de cerfs-volants incendiaires et des encouragements contre Israël, y compris des notices avec des noms de communautés israéliennes à portée de ses cerfs-volants. Il a estimé qu’il devait accompagner ses actions par une campagne de propagande.
Iyad Muhammad al-Baz Abu Musheir

            Mais il est évident que Benjamin Netanyahou reste prudent car il ne veut en aucun cas faire tomber le Hamas. Il se contente d’envoyer des « messages » ou de frapper avec douceur les meneurs.  Ainsi en réaction aux 13 roquettes tirées depuis Gaza, un avion israélien s’est borné à tirer des obus de mortier sur deux postes d'observation du Hamas, vides d’occupants, et viser la voiture d’un chef activiste qu’on avait prévenu au préalable alors qu’il livrait des ballons enflammés à la frontière. Il s’agit d’éviter que les frappes dégénèrent en guerre totale.
            En fait le Hamas aussi n’a aucun intérêt à aggraver la situation. C’est pourquoi, alors qu’il enflamme la situation à la frontière avec Israël, au propre comme au figuré, il n’abandonne pas la voie diplomatique. Il cherche par ces actions limitées à briser son isolement régional et international en se rapprochant de la Russie, ce qui est concrétisé par de nombreuses visites du Hamas à Moscou, et d'apparaître modéré vis-à-vis des Américains. 
          Il garde toujours l’ambition de normaliser ses relations avec Israël. L'ambassadeur du Qatar à Gaza, Mohammed Al-Emadi, a révélé pour la première fois qu'Israël tenait des discussions indirectes avec le Hamas afin de trouver une solution à la crise humanitaire par le biais de projets d'infrastructure. C'est la première fois qu'un haut diplomate impliqué à Gaza admet que de telles discussions ont lieu.
L'ambassadeur al-Emadi

Al-Emadi, diplomate respecté par Israël, les Etats-Unis et le Hamas, dispose d’un accès permanent à Gaza, via le passage d'Erez, avec le total accord des services de sécurité israéliens. Son action est plus humanitaire que politique puisqu’il veut améliorer l’approvisionnement en eau, doubler la fourniture d’électricité et réduire le chômage à Gaza. C’est dans cet esprit que  le ministre de la Défense, Avigdor Lieberman, a conclu un accord avec le président chypriote Nicos Anastasiades pour lancer un projet de construction d'un port maritime à Gaza, supervisé par Israël.
Ce double-jeu ambigu du Hamas, qui diffuse le chaud et le froid, sert cependant les intérêts du premier ministre Benjamin Netanyahou qui préfère, on s’en doute, réserver toute son énergie et ses moyens militaires au nord, face à une situation qui évolue de manière rapide, sinon dramatique. Les Américains aussi voudraient supprimer cet abcès de fixation entretenu par l’Iran et ils envisagent de diriger des opérations d'aide humanitaire à Gaza en injectant d'énormes sommes pour améliorer considérablement la qualité de vie de ses habitants. A choisir, tant qu’il n’y a pas mort d’homme en Israël, les arpents de terre brûlée refleuriront un jour.


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