CONSÉQUENCES POUR ISRAËL DU SOMMET
ÉTATS-UNIS-CORÉE DU NORD
Par Jacques BENILLOUCHE
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Contretemps
Le sommet historique entre Donald Trump et Kim Jong-un
aura certainement un impact sur le
programme nucléaire iranien. La Corée du nord ne représente aucun
danger pour les frontières israéliennes. Plus de 9.000 kilomètres la sépare d’Israël.
S’il ne s’agit pas de menace directe, en revanche ses projets de développement de missiles
à longue portée et ses projets nucléaires sont étroitement liés aux efforts belliqueux
de l'Iran et du Hezbollah. Il faut d'ailleurs rappeler que le réacteur nucléaire, détruit
en Syrie le 6 septembre 2007 par Israël, avait été une réalisation de la Corée du Nord.
Réacteur syrien détruit |
Tout désarmement de la Corée du nord et toute
annulation de son programme nucléaire aura bien sûr une incidence sur la
construction de missiles iraniens et sur ses installations nucléaires. Selon des informations sécuritaires, le sommet spectaculaire qui s'est
tenu à Singapour avait été préparé de longue
date avec les dirigeants de la Corée du Nord, contrairement aux idées reçues
Donald Trump avait été perçu par les Coréens comme une opportunité car
il n’avait pas les travers d’un diplomate et qu’il pouvait se montrer pragmatique. Il était le seul capable d’imposer aux Américains une
solution pacifique. Les intérêts des deux pays se sont croisés à Singapour pour
marquer l'histoire. Il reste cependant que les observateurs politiques sont
sceptiques sur une solution à long terme pour le désarmement de la Corée du
Nord car rien de concluant n'a été finalisé, et que tout reste entre les mains
de Donald Trump et Kim Jong-un.
Les relations entre Israël et la Corée du Nord sont
détestables. Kim Jong-un a menacé «d’effacer Israël de la surface de
la terre si elle intervenait encore sur les bombardements en Syrie ou
interceptait un survol en territoire syrien». La Corée du Nord a rejoint la Russie, la Chine et l’Iran pour aider la Syrie tout en menaçant d’utiliser l’arme atomique : «Israël doit freiner sa
mauvaise habitude d’attaquer les autres quand il est mis au coin et doit
répondre aux demandes internationales de parvenir à la paix et la
dénucléarisation du Moyen-Orient».
La Corée du Nord avait fustigé Donald Trump pour sa
décision de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël en le qualifiant de «gâteux
et de mentalement dérangé». Pyongyang avait exprimé son «ferme
soutien et sa solidarité avec les peuples palestinien et arabe dans leur combat
pour leurs droits légitimes». Mais cela, c’était avant le sommet historique.
L’Histoire nous démontre cependant que les relations n’ont pas
toujours été mauvaises et qu’Israël avait raté l’occasion de nouer en 1993 des
relations diplomatiques avec la Corée du Nord. Les Américains s’y étaient
opposés, par une déclaration du 14 août 1993; ils n'avaient pas eu alors le nez assez fin.
A l’époque, la Corée
du Nord avait de gros besoins financiers pour sauver son économie et nourrir
son peuple. Israël s’était proposé de lui envoyer ses experts agricoles pour
dynamiser ses cultures et ses experts médicaux pour assurer la santé de la
population. Israël voyait ainsi un moyen d’empêcher, en contrepartie, les
Nord-Coréens de fournir des missiles modernisés de longue portée à l'Iran.
Eitan Bentsur en Corée en 1992 |
Selon Eitan Bentsur, directeur général adjoint du ministère israélien des
Affaires étrangères : «La position américaine est certainement une des
insatisfactions et des réserves concernant les contacts avec la Corée du Nord.
Mais cela s'ajoute à la reconnaissance que l'offre de missiles Rodong en Iran
présente un danger très grave».
Eitan Bentsur avait rencontré des responsables
nord-coréens à Pyongyang et à Pékin pour les convaincre de ne pas vendre de
nouveaux missiles Rodong-1, également connus sous le nom de missiles Scud-D, à
l’Iran. La décision de poursuivre les négociations appartenait au premier
ministre Yitzhak Rabin et au ministre des Affaires étrangères Shimon Peres. Bentsur
avait prévenu qu’en cas de refus d’Israël, les Coréens prendraient la décision
d’expédier dès octobre des missiles, d'une portée d'environ 1.130 kms.
Rodong-1 |
La Corée du Nord fournissait des missiles Scud non
seulement à l'Iran, mais aussi à l'Irak et à la Syrie. Pour Bentsur : «L'objectif
numéro un d'Israël était d’éviter la livraison de missiles en Iran». La
presse israélienne avait aussi publié des détails concernant l'accord
d'investissement israélien pour la vente à Israël, en espèces, d'une mine d'or
nord-coréenne devant être reconstruite suite à sa destruction pendant la guerre
de Corée. Il s’agissait d’un investissement d'un milliard de dollars qu’Israël
comptait faire souscrire à des Juifs de la Diaspora. En retour, les Coréens
avaient accepté de reconnaître immédiatement Israël et d’entretenir des relations
normales et étroites.
Mais les États-Unis s'étaient opposés aux contacts
entre Israël et la Corée du Nord, tant qu’elle refusait d'autoriser l'inspection
étrangère de ses sites nucléaires. Les Coréens tenaient absolument à une
collaboration avec Israël. Mais malgré l’acceptation de Pyongyang de suspendre
son retrait du traité nucléaire, le secrétaire d'État Warren Christopher avait
refusé de donner à Shimon Peres le feu vert. Une dernière réunion
entre responsables nord-coréens et israéliens à Pékin avait causé un malaise à
la fois à Washington et à Téhéran.
Cependant l’affaire n’a pas pu être conclue car
l'agence de surveillance nucléaire des Nations Unies avait accusé la Corée du
Nord de continuer à restreindre l'accès à deux sites nucléaires et avait
déclaré qu'un accord sur les inspections complètes semblait bloqué. Des experts
de l'Agence internationale de l'énergie atomique étaient revenus d’une visite
d'une semaine en Corée du Nord et avaient déclaré qu'ils n'avaient été
autorisés qu’à effectuer que des travaux de maintenance sur les équipements de
surveillance des usines. En fait, les installations étaient soupçonnées d'être
utilisées dans le cadre d'un programme de production d'armes nucléaires.
Bentsur avait été chargé de dire aux Coréens que les pourparlers avaient été
gelés.
Mais Israël avait cependant gardé ses contacts puisqu’il
continuait à exporter de l’or vers la Corée malgré l’interdiction imposée par
l’ONU en 2006. La résolution 1718 du Conseil de sécurité de l’ONU avait été
adoptée en réponse au programme de la Corée du Nord visant à développer des
armes nucléaires. Celle-ci interdit les exportations de produits de luxe vers
cette nation asiatique secrète dirigée par Kim Jong-Un. David Houri, directeur
du service des exportations au sein de l’administration fiscale israélienne,
avait évalué le transfert d’or vers la dictature asiatique comme équivalant à
une somme de 400.000 dollars sur les dernières années.
À partir de 2011, Israël envoya, en plus de l’or, des
livres et des implants dentaires vers la Corée du Nord ainsi que des produits
médicaux et de la nourriture. Depuis 2014, cet horizon s’était encore restreint
aux seuls médicaments et nourriture, mais il n’était plus question d'or. David
Houri avait, de sa propre initiative, empêché plusieurs départs d’or vers le
pays de Kim Jong-Un parce que ces exportations représentaient selon lui «une
honte» pour l’État hébreu. Depuis, tout produit destiné à quitter le sol
israélien vers la Corée du Nord est soumis à une autorisation du ministère de
l’Économie.
Il n'est pas certain que la Corée du Nord ait eu
l'intention de signer un accord, ni aucune garantie qu'elle l'aurait respecté.
Eitan Bentsur, âgé aujourd’hui de 80 ans, considère son échec avec philosophie
: «Le problème, c'est qu'il a été dit qu'il n'y avait pas de partenaire au
sujet de cette initiative. Mais nous avions déjà dit qu’il n'y avait pas de
partenaire à propos de Sadate, et nous avons été frappés par la guerre de Yom
Kippour. Il y avait une certaine opportunité en Corée alors qu'un tyran
mourrait et qu'un autre tyran se préparait à s'installer, et nous l'avons
manqué. Et maintenant, la Corée du Nord menace la paix mondiale».
Il est
évident qu’on ne peut pas refaire l’Histoire mais peut-être que les événements
auraient été différents aujourd’hui, si Israël n’avait pas été soumis au diktat
des Américains imposant de rompre tout contact avec la Corée du Nord. En revanche, quelques années plus tard, Trump a
été plus réaliste.
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