LES FRAPPES ET LES
PERTES HUMAINES EN SYRIE NE PLIERONT PAS L’IRAN
Par Jacques BENILLOUCHE
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Six des sept morts iraniens de la base T4 |
L’Iran a communiqué les pertes qu’il
a subies après la frappe sur sa base T4 en Syrie, dans les environs de Palmyre.
Sept officiers du Corps des Gardiens de la Révolution iranienne (CGRI), dont un
colonel responsable du projet des drones, Mehdi Dehqan, ont été tués dans un
raid aérien attribué à Israël mais non confirmé par Tsahal. Cette frappe serait
une réponse au drone iranien armé d’explosifs, infiltré le 10 février 2018 dans l’espace aérien
israélien.
Les services de renseignements
estiment que la base visée servait de centre de contrôle et de développement pour les
drones du CGR construits dans plusieurs bâtiments qui ont été détruits. Le
guide suprême iranien a assuré que «les crimes d'Israël ne resteront pas
sans réponse». On ignore encore le type de représailles envisagées par les Iraniens. Le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères a
déclaré que la frappe constituait une grave violation du droit international,
qu’elle avait pour but de soutenir les groupes terroristes en Syrie et de
détourner l'attention de l'opinion publique des événements dans la bande de
Gaza.
Alexander Laverentiev |
Cette frappe a poussé l’Iran à
renforcer son axe avec la Russie. L'envoyé spécial de Poutine en Syrie, Alexander
Laverentiev, s’est rendu à Téhéran pour s’entretenir avec le secrétaire général
du Conseil suprême de sécurité nationale iranien, Ali Shamkhani, et un
conseiller du ministre des Affaires étrangères. L'Iran a autorisé la
Russie à utiliser la base aérienne iranienne à Hamadān, dans l'ouest de l'Iran,
pour ravitailler les avions russes qui opèrent en Syrie. En août 2016, des
avions russes avaient déjà utilisé cette base pour frapper des cibles en
Syrie mais cela avait déclenché une réaction violente en Iran et entraîné la
fin de l'utilisation de la base. Les responsables iraniens ont précisé cependant
qu'ils autoriseraient la Russie à utiliser l'aéroport militaire, uniquement en
fonction des besoins opérationnels.
Les Iraniens interprètent à leur
façon la décision de Donald Trump de mettre fin à la présence militaire
américaine en Syrie. Ils considèrent qu’il s’agit là d’une reconnaissance de sa
défaite et d’une victoire pour le «Front de résistance» contrôlé par
l'Iran. Mais ils ne veulent pas en rester là. L’Iran veut s’impliquer dans
les prochaines élections en Irak. L'ambassadeur iranien à Bagdad, Iraj Masjedi,
a rencontré des hauts responsables irakiens, tandis que le commandant de la force Basij du CGRI a participé à une réunion avec les représentants du bloc
électoral formé par les dirigeants de certaines des milices pro-iraniennes
chiites. L'ambassadeur iranien avait
rencontré le président irakien Fuad Masum à Bagdad et discuté avec lui du
renforcement des liens entre les deux pays. Il a aussi rencontré le chef du
parti chiite, le «Mouvement national de la sagesse», Sayed Ammar al-Hakim, pour
aborder les développements régionaux.
Haniyeh-Zarif |
Cependant l’Iran s’implique de plus
en plus dans les affaires palestiniennes. Le 3 avril, le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad
Zarif, s'est entretenu au téléphone avec le chef du bureau politique du Hamas,
Ismail Haniyeh, et lui a souligné le soutien de l'Iran à la «résistance
du peuple palestinien» suite aux événements de la «marche du
retour». Zarif a précisé l’intention de l’Iran de soulever la
question auprès de l'Organisation des Nations Unies, de l'Organisation de la
coopération islamique et du Mouvement des pays non-alignés. De son côté, le
guide suprême iranien, Ali Khamenei, a souligné à Ismail Haniyeh que la résistance
était la seule manière de récupérer la Palestine et que le peuple palestinien
était une obligation religieuse et morale qui l'emporte sur les développements
politiques.
Les frappes alliées sur la banlieue
sud d’Alep ont encore entraîné des pertes iraniennes. Bien que les bases aient
été évacuées en prévision de l’action occidentale, des officiers iraniens ont
encore été tués. Une explosion a eu lieu dans l'un
des grands entrepôts utilisés par les forces iraniennes en Syrie, situé à Jabel
Azzan dans la banlieue sud d'Alep. Des officiers iraniens ont été ciblés
par une attaque d’un avion de chasse et de missiles. A la suite de ces
attaques, Moscou pourrait envisager de fournir des systèmes de missiles sol-air
S-300 à la Syrie. La Russie s’était abstenue de fournir ces missiles «compte
tenu de la demande pressante de certains pays occidentaux».
La politique étrangère de la République islamique d’Iran
a été marquée depuis la fin de la guerre avec l’Irak (1980-1988), par un
objectif primordial : faire de l’Iran la puissance régionale du Moyen-Orient. C’est
ce qui explique la politique exercée aujourd’hui par Téhéran en Syrie, l’Iran
aspirant à maintenir ses liens avec le seul pays arabe qui lui ait été fidèle
depuis la révolution de 1979 tout en préservant «le front de résistance»
(Iran – Syrie – Hezbollah) contre Israël. Ce front permet à l’Iran de
s’afficher comme le leader régional de la défense de la cause palestinienne.
Le ministre israélien de la Défense, Avigdor Lieberman, ne
se laisse pas impressionner : «Nous ne permettrons pas d’ancrage
iranien en Syrie quel que soit le prix à payer, nous n’avons pas d’autre option.
Autoriser cet ancrage en Syrie serait accepter que l’Iran nous étrangle».
Mais la victoire effective des forces de Bachar El-Assad
rend l’affrontement entre Israël et l’Iran plus menaçant avec le risque d’une
autre guerre en Syrie. Israël craint que la Syrie se transforme en une base
iranienne pérenne tandis que le litige entre Israël et le Hezbollah peut
dégénérer en affrontement généralisé. En réalité les frappes israéliennes en
Syrie datent d’avant la perte du F-16. Israël s’était longtemps abstenu de soutenir
l’un des camps en guerre en Syrie mais s’était contenté de faire respecter les «lignes
rouges» imposées par Netanyahou consistant à empêcher Téhéran
d’approvisionner le Hezbollah en missiles et en armements sophistiqués en
direction du Liban, et à interdire aux Iraniens de se rapprocher de la
frontière du Golan. Mais la Russie, l’Iran et la Turquie ont signé à la
mi-septembre 2017 un «accord de désescalade» qui est une véritable fin
de non-recevoir aux revendications israéliennes, à savoir le retrait à plus de
soixante kilomètres des forces ennemies.
Cela explique l’augmentation des frappes israéliennes en
Syrie. Israël entend interdire à l’Iran d’établir en Syrie un aéroport, un port
et une base militaire permanente, ainsi qu’un site de fabrication de missiles
de haute précision. Il n’est pas sûr qu’il atteigne cet objectif compte tenu de
la présence russe. Israël se sent seul ce qui pousse le lobby pro-israélien
Aipac à exiger que les Etats-Unis s’engagent plus en Syrie. L’ex-diplomate
américain Dennis Ross estime qu’il faut «réveiller la communauté
internationale et l’administration Trump. Il ne faut pas laisser les Israéliens
seuls face aux Iraniens. Si la Russie ne contient pas la présence iranienne,
les États-Unis ne devront plus rester inactifs alors que les Iraniens
poursuivent leur expansion. Or jusqu’ici c’est ce qu’ils ont fait».
Les Israéliens constatent déjà les effets du
désengagement américain. Ainsi le centre des opérations de la CIA, qui soutenait
les actions des rebelles au sud de la Syrie a été récemment fermé. Par
ailleurs, on ignore combien de temps va durer l’accord tacite entre Netanyahou
et Poutine consistant aux Israéliens à laisser Moscou sauver le régime de
Bachar El-Assad et à l’aider à récupérer du territoire, et aux Russes à fermer
les yeux sur les bombardements israéliens contre les forces iraniennes.
Les Israéliens pessimistes considèrent que Poutine finira
par limiter la liberté d’action israélienne dans le ciel syrien, obligeant
Israël à faire des choix difficiles tandis que l’Iran et le Hezbollah renforcent
leurs avant-postes. Les optimistes pensent que Poutine connaît la capacité d’Israël
à remettre en cause ses succès en Syrie et à menacer le régime d’Assad, et
qu’il optera donc pour refréner les Iraniens, sauf si une attaque israélienne
disproportionnée contre des Syriens faisait des victimes parmi les conseillers
russes.
C’est pourquoi une chose est claire, Israël ne peut pas
se passer du parapluie de protection américain.
3 commentaires:
A la verite, je ne sais pas exactement quels sont les veritables buts de l'Iran, en dehors de la prise de controle de la Syrie et de l'Irak (pour ce dernier pays, les elections ne seront qu'une formalite).
J'ai une theorie qui vaut ce qu'elle vaut. Les prochains objectifs de l'Iran ne sont pas Israel, mais la Jordanie, l'Arabie Saoudite et les principautes du golfe. Le but serait de controler La Mecque et ainsi de proclamer la suprematie religieuse du Chiisme sur le Sunnisme hai.
Encore un excellent travail d'information Mr. Benillouche..
je fais un rêve...les Iraniens retournent définitivement en Iran, le hezbollah est détruit et les Turcs sont remis à leur place, chez eux en Turquie, ras le bol de tous ces malades qui ne cherchent qu' à tuer la vie et qui ont une" philosophie" moyenâgeuse..Quand on voit la situation mondiale, les défaillances du Président Trump, l'orgueil des Russes, bé..c'est pas gagné le rêve d'un monde meilleur..
(en plus, les Européens sont inexistants et laissent proliférer l'antisionisme et l'antisémitisme, berk !
Vite ! je me réveille..j'envoie mon commentaire et je vais profiter du soleil..
L'attaché militaire auprès de l'Ambassade de France à Tel-Aviv se régale avec ce genre d'article. En effet (mais le sait-il ?) l'auteur de cet article fort bien documenté travaille gratuitement pour lui. Notre fonctionnaire détaché fait un copié-collé et l'envoie à Paris en rajoutant en tête CONFIDENTIEL ou SECRET DEFENSE.
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