Femmes kurdes de YPG |
Depuis
samedi, la Turquie attaque l’enclave kurde d’Afrin dans le nord-ouest de la
Syrie. Son aviation, ses blindés
bombardent les positions kurdes. Ses
soldats appuyés par des milliers de rebelles syriens, entraînés en Turquie, ont
traversé la frontière pour chasser d’Afrin, les forces kurdes des Unités de
protection du peuple (YPG) que la Turquie qualifie de terroristes parce
qu’elles seraient affiliées au Parti des travailleurs du Kurdistan le (PKK) en
rébellion contre l’État turc.
Or
les YPG sont des alliés de la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis,
contre les groupes djihadistes en Syrie. Elles ont été en pointe dans les
combats contre l’État islamique, dans le nord-est syrien et à Raqqa où leur
action a été prépondérante pour chasser les islamistes de Daesh. Les Etats-Unis
ont annoncé, il y a une dizaine de jours, qu’ils allaient créer d’ici deux ans «une force frontalière» de 30.000 hommes dans le nord de la Syrie pour
sécuriser les territoires repris à l’État islamique. Elle serait soutenue par
l’aviation de la coalition internationale dirigée par les Américains. Les YPG
en constitueraient la force principale, parce qu’elles sont les plus
aguerries.
Précisons
pour la bonne compréhension de la situation que les trois cantons kurdes du
Rojava, Kobané, Jaziré et Afrin se trouvent à la frontière entre la Turquie et
la Syrie et que les Turcs refusent qu’ils puissent s’unifier de manière
permanente, a fortiori sous l’autorité des YPG. Le président turc a
immédiatement réagi à l’initiative américaine en déclarant «L’Amérique a
avoué qu’elle était en train de constituer une armée terroriste à nos
frontières» Quelques jours plus tard, les Turcs lançaient leur offensive ;
leur objectif étant d’installer une zone de sécurité d’une profondeur de 30 km
à partir de leur frontière, donc à l’intérieur du territoire syrien.
La
Turquie est membre de l’Otan donc alliée aux Etats-Unis, mais en Syrie elle est
alliée à la Russie et à l’Iran qui ont sauvé Bachar El Assad de la défaite et
lui ont permis de reconquérir son pouvoir. Elle reste néanmoins, opposée au
régime syrien et appuie des forces rebelles majoritairement composées de
djihadistes. Pour la Turquie, la menace terroriste n’est pas l’État islamique
mais le PKK dont les YPG sont une émanation. Elle aurait dû combattre les
forces de l’État islamique, mais elle a surtout combattu les Kurdes de Syrie
pour les empêcher de créer et de renforcer des régions devenues autonomes de
facto. Les revendications nationales du peuple kurde installé dans quatre pays,
la Turquie, l’Irak, la Syrie, l’Iran gênent la communauté internationale. Les
réactions à l’offensive turque restent modérées. La Turquie avait averti les
Etats-Unis et la Russie du lancement de son offensive sur Afrin. Des forces
américaines ne séjournaient pas à Afrin, par contre y demeuraient des forces
russes en accord avec les YPG qui avaient tenté un rapprochement avec les Russes
pour ne pas dépendre uniquement des Américains.
Les
Russes ont quitté Afrin la veille de l’attaque turque à la suite d’un accord
passé avec Ankara sans lequel l’aviation turque n’aurait pu bombarder Afrin,
les Russes contrôlant l’espace aérien. Erdogan a déclaré «nous avons abordé
la question de l’intervention avec nos amis russes, nous avons un accord avec
eux». Il se confirmerait qu’il s’agit d’un échange de bons procédés, les Russes
abandonnent les Kurdes à leur sort, les Turcs ne s’opposent plus à l’offensive du
régime syrien et des Russes contre la province rebelle d’Idlib alors qu’ils
protestaient fortement, il y a encore une dizaine de jours, contre la violation
des frontières de cette zone de désescalade, définie dans un accord tripartite
Russie, Iran, Turquie conclu à Astana au Kazakhstan.
Le
Conseil de sécurité de l’ONU s’est réuni en urgence et à huis clos, lundi mais
n’a pas émis de condamnation. «L’appel à la retenue a été, je crois,
largement partagé durant la discussion» a déclaré l’ambassadeur de France
au Conseil de sécurité. L’Union européenne s’est dite «extrêmement inquiète» ; la ministre française des Armées Florence Parly a réagi plus
vigoureusement, elle a appelé la Turquie à cesser ses opérations contre les YPG
qui sont alliés des Occidentaux dans la lutte contre les djihadistes du groupe État
islamique. Mardi le secrétaire d’État américain, Rex Tillerson a appelé Ankara «à faire preuve de retenue dans ses opérations militaires comme dans sa
rhétorique» alors que la veille il reconnaissait «le droit légitime de
la Turquie à se protéger».
Les
Occidentaux mesureraient-ils, enfin, à sa juste valeur le soutien apporté par
les Kurdes dans la lutte contre l’État islamique ? Cette guerre n’est pas terminée, ce serait
catastrophique pour les Occidentaux s’ils devaient, une fois de plus, décevoir
les Kurdes.
2 commentaires:
Merci, monsieur Akoun pour ce bel article qui est tout à votre honneur et à celui de Temps et Contretemps.
J'ai malheureusement peur comme souvent, que la réponse à votre question ne se trouve dans la question elle-même. Oui, les Kurdes vont être sacrifiés.
Peut-être est-ce le moment pour les lecteurs de ce site, de prendre connaissance de cet article de Shmuel Trigano qui lui, prédit un avenir sombre pour l'État juif aussi.
http://www.lefigaro.fr/vox/monde/2017/11/09/31002-20171109ARTFIG00324-israel-trois-etats-pour-un-seul-peuple.php
Très cordialement.
Pas question d'abandonner les Kurdes, les seuls dans le quartier à pouvoir se rapprocher de la démocratie et d'une évolution positive...
Qu'attendent les Américains pour remettre à leur place les Turcs..? un massacre de plus!!
La Turquie n'a toujours pas reconnu le génocide Arménien !
Rien que pour çà, on aimerait que les Russes et les Américains leurs mettent une bonne raclée!!
Mais , on peut toujours rêver...bien sur à une solution plus positive...
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