bases russes en Syrie
visées par des drones armés
par Jacques
BENILLOUCHE
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La base aérienne russe de Hmeimim et le
centre logistique de la marine russe de Tartous ont été la cible de plusieurs
attaques par des drones, des roquettes et des obus de mortier entre le 5 et 6
janvier 2018. L’attaque a été menée par
13 drones équipés d’engins explosifs improvisés (IED), dix contre la base
aérienne et trois contre la base navale. Selon les Russes, aucun drone n’a atteint sa
cible. Sept drones ont été abattus par le système de défense aérienne russe et
six ont été débarqués par les systèmes de guerre électronique de l'armée russe
(trois d'entre eux ont explosé à l'atterrissage).
Selon le ministère de la défense russe, les drones ont
été lancés à une distance d’environ 50 à 100 kms et étaient équipés de matériel
de navigation innovants. C’est la première fois que les Russes ont à faire face
à une utilisation massive de ce type d’avions sans pilote. Ils sont convaincus
que la technologie d’exploitation des drones est de haut niveau. Avant cette
attaque, la base de Hmeimim avait été attaquée le 31 décembre 2017 par
plusieurs obus de mortier. Le ministère russe de la défense avait précisé «qu’un
groupe mobile de saboteurs armés» avait mené l’attaque en tuant deux
soldats mais qu’aucun avion n’aurait subi des dégâts.
Le quotidien Kommersant a confirmé les faits en les
qualifiant «d’incidents les plus graves depuis le début de
l'implication de la Russie en Syrie».
La question plus grave est que les systèmes de défense anti aérienne
avaient mal fonctionné. La porte-parole du ministère russe des Affaires
étrangères, Maria Zakharova, a rapporté que le 27 décembre 2017, des «militants» avaient tiré plusieurs roquettes sur l'aéroport international
de Lattaquié et sur la base de l'armée de l'air russe à Hmeimim. Deux d'entre
eux ont été interceptés par le système de défense aérienne russe. Une troisième
roquette tirée a dévié de sa trajectoire et a atterri à la périphérie de la
ville de Jableh.
Ces incidents ont conduit les Russes à prendre des
mesures sérieuses. La zone autour des bases a été nettoyée par les troupes
russes et non pas par l’armée syrienne. Puisque leur occupation est prévue pour une longue durée, ils songent à présent à construire des abris pour leurs avions.
Un des drones de l'attaque |
Les drones armés étaient certes de conception artisanale
mais étaient équipés de dispositifs de navigation et d'assaut de haute
technologie. Ils ont été construits sur une base en bois avec des ailes de contre-plaqué, le tout entouré de ruban adhésif et de ficelle de plastique. Les moteurs
étaient de conception artisanale et manuelle. En revanche, leurs dispositifs de
navigation leur permettaient d'être lancés à distance et de mener des attaques
de précision grâce au guidage GPS.
Les Russes sont convaincus que la technologie
avancée a été fournie par un «pays tiers doté de capacités technologiques
de haut niveau». Ils ne sont pas loin de sous-entendre que
les États-Unis sont impliqués. Les Américains se sont défendus, par
la voix du porte-parole du Pentagone Adrian Rankine-Galloway, en précisant
qu’ils avaient déjà relevé une technologie similaire chez Daesh et que la
technologie utilisée était disponible sur le marché libre.
Porte-parole du Pentagone :Adrian Rankine-Galloway
Aucune organisation n’a revendiqué la responsabilité de
ces attaques mais les Russes accusent l'organisation rebelle islamique Ahrar al-Sham d’être
derrière les attaques. D’ailleurs elle avait déjà tenté, avec peu de
succès, de lancer des attaques de drones contre les unités syriennes du génie dans
la ville de Homs. Les militaires russes ont décodé les données des drones et fourni
une «preuve partielle» de l'implication d'Ahrar al-Sham dans l’attaque
des 5 et 6 janvier 2018 et même dans l'attaque contre la base de Hmeimim le 31
décembre 2017.
Le
ministère russe de la défense a complété ses précisions. Les drones ont
été lancés depuis le village d'Al-Mawzarah, à 32 km au sud-ouest d'Idlib. Cette
zone de lancement est contrôlée par «l'opposition modérée» (Ahrar
al-Sham). Ce groupe, créé au début de la guerre civile en Syrie après
unification de plusieurs organisations rebelles islamiques, est soutenu par la
Turquie.
La
Russie a adressé une mise en garde à l’armée turque sur le fait que le
cessez-le-feu n’était pas respecté par les forces sous son contrôle. La Turquie
a en outre été invitée à intensifier la construction de postes d'observation
dans la zone d'Idlib pour déjouer des attaques de drones. Les attaques contre les
bases de Hmeimim et de Tartous ont été menées par les organisations rebelles
opérant dans la région d'Idlib. Elles ont été décidées pour alléger la
pression des forces syriennes qui, avec l'appui aérien russe, tentent de
prendre le contrôle de l'enclave d'Idlib. Il est probable qu'Ahrar al-Sham soit
le responsable du lancement des drones.
Ces attaques démontrent que, malgré les déclarations des
dirigeants russes annonçant leur victoire en Syrie, justifiant ainsi le retrait
d'une petite partie de leurs forces, la guerre civile est encore loin d'être
terminée. Elles démontrent surtout la vulnérabilité des bases russes. Paradoxalement,
les Russes tiennent pour responsables les Etats-Unis : «En ayant
transféré aux terroristes des technologies dernier cri, les Etats-Unis ont
laissé le mauvais génie sortir de sa bouteille. Les technologies, ce n'est pas
de l'argent ; une fois prêtées, elles ne sont jamais rendues à celui qui
les avait données».
La Russie est persuadée
que les rebelles ont reçu une aide technique extérieure et elle accuse
ouvertement les Américains : «les drones étaient guidés par des
instructeurs ayant suivi une formation spéciale. Les terroristes eux-mêmes ne
seraient pas capables de mener cette opération. Les services américains étaient
impliqués dans l'opération».
Il est probable que la Russie va
durcir son comportement vis-à-vis des rebelles en intensifiant les frappes
aériennes car, pour les Russes, les drones représentent «une grave
menace pour la sécurité dans le monde».
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