ISRAËL ET LA CHINE : L’INNOVATION EN COMMUN
Par Jacques BENILLOUCHE
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Cet article a fait l'objet d'une intervention sur I24news à l'émission Innov Nation du 22 octobre 2017 présentée par Joanna Castel.
Ouverture des relations diplomatiques en 1992 |
La
Chine représente un potentiel de croissance important pour l’économie
israélienne. Mais cela ne peut se faire
qu’en préservant la relation historique et stratégique d’Israël avec les
Etats-Unis. Le 24 janvier 1992, à Beijing, les ministres des Affaires
étrangères respectifs, David Levy et Qian Qichen, avaient signé l'accord
établissant les relations diplomatiques entre les deux pays. Pendant longtemps les relations ont été timorées pour ne pas indisposer l'allié américain. Vingt-cinq années
plus tard, du 20 au 21 mars 2017, Benjamin Netanyahou a visité la Chine, la
deuxième fois sous la présidence de Xi Jinping, après celle de 2013.
La
Chine a un intérêt accru pour le Moyen-Orient mais sa politique se distingue
par une non-intervention dans les affaires internes des États. Elle a refusé de
s’associer à la coalition contre l’État islamique, malgré ses intérêts
pétroliers en Irak. Elle veut éviter les risques politiques et sa stratégie
politique n’est orientée que sur l’économie. Elle ne se «mouille» pas militairement dans la région et sa seule présence se limite à des missions
de maintien de la paix.
Forte
de cette neutralité, la Chine inonde le monde de ses produits à bon
marché, même dans les pays à forte main-d’œuvre locale comme l’Égypte. Ce
commerce, qui a crû de 600% en dix ans avec 230 milliards de dollars en 2014,
est la clef du développement de la Chine qui doit compenser ses fortes
importations pétrolières en croissance continue. Plus de la moitié des
importations chinoises de pétrole proviennent du Moyen-Orient et dans le cadre de son initiative One Belt One Road (OBOR), (Une ceinture terrestre, une route maritime), la nouvelle route de la soie qui consiste à relier par de nouvelles infrastructures l’Asie, l’Europe et
l’Afrique, elle investit
massivement dans les infrastructures de transport, comme les routes, les
chemins de fer et les ports maritimes.
La
Chine a pour objectif de se connecter aux marchés européens et africains grâce
à sa propre banque, Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures (AIIB)
qu'Israël a rejoint dès la fondation de la banque. La Chine a investi en 2015 près
de 5,7 milliards de dollars dans les infrastructures au Moyen-Orient et en
Afrique et, en 2016, cette somme a bondi à 21,5 milliards de dollars. C’est
ainsi que la Chine a été impliquée en Israël dans le creusement des tunnels du
Carmel à Haïfa, la pose du tramway à Tel-Aviv et l'extension des ports
maritimes d'Ashdod et d'Haïfa. La Chine vient de faire ses premiers pas dans
l'industrie de la construction résidentielle.
Mais
en plus de ses investissements, la Chine s’intéresse beaucoup au domaine de
l’innovation en Israël sans aucun complexe vis-à-vis du «petit
pays» qui se distingue par ses réalisations scientifiques, son nombre
de startups et le nombre de ses lauréats du prix Nobel. La Chine est en retard
dans les technologies de pointe et dans les solutions innovantes pour sa
population nombreuse et vieillissante. Alors elle investit dans les industries
de haute technologie, de l'agriculture, de l'alimentation, de l'eau, des
technologies médicales et de la biotechnologie. L’investissement de la Chine en
Israël en 2015 a atteint 500 millions de dollars et elle favorise l’installation
d'entreprises innovantes israéliennes, à l’instar de la ville d'eau de
Shouguang qui a intégré les technologies israéliennes de l'eau.
La
création par le Technion d'un institut universitaire technologique à Guangdong,
financé par un don de 130 millions de dollars du milliardaire Li Ka-Shing, est
un exemple du rôle que les hommes d'affaires chinois jouent dans la promotion
des relations bilatérales. En effet, depuis 2013, Israël a reçu plusieurs délégations chinoises intéressées par l'innovation dans
des domaines prioritaires pour le gouvernement chinois tandis qu’en 2016
l'ambassade israélienne à Pékin a délivré plus de dix mille visas aux hommes
d'affaires chinois.
Tnouva |
L'accent
mis par la Chine sur l'économie n’influe plus sur la relation stratégique d’Israël
avec les États-Unis, qui constitue la pierre angulaire de sa politique de
sécurité nationale. Il est vrai que les Américains voyaient d’un mauvais œil la
collaboration sécuritaire d'Israël avec la Chine. C’est pourquoi, pour éviter
toute mauvaise interprétation, Israël a pris soin de concentrer ses liens avec
la Chine sur le seul plan économique. La Chine est le troisième partenaire
économique d'Israël, avec un volume de plus de huit milliards de dollars par an.
Elle a acquis des bijoux de famille, les usines chimiques d’Ashdod et la première compagnie de
produits laitiers Tnouva, ce que certains ont qualifié de menace stratégique sur
l’économie israélienne. Elle a obtenu la construction du nouveau port d’Ashdod en cours de finition. Enfin le train Eilat-Ashdod fera d’Israël un
véritable pont terrestre entre l’Europe et l’Extrême-Orient car il permettra
l'exportation du gaz naturel israélien vers la Chine et l’Inde en provenance des gisements Léviathan et Tamar, situés en Méditerranée. Ce projet sera construit et financé par la Chine
pour 10 milliards de dollars.
Train chinois à grande vitesse |
Cependant,
malgré la croissance impressionnante des relations économiques entre les deux
États, Israël a des lacunes dans la recherche académique appliquée à la Chine, ce qui limite ainsi ses bases de connaissances, essentielles pour une bonne prise de décision.
Les Israéliens ont besoin de plus d'experts sur la Chine moderne, sur l'économie
et l'administration des affaires, sur le droit et les relations étrangères. Ce manque de spécialistes israéliens dans les ministères et le monde universitaire entrave le développement des relations économiques.
Avec
ces liens, Israël cherche à développer son économie. Lors de sa visite à
Beijing, Netanyahou avait tenu à qualifier les relations entre les deux pays comme
un «partenariat innovant global ».
Il s’agit pour les deux pays de promouvoir la coopération dans les
domaines importants pour la Chine où Israël a un avantage relatif, comme la
haute technologie et l'innovation, l'agriculture et l'alimentation, les
technologies de l'eau, la technologie médicale et la biotechnologie. Israël
souhaite être inclus dans OBOR, pour encourager d'autres investissements
chinois dans des projets d'infrastructure en Israël et proposer des solutions
israéliennes dans les domaines de la sécurité, de la lutte contre le terrorisme
et des communications. Cela passe par les échanges de délégations d'hommes
d'affaires chevronnés et les visites en Israël de hauts responsables chinois du
monde des affaires.
Task force Chine Israël |
Mais
Israël veut bien, sur le plan politique et économique, encourager la Chine à
promouvoir les relations israélo-palestiniennes en investissant dans les projets
de l’Autorité palestinienne dans le cadre d’une «paix économique». Il est en effet possible de construire, à Gaza des
infrastructures pour les énergies renouvelables, pour le transport naval et pour
les usines de dessalement, et en Cisjordanie des infrastructures pour le
transport terrestre, les zones industrielles et commerciales.
La
Chine qui a noué des relations fructueuses avec tous les acteurs de la région,
et qui entretient en particulier des relations avec les Iraniens, pourrait promouvoir
des initiatives conjointes pour agir en faveur de la stabilité régionale.
Israël n’a pas manqué d’exprimer ses inquiétudes sur les projets communs
sino-iraniens dans le domaine de la défense alors que Téhéran reste déterminé à
détruire Israël, à soutenir le terrorisme et à construire ses armes nucléaires.
À ce sujet, les modèles iraniens de systèmes d'armes chinois, tels que le
missile antinavire C802, sont parvenus au Hezbollah et aux rebelles Houthi au
Yémen avec une incidence marquée sur Israël, l'Arabie saoudite et les Émirats
arabes unis.
Missile C802 |
Enfin,
la Chine veut exploiter les relations privilégiées de Netanyahou avec Donald
Trump et Vladimir Poutine pour créer des canaux auprès des puissances
mondiales. Israël pourrait jouer un rôle dans la transmission de messages et dans
une médiation discrète.
Aujourd’hui,
la Chine veut évoluer sur le fond tandis que l’innovation et la révolution
numérique caractérisent cette révolution. Certes l'innovation était venue
principalement des États-Unis, mais l’Histoire prouve que ce ne fut pas
toujours le cas. Au 19ème siècle, l'Empire du Milieu était à la pointe de
l'innovation avec, entre autres, les compas, la poudre à canon et la roue
hydraulique, mais au 20ème siècle il a perdu son avance pour avoir cherché à
devenir la plus grande usine du monde. La Chine cherche donc à retrouver son
esprit innovant qui fait partie de son ADN. Elle souhaite consacrer 2,5 % de
son PIB à l'innovation en 2020 pour arriver au premier rang mondial des
dépenses de R&D autour de 2019.
Ces
investissements favorisent le développement des grandes entreprises, mais aussi
celui des villes où les PME évoluent dans des conditions propices à
l'innovation, à l'instar de Shenzhen, devenue un véritable hub, ou de
Zhongguancun, autrement nommée la Silicon Valley de la Chine. On voit donc
apparaître une multitude de nouveaux produits, de nouvelles marques, de
nouvelles applis qui ne se contentent pas de copier.
Mi Mix |
Grâce
à ce dynamisme, les initiatives innovantes s'y multiplient avec l'exemple de Mi
Mix, lancé en 2016 par Xiaomi, premier téléphone dépourvu de bordures et
construit en céramique, un matériau qui est plus malléable et qui chauffe
moins. En innovation, les Chinois apprennent très vite et ils sont en train de
dépasser leurs modèles occidentaux.
Et
l'innovation n'est pas que matérielle, elle l’est aussi dans le domaine du e-commerce.
Le commerce en ligne connaît une croissance fulgurante, sous l'effet de
l'augmentation du pouvoir d'achat de la classe moyenne, qui compte désormais
731 millions d'internautes. En 2016, les ventes en ligne y ont atteint les 701
milliards d'euros de chiffre d'affaires, soit une progression de 26,2% par
rapport à 2015. Il représente aujourd'hui 15 % du secteur de la distribution
(contre 7% en France).
L'innovation
technologique se démocratise plus rapidement. La réalité virtuelle, par
exemple, connaît déjà de nombreuses applications concrètes. Dans le domaine du
shopping en ligne, grâce à un casque VR, certains ont pu assister à un défilé
de mode et acheter leurs produits coups de cœur en live tandis que d'autres ont
pu se retrouver en immersion dans les rayons d'un magasin et s'y promener, voir
les caractéristiques des produits et effectuer leurs achats d'un simple
mouvement de tête.
Israël a beaucoup à apprendre de la Chine et pour preuve, de nombreux industriels n'hésitent pas à s'y rendre pour s'inspirer, ou dénicher des produits et surtout pour y trouver de nouvelles opportunités d'affaires. Certains n'hésitent pas à s'y installer.
C'est pourquoi, le ministère israélien de l’Economie et de l’Industrie a mis en place à
Pékin le premier programme d’accélérateur entre Israël et la Chine avec son
partenaire chinois, le fond de placement SehngJing. Le programme vise à aider
les entreprises israéliennes à pénétrer le marché chinois en fournissant aux
cinq entreprises israéliennes sélectionnées les connaissances, le soutien et
les ressources pour des levées de fonds nécessaires à une implantation réussie
dans le marché chinois. L'innovation n'est plus l'apanage des pays occidentaux.
Israël a beaucoup à apprendre de la Chine et pour preuve, de nombreux industriels n'hésitent pas à s'y rendre pour s'inspirer, ou dénicher des produits et surtout pour y trouver de nouvelles opportunités d'affaires. Certains n'hésitent pas à s'y installer.
Sherrie Wang, du groupe ShengJing |
4 commentaires:
Les pays qui attirent et favorisent durablement l’innovation doivent disposer, d’après les études de Philippe Aghion, prof d’économie au Collège de France :
- un système politique démocratique
- un système d’éducation et d’université libre en termes d’enseignement et en termes d’accès
- une égalité homme-femme
C’est pourquoi la Chine, même si elle progresse, est encore handicapée et a besoin d’innovation extérieure pour satisfaire sa population en particulier sa classe moyenne.
Si Israël veut continuer à être un partenaire majeur de pays comme la Chine dans le monde, il lui faut chérir sa démocratie, sa pluralité, et favoriser la liberté de penser et l’égalité des sexes. Il lui faut donc impérativement limiter l’influence des Haredim par exemple.
Jacques, tu as omis le deferlement des touristes chinois sur Israel cette annee. La Chine a imite le Japon munissant tous les touristes d'appareils photos et leur demandant expressement de photographier tout en Israel, y compris les patins a roulettes. Il est bien connu que le Japon commenca sa reconstruction economique par l'espionnage industriel a grande echelle. C'est aussi le cas des Chinois, alors qu'en Chine, les touristes occidentaux sont limites a des parcours tres precis. Ainsi la route qui mene de Hong Kong a Guangjou est bordee de maisons en boue sechee et de quelques bicyclettes de pauvres gens.
La Chine est aujourd'hui le premier pays dans le classement economique mondial, assez loin devant les USA. Et certains produits chinois ne sont pas encore commercialises bien qu'ils existent deja: les automobiles, les avions de ligne, les navires commerciaux.
Aussi, apres l'hebreu, nos enfants et petits-enfants auraient interet a apprendre le chinois. Ceux-ci n'hesiteront pas a traduire le Talmud si necessaire.
Cher monsieur Benillouche,
Israël et la Chine ont bien plus que l'innovation en commun !
Sans remonter jusqu'à Marco Polo qui attestait déjà de la présence juive en Chine, Wikipedia indique qu'"à la déclaration de la Seconde Guerre mondiale, quand les Juifs fuyaient l'Europe à la recherche d'une terre hospitalière (traduire : un pays qui les accueillerait encore, alors que TOUS les autres leur étaient dorénavant fermés) la Chine les accueillit sans rechigner. Une vingtaine de milliers de réfugiés d'Autriche, de Pologne, de Russie s'installèrent ainsi dans la ville de Shanghaï".
Ma famille et moi étions parmi eux. Aussi je ne peux que souhaiter le succès de la coopération d'Israël avec la Chine.
Très cordialement.
Il y a plusieurs annees je me suis balade en Chine pendant un mois seul sans guide et sans control. J'avais alors plus de 60 ans. C'est super.
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