L’EMPIRE MAFIEUX DES PASDARANS IRANIENS
Par Jacques BENILLOUCHE
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Les Pasdarans, ou Gardiens de la Révolution, représentent la
colonne vertébrale du régime iranien. Ce corps est connu pour être une organisation
paramilitaire redoutée mais on ignore souvent qu’il s’agit d’un véritable
empire industriel mafieux parce qu’il est directement impliqué dans les
transactions sur le nucléaire et dans la distribution de gaz et de pétrole. Dans
l'ombre, les Pasdarans tirent les ficelles du régime iranien, profitent de leurs revenus pour manipuler des
réseaux terroristes, se livrent à toute sorte de trafics et se sont emparés de
pans entiers de l'économie du pays, dans le bâtiment, l'énergie et les
télécommunications. C’est une sorte de structure qui oscille entre parti
politique, franc-maçonnerie, association d’aide sociale, armée parallèle, et
empire industriel et qui dispose d’un pouvoir économique immense.
Les
Pasdarans ont créé une holding Khatam al-Anbia qui gère plus de 10 milliards de
dollars de revenus pétroliers et gaziers avec aux postes-clés des officiers
d'active ou à la retraite. Sept ministres pasdarans sur 21 contrôlent le pétrole, l’économie,
les communications, la défense, et l’intérieur. Les Gardes ont un droit de regard sur un
tiers des sièges de députés ou de gouverneurs, sur plusieurs mairies et postes
d'ambassadeurs. Il s’agit d’une véritable administration parallèle disposant de
casernes et de centres de torture. Les Pasdarans ont été créés par l'ayatollah Khomeiny,
en mai 1979, pour être «les yeux et les oreilles du régime islamiste», en
charge particulièrement de la répression intérieure. Pour cela il leur a fourni
les meilleurs équipements dont est d'ailleurs privée l’armée régulière.
Commandant des Gardiens |
Sous
couvert de hiérarchie religieuse, les Pasdarans ne cessent de s’enrichir à
l’instar d’une organisation mafieuse qui contrôle des centaines d’entreprises
créées sous forme d’associations caritatives, Bonyads. Les Bonyads sont des
fonds caritatifs iraniens qui contrôlent de 11 % à 40 % du PNB de l'Iran. Mis
en place juste après la révolution iranienne, ils sont censés redistribuer les
revenus du pétrole aux pauvres et aux familles des «martyrs». Il
n’existe aucun pan de l’économie iranienne qui ne soit sous la coupe des
Pasdarans : immobilier, chirurgie laser,
tourisme, optique, tabac, agriculture, construction navale, distribution d'eau,
transports terrestres, mines de cuivre de zinc et de plomb, champs gaziers,
compagnie aérienne Pars, banques Mehr et Ansar, compagnie pétrolière Oriental
Kish, Iran Electronic Industries. Bref il s’agit d’une organisation mafieuse ayant des tentacules au sein de l’État.
Khamenei et son Etat-major |
Les
sociétés contrôlées disposent de privilèges exorbitants imposés par d'Ali
Khamenei. Elles ne paient pas d’impôts, ne rendent compte qu'au guide suprême
et, bénéficient de crédits à taux préférentiels des banques publiques. Le président réformiste Rafsandjani avait tenté de juguler
l'affairisme des Pasdarans, mais il n’est pas parvenu face aux obstructions venant du sommet. Les Pasdarans obtiennent tous les appels d’offres sans concurrence car
peu d’entreprises osent se mettre sur les rangs contre eux.
Dans
ce contexte il est évident que les sanctions doivent toucher les Pasdarans
au portefeuille, seul moyen d’atteindre le régime iranien. Parmi eux, il n’y a
pas que des illuminés mais des pragmatiques, pas que des fanatiques mais des
affairistes, pas que des sectaires mais des stratèges. On comprend pourquoi ils
peuvent difficilement abandonner le programme nucléaire qui leur rapporte
beaucoup d’argent certes mais consolident les ambitions régionales de l’Iran en
intimidant ses voisins.
Mais
le nouveau président Hassan Rohani a compris qu’il devait s’attaquer à l’empire
économique des Gardiens de la Révolution et il a pris le risque d’arrêter
certains membres seniors pour limiter leur rôle dans l’économie. Une douzaine de Pasdarans ont été mis en
prison tandis que d’autres ont été contraints de rembourser les richesses
accumulées grâce à des transactions commerciales suspectes. Un général pasdaran
a même vu ses millions de dollars confisqués dans sa propre maison.
La
répression discrète a été rendue possible parce que le président Rohani a informé le leader
suprême Ali Khamenei des richesses accumulées par certains hauts dirigeants de
la Garde et de la corruption élevée qui règne au sein de ce Corps. Khamenei a
compris qu’il devait s’attaquer à ceux qui entravent le développement
économique et les efforts visant à stimuler la croissance alors que le pays
lutte contre un chômage élevé. Le président, qui a cherché à attirer
les investissements étrangers depuis l’accord nucléaire signé en 2015, a
été confronté à une résistance des Gardiens qui tiennent à protéger leurs
intérêts.
Sadra Iran Maritime company |
Les
entreprises affiliées à cette mafia s’opposent ouvertement à toute ingérence de
l’État. Il en est ainsi de Sadra Iran Maritime Industrial
Company qui construit des pétroliers et participe à des projets de pétrole et
de gaz, et de Shahid Rajaee Professional Group, l'une des plus grandes
entreprises de construction iraniennes. L'un des consortiums des Pasdarans,
Etemad Mobin Development Company, a acheté Telecom Company of Iran, une société
d'État, pour 7,8 milliards de dollars en 2009. D'autres sociétés liées aux gardes comprennent Ansar Bank et Sepanir Oil
and Gas Engineering. Certains économistes et hommes d'affaires estiment que le réseau
d'entreprises du Corps des Gardiens pourrait être évalué à environ 100 milliards de dollars.
L'implication des Pasdarans dans l'économie remonte à la fin de
la guerre entre l'Iran et l'Irak dans les années 1980, lorsque les commandants
ont été récompensés par des contrats pour construire des routes, des barrages
et des ponts pour rebâtir le pays. Ahmadinejad a encore plus délesté l’État de secteurs
stratégiques, y compris le pétrole et le gaz. Il a confié aux Pasdarans la
société de télécommunications de l'Iran, devenue une vache de trésorerie pour les
financer. Sous sa présidence, les allégations de corruption n’étaient plus un
secret.
On
ignore si Rohani va parvenir à démanteler la puissance de la mafia des
Pasdarans. Mais il est déterminé à amener les Pasdarans sous le parapluie général de
l'économie et à leur donner des projets uniquement sous certaines conditions de
concurrence car l'économie du pays est dans un état critique. Il tient à ce que
les Gardes reviennent à leur responsabilité initiale, les actions militaires et sécuritaires.
1 commentaire:
Jacques Benillouche nous fait découvrir une "face cachée" des Pasdarans Iraniens.
C'est devenu un "Empire" qui inquiète même les Dirigeants Iraniens.
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