LE PÈLERINAGE JUIF DE LA GHRIBA EN PANNE
Par Jacques BENILLOUCHE
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Le
pèlerinage juif de la Ghriba aura lieu, cette année, du 12 au 14 mai 2017. Les
autorités tunisiennes espèrent un retour en force des pèlerins juifs qui, l’an
dernier selon les organisateurs, ont été 600 à venir de l’étranger, chiffre
contesté par les témoins visuels présents à Djerba. En effet de nombreux
invités officiels juifs avaient pris l’avion de Paris pour rehausser le
prestige de la Ghriba. La Tunisie n’a toujours
pas amélioré son image auprès du monde occidental et n’a pas cherché à régler
le contentieux avec les Juifs dans le monde, les Israéliens originaires de
Tunisie en particulier. En tout état de cause, nous sommes encore loin des
5.000 pèlerins qui avaient foulé le sol tunisien il y a quelques années, du
temps du régime de Ben Ali, pour retrouver leurs racines.
Le président Essebsi |
On
ne comprend pas l’entêtement des Tunisiens à être plus royalistes que le roi,
plus palestiniens que les Palestiniens et plus arabes que les Arabes. Leur
volonté de maintenir chez eux une base stratégique pour les Palestiniens, pour
ne pas dire terroriste, bloque toute évolution en faveur d’un retour à la
normale. Alors que les Jordaniens envisagent avec Israël la construction d’un
canal Mer Rouge-Mer Morte, alors que les Égyptiens collaborent ouvertement
contre le terrorisme islamiste au Sinaï, alors que les Marocains commercent
avec les Israéliens et les accueillent avec leur passeport bleu, alors que
l’Arabie saoudite a mis les jalons pour une ouverture des liens diplomatiques
avec Israël, la Tunisie s’enferme dans sa position intransigeante, inébranlable
et stérile d'opposition systématique au «régime sioniste».
Zouari à Sfax |
Il
est vrai que certains incidents ont émaillé les relations avec la Tunisie, mais
elle n’a jamais été touchée en tant que telle. Seuls étaient visés les
terroristes qui utilisent la faiblesse sécuritaire tunisienne pour en faire
leur point de repli en Afrique du Nord. Le 15 décembre 2016, Mohamed Zouari,
ingénieur tunisien expert en drones et travaillant pour le Hamas, avait été
assassiné alors qu’il se trouvait dans sa voiture au bas de son domicile de
Sfax. Il avait été abattu de trois balles dans la tête. Un travail de pro, sans
bavures et avec une froideur professionnelle, dans le silence de la nuit. Son
erreur : Il s’était rapproché des Palestiniens lorsqu’ils s’étaient
repliés en Tunisie avec Yasser Arafat.
Il s’était mis à leur service et à celui
du Hezbollah depuis les années 1990, après avoir quitté sa Tunisie natale. Il
avait progressé dans l’organisation du Hamas jusqu’à être le chef du programme
de fabrication des drones. Mais il était en train de mettre au point un
sous-marin miniature télécommandé, dans le but avoué d'atteindre des cibles
navales et donc de mettre en danger la libre navigation des navires israéliens
et la sécurité des champs gaziers au large de Haïfa. Le Mossad avait été accusé
d’être à l’origine de l’opération mais Israël avait démenti et l’enquête n’a
rien prouvé à ce jour. Mais en tout état de cause, l’homme du Hamas était visé.
Cet
échec a poussé des hommes politiques tunisiens à accuser leur gouvernement de
garder le silence pour masquer l’incompétence des services tunisiens de
sécurité, incapables d’avoir empêché un commando d’au moins dix personnes de
circuler librement et de s’évaporer sans être inquiété. Toutes les hypothèses
les plus farfelues ont été soulevées pour tenter d’expliquer l’impunité des
meurtriers. La guerre des clans en Tunisie ne permet cependant aucune
explication rationnelle. Elle ne fait qu’envenimer les conséquences de
l’assassinat.
Ben Hadj Ali |
Une
thèse, qui a peu de consistance, pointe du doigt la complicité du gouvernement
dans ce meurtre avec préméditation. En effet le directeur de la sécurité
nationale, Abderrahmane Ben Hadj Ali, avait eu le tort de démissionner de son poste
la veille de l’élimination de l’expert ce qui le rendait d’office coupable,
sans preuve consistante. Il s’agissait d’accuser le gouvernement sous prétexte
que le directeur était une figure importante du régime Ben Ali dont il était le
responsable de la sécurité présidentielle. Pourtant, grâce à lui, la lutte
contre les groupes terroristes avait conduit à la découverte de nombreuses
cellules dormantes. En tant que véritable expert sécuritaire, il avait réussi à
réduire les attentats terroristes contre les forces de l’ordre et à organiser
de nombreuses arrestations dans les rangs des groupes extrémistes religieux.
Bien
que sa démission fût un hasard du calendrier, il avait été accusé d’avoir
démissionné la veille de l’assassinat de l’expert du Hamas parce qu’il savait
ce qui devait se tramer le lendemain. En fait, à travers lui, est visé le
gouvernement pour son faible engagement pour la cause palestinienne ainsi que le
ministre des affaires étrangères tunisien, Khemaïs
Jhinaoui, accusé de «sionisme» parce qu’il avait occupé le poste
d’ambassadeur de Tunisie en Israël sous le régime de Ben Ali.
Tout
est bon en Tunisie pour ceux qui veulent impliquer Israël pour les malheurs du
pays. Sans que l’on comprenne le lien avec la mort de l’expert du Hamas,
l’opposition estime que le meurtre de Zouari n’aurait pas eu lieu si l’article
constitutionnel interdisant la normalisation des relations avec Israël avait
été voté par l’assemblée constitutive. Elle a aussi trouvé indécent que la
chaîne-10 israélienne émette en direct depuis Sfax et depuis l’avenue Habib
Bourguiba de Tunis en diffusant un reportage sur Zouari. C’était la preuve
qu’Israël représentait une menace pour la souveraineté de la Tunisie. Toujours
sans expliciter le lien, les opposants justifient l’aggravation de la dette de
la Tunisie, plus de 60% du PIB, parce qu’elle est détenue en grande partie par
des pays occidentaux favorables à Israël. Cette accusation tend à masquer le
fait que la Tunisie est au cœur de l’exportation du terrorisme.
Certains
dirigeants tunisiens, influencés par les islamistes, n’ont plus de raisonnement logique lorsqu’il s’agit de
marquer leur haine persistante contre Israël. Ils pensent que la Tunisie n’en
fait pas assez pour la cause palestinienne alors que cette cause occupe une place
centrale, certes passive, dans les pays arabes. Il est vrai qu’Habib Bourguiba
avait adopté une attitude médiane à l’égard de l’État juif, sans cependant
sauter le pas et imiter la position courageuse de l’Égypte et de la Jordanie.
Beaucoup de pays arabes l’avaient accusé de n’avoir pas fait preuve d’activisme
pour exiger la «libération totale de la terre palestinienne»
et d’avoir été l’un des premiers à suggérer la solution à deux États. En fait,
sa modération était justifiée par sa volonté de renforcer l’alliance de la
Tunisie avec les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne accusés d’être
pro-israéliens.
Ben Ali et Bourguiba |
Les
nouveaux censeurs accusent Ben Ali d’avoir été favorable aux accords d’Oslo de
1995 qui ont normalisé les relations avec Israël. L’histoire israélo-tunisienne
est jalonnée de rendez-vous manqués durant lesquels les Juifs ont été rendus
coupables de la fragilité de la situation économique et sociale en Tunisie. On
ne prête qu’aux riches. Et pourtant la Tunisie n'est pas à l’abri de critique. Béji
Caïd Essebsi, le président tunisien déteste Israël et il l’a prouvé à plusieurs
reprises. En 1967, en tant que ministre de l’intérieur, il avait laissé la rue
aux émeutiers pendant deux jours pour leur permettre de brûler la grande
synagogue de Tunis. En tant que ministre des affaires étrangères en 1985 il
avait qualifié les attaque israéliennes d’«actes terroristes» et
déclaré que «la Tunisie ne tolérerait aucune violation de son territoire».
Aujourd’hui, devant l’échec de ses services de sécurité pour résoudre l’énigme
de l’assassinat de Zouari, il force les Tunisiens à tourner le regard vers un
accusé tout trouvé. Comme le dit un proverbe tunisien : «la tête du
chauve est plus proche de Dieu».
Au
lieu de promouvoir une image d’un pays «sûr» aux yeux des
investisseurs étrangers, la Tunisie donne l’impression qu’elle contribue mal à
la lutte contre le terrorisme ou alors qu’elle est débordée. Les Tunisiens ont
défendu Mohamed Zouari alors qu’il était affilié au Hamas et n’ont pas compris qu’en
faisant cela, ils écornaient l’image de la Tunisie accusée de soutien au
terrorisme. L’attitude du président est très ambiguë. Alors qu’Essebsi avait mis
Israël en accusation suite à l’attaque lancée en 1985 par Tel-Aviv contre le
quartier général de l’OLP à Hammam Chat, il ne s’est pas manifesté depuis
l’assassinat de Zouari laissant planner un doute sur les commanditaires. Les
Tunisiens l’accusent donc de complicité de meurtre et d’incompétence pour
réduire le sentiment d’insécurité allant jusqu’à dire qu’il est un facteur
aggravant du risque de soulèvements.
On
ne comprend pas que la Tunisie, qui est dans un état de dépendance économique
vis-à-vis de l’Occident, axe sa stratégie contre Israël sans rechercher les
intérêts des Tunisiens. Cela ne favorise pas l’apaisement et surtout l’arrivée
de touristes au pèlerinage de Djerba qui reste le thermomètre par lequel on
mesure le danger en Tunisie.
Tant que Caïd Essebsi, allié des islamistes tunisiens, sera au pouvoir alors Israël sera voué aux gémonies. Tant qu’aucun ambassadeur israélien ne sera installé en Tunisie, les 55.000 originaires de Tunisie et leurs descendants en Israël bouderont leur terre natale. Encore une fois de plus, le pèlerinage juif de la Ghriba est en panne.
Tant que Caïd Essebsi, allié des islamistes tunisiens, sera au pouvoir alors Israël sera voué aux gémonies. Tant qu’aucun ambassadeur israélien ne sera installé en Tunisie, les 55.000 originaires de Tunisie et leurs descendants en Israël bouderont leur terre natale. Encore une fois de plus, le pèlerinage juif de la Ghriba est en panne.
1 commentaire:
J'y vais et vous dirai !
André M
Tribune juive
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