L’IRAN IMPOSE DES CHANGEMENTS À TSAHAL
Par Jacques BENILLOUCHE
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L’évolution
de la politique américaine vis-à-vis de l’Iran justifie des changements au sein
de la défense israélienne. La condamnation des tirs de missiles iraniens par
Donald Trump ne laisse aucun doute sur la nouvelle politique qu’il compte mener
et qui s’oriente vers une aggravation des relations américano-iraniennes. Il
est probable que l’accord nucléaire avec l’Iran sera révoqué, sinon au moins
amendé, parce que l’Iran persiste à tester ses missiles et à soutenir des
organisations terroristes. La politique d’Obama sera ainsi totalement effacée, quelques semaines à peine après l’entrée en fonction du nouveau président.
Michael Pompeo et Jammes Mattis |
Benjamin Netanyahou est convaincu que l’option militaire n’est plus exclue par
les Américains. Le secrétaire à la Défense James Mattis, le directeur de la CIA
Michael Pompeo et le conseiller à la sécurité nationale Michael Flynn affûtent
leur nouvelle politique, plus belliqueuse.
Certains
experts israéliens estiment qu’il est presque trop tard car l’arme économique
était est la seule efficace pour contrer l’Iran qui a évité l’effondrement de
son économie. Or, trop d'entreprises européennes se sont ruées, sans attendre,
pour reprendre les affaires avec les Iraniens. L’argent n’a pas d’odeur.
D’autres pensent que les Iraniens jouent uniquement à faire peur en brandissant
leur éventuelle bombe nucléaire qu’ils n’envisagent même pas de développer, la laissant à
la rigueur comme projet de dissuasion.
Les
Israéliens ont souvent répété que les sanctions américaines étaient inefficaces
surtout après l’accord nucléaire. Trump est ses conseillers ne l’ignorent pas
mais, contrairement à Barack Obama, ils savent que seul le langage de la force
est compréhensible par les mollahs. Ils n’envisagent nullement de s’allier à l’Iran
pour combattre Daesh parce qu’il est en voie de neutralisation, voire de
désintégration. Face à cette nouvelle donne de tests de missiles, Netanyahou a
demandé à l’État-Major des plans de réorganisation de Tsahal pour en informer Trump
lors de sa visite à Washington.
Amos Gilad |
Premier
concerné, le colonel de réserve Zohar Palti a été nommé pour succéder à Amos
Gilad en tant que directeur de la politique et des affaires politico-militaires.
Cet officier, peu médiatique, a servi au Mossad dans des tâches spéciales liées
au renseignement. Il avait atteint le grade de directeur du renseignement, à un
rang équivalent à celui de général de division. Son principal rôle sera d’être
l’interface entre Jérusalem et Washington pour toutes les affaires sécuritaires.
Le
général Udi Adam avait été nommé en 2014 directeur du ministère de la défense,
après avoir quitté l’armée au lendemain de la seconde guerre du Liban de
2006. Il avait occupé précédemment le
poste de chef de l'installation de recherche nucléaire de Dimona pendant cinq
ans puis celui de chef de l'industrie militaire à partir de 2013. C’est lui qui
a recommandé Zohar Palti à Avigdor Lieberman pour remplacer le général Amos Gilad qui
a officié pendant 13 ans à ce poste en positionnant les relations stratégiques
avec les États-Unis et l'Égypte au sommet de l'échelle des priorités d’Israël. Amos
Gilad, était l’homme des missions sensibles. Il avait négocié avec l’Égypte les
conditions d'une trêve permanente à Gaza.
Il
était devenu l'un des hommes les plus influents d'Israël ce qui ne convenait
pas, bien sûr, à la personnalité de Lieberman. Les relations entre le ministre
de la défense et Amos Gilad ont réussi par miracle à tenir six mois alors
qu’elles étaient devenues orageuses depuis ce jour où le député Lieberman avait
prôné en 2009 d’utiliser l’arme atomique afin de vaincre le Hamas et de bombarder
le barrage d’Assouan en Égypte. Les récents événements ont encore accentué les
divergences entre eux sur les questions relatives à la Russie. L’éviction
d’Amos Guilad pourrait supprimer la séparation qu’il avait imposée entre la
division de la planification et les autres services de l’État-Major de Tsahal.
Missile Khordad-3 |
Pour
contrer la menace iranienne, qui n’a nullement l’intention de remettre en cause
son programme de missiles balistiques, ainsi que celles du Hezbollah et du Hamas, la défense anti-missile israélienne a été pensée
pour être «multicouches». En clair, elle se compose de systèmes
différents pour détecter et intercepter n’importe quel type d’engins, de la
roquette au missile balistique en passant par le missile de croisière. Les
tests répétitifs de missiles iraniens changent la donne à présent. Israël ne
ménage pas ses efforts pour organiser sa défense contre les missiles iraniens
en développant ses propres projets financés en grande partie sur fonds
israéliens.
Dôme de fer |
Le
premier niveau de cette défense repose sur les batteries Dôme de fer qui
ont montré leur efficacité durant la dernière guerre de Gaza. Ce système permet
d’intercepter des roquettes et des obus de mortier, avec la particularité
d’entrer en action seulement si la munition tirée présente une menace
particulière. Pour les roquettes de moyenne à longue portée et les missiles de
croisière, qui figurent dans l’arsenal du Hezbollah la défense israélienne mise
sur la Fronde de David, chargée d’intercepter les roquettes de
moyenne à longue portée et les missiles de croisière volant à une vitesse peu
élevée, comme ceux que possède le Hezbollah.
Fronde de David |
Enfin, la force aérienne
israélienne disposait jusqu’à présent du système Arrow-2 (ou Hetz), capable
d’intercepter des missiles balistiques en phase ascendante. Mais depuis quelques
semaines, la défense antimissile israélienne peut s’appuyer aussi sur le
système exo-atmosphérique Arrow-3, qui a officiellement atteint sa capacité
opérationnelle initiale, après un dernier test effectué en 2015.
Moshé Patel |
Selon
Moshe Patel, le chef de l’Organisation de la défense antimissile d’Israël
(IMDO) : «Aujourd’hui, avec l’Arrow-3, nous entrons dans une
nouvelle ère : l’ère Arrow-3. Nous sommes très fiers de fournir à la force
aérienne israélienne la première capacité initiale de Arrow-3, un programme sur
lequel nous avons travaillé pendant les dix dernières années, en collaboration
avec la MDA [Missile Defense Agency] et avec beaucoup d’aide du Congrès
américain et de l’administration américaine».
Tzvika Haimovich |
Pour
le commandant de la défense aérienne israélienne, le général Tzvika Haimovich,
cette nouvelle étape permet de disposer d’un réseau «multi-niveaux qui
protège Israël contre une contre une gamme complète de missiles et de
roquettes. Nous avons la capacité de faire face aux menaces entrantes au nord
et au sud, qu’elles viennent d’acteurs étatiques ou non». L'armée de l'air
israélienne a reçu ses premiers intercepteurs de missiles balistiques
Arrow 3.
Un
autre haut fonctionnaire de l'IMOD, qui a terminé une carrière de défense
particulièrement longue, est le général de brigade Shmuel Zucker qui a dirigé
l'Administration des achats et de la production de l'IMOD (Manhar), l'un des
plus importants organes d'approvisionnement d'Israël, responsable des achats de
milliards de dollars par an. Zucker a remis les clefs de son administration au
Colonel Avi Dadon. Dans le même temps, le général de brigade Moshe Zin a été
nommé à la tête de la Division Défense-Sociale de l'IMOD. Le départ de Zucker
coïncide avec les soupçons de corruption à l’occasion du contrat d’achat auprès
de l’Allemagne de sous-marins et de navires de guerre.
Tous
ces changements portent la touche d’Avigdor Lieberman qui va dorénavant assurer
les fonctions de son ministère avec des collaborateurs de haut niveau choisis
par ses soins. Jusqu'à présent les officiers en poste avaient été nommés par ses prédécesseurs.
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