LES PALESTINIENS ORPHELINS
D’UN LEADER CRÉDIBLE ET LÉGITIME
Par Jacques
BENILLOUCHE
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Les candidats aux
élections législatives israéliennes du 17 mars 2015 n’abordent pas souvent le
sujet des relations futures avec les Palestiniens mais ce sujet se posera le
jour où ils arriveront au pouvoir. Les medias internationaux, qui commentent la
campagne électorale israélienne, insistent sur l’importance du choix du
prochain premier ministre parce qu’il conditionnera les relations avec les États-Unis
et d’une certaine façon l’avenir même du pays. Si la Gauche et le Centre
envisagent des discussions avec les Palestiniens, ils sont réticents à cautionner des négociations avec Mahmoud Abbas dans la mesure où il a perdu sa crédibilité de leader
incontestable et où il persiste à occuper un poste dans l’illégalité.
Illégalité
Abdel Aziz Dweik |
Mahmoud Abbas fêtera ses 80 ans le 26 mars et, fumeur
invétéré, sa santé reste très fragile selon les informations puisées auprès des
hôpitaux jordaniens. Il n’est certes pas éternel mais sa succession n’est pas
préparée parce qu’il refuse d’abandonner les rênes du pouvoir et les avantages
qui lui sont associés. Il gouverne en pleine illégalité puisqu’il ne respecte
pas l’article 37 de la constitution qui a statué à son sujet : «Si le poste
du président de l'Autorité nationale devient vacant, le Président du Conseil
législatif palestinien doit assumer temporairement les pouvoirs et les
fonctions de la présidence de l'Autorité nationale pour une période n’excédant
pas soixante jours, au cours de laquelle des élections libres et directes pour
élire un nouveau président doivent avoir lieu conformément à la loi électorale
palestinienne».
Siège du Conseil Palestinien à Ramallah |
Cette loi a été totalement
bafouée. Les élections au Conseil législatif palestinien datent du 25 janvier 2006
alors que les précédentes s’étaient tenues en 1996. Trois clans avaient alors
participé à ces élections, le Fatah, le Hamas et une «troisième voie à la
majorité silencieuse palestinienne». Avec un taux de participation de
77,6% des 1,35 million d'électeurs
inscrits, les résultats officiels ont donné au Hamas la majorité absolue au
Parlement palestinien avec 74 sièges contre 45 pour le Fatah et 13 sièges pour
les divers partis. Ces résultats n’ont pas été du bon goût des Américains. En mars
2008, le journal américain Vanity Fair avait publié des documents qui
prouvaient que les États-Unis ont tenté d'évincer le Hamas après sa victoire aux
élections, en armant une force palestinienne menée par des partisans du Fatah
et dirigée par Mohamed Dahlan.
Haniyeh, Abbas et Dahlan |
De nombreuses voix se sont élevées
sur la légitimité de ce Conseil dont la présidence a été donnée à Abdel Aziz Dweik,
militant du Hamas qui devrait être normalement à la place de Mahmoud Abbas,
arrivé en fin de mandat. On envisage mal
la perspective qu’un tel islamiste puisse être à la tête de l’Autorité palestinienne alors
qu’il a fait l’objet de plusieurs arrestations de la part des Israéliens qui ne
le voient pas rechercher une solution pacifique du conflit
israélo-palestinien.
Écarter les jeunes loups
Mahmoud Abbas s’accroche à un
pouvoir solitaire, sans la nomination d’un vice-président qui pourrait le
remplacer le cas échéant. Il fait le vide autour de lui, surtout quand il
s’agit d’éliminer les jeunes loups ambitieux. La gérontocratie est pérenne chez
les Palestiniens. Des préoccupations internes aux Palestiniens avaient poussé
le Fatah à signer un accord de réconciliation avec le Hamas pour mettre fin à
leur brouille de sept ans.
Tout sauf Dahlan avait imposé Mahmoud Abbas même si les pourparlers de paix avec Israël devaient trinquer. Le président de l’Autorité avait mal pris le défi que lui avait lancé Mohamed Dahlan, ancien chef des services de sécurité et ancien homme fort de Gaza, qui s’était allié avec l’Égypte, les Émirats arabes Unis et le Qatar. Le nouveau régime du Caire s’inquiétait en effet de trouver un remplaçant au vieux président palestinien dans le contexte des relations tendues avec le Hamas. Cette alliance, qui cherchait à réinsérer l’influence du Fatah à Gaza, a précipité la convergence entre le Fatah et le Hamas.
Accord Fatah-Hamas |
Tout sauf Dahlan avait imposé Mahmoud Abbas même si les pourparlers de paix avec Israël devaient trinquer. Le président de l’Autorité avait mal pris le défi que lui avait lancé Mohamed Dahlan, ancien chef des services de sécurité et ancien homme fort de Gaza, qui s’était allié avec l’Égypte, les Émirats arabes Unis et le Qatar. Le nouveau régime du Caire s’inquiétait en effet de trouver un remplaçant au vieux président palestinien dans le contexte des relations tendues avec le Hamas. Cette alliance, qui cherchait à réinsérer l’influence du Fatah à Gaza, a précipité la convergence entre le Fatah et le Hamas.
Le Hamas s’est donc trouvé face à un
dilemme. Il avait beaucoup à perdre d’un retour de l’ancien homme fort éjecté
de Gaza en 2007. Mais par ailleurs
Dahlan était à même de réduire la pression de l’Égypte et d’améliorer les
relations avec le Caire. Il pouvait surtout résoudre les problèmes économiques
du Hamas grâce à l’argent en provenance des pays du Golfe. C’est ainsi que le
Hamas avait facilité l’entrée à Gaza de proches partisans de Dahlan et le
fonctionnement d’organisations de bienfaisance gérées par sa femme et financées par l'Union européenne.
Mahmoud Abbas avait contrecarré cette stratégie en signant rapidement l’accord avec le Hamas mettant ainsi un terme aux projets de Dahlan et imposant le versement des aides économiques entre ses mains. Il avait par ailleurs interdit, dans le camp palestinien d’Aïn al-Helweh au Liban, l'organisme de bienfaisance dirigé par la femme de Dahlan et avait commandité le meurtre, par un groupe pro-Hezbollah, du commandant d'une faction qui avait escorté Jalila Dahlan.
Jalila Dahlan |
Mahmoud Abbas avait contrecarré cette stratégie en signant rapidement l’accord avec le Hamas mettant ainsi un terme aux projets de Dahlan et imposant le versement des aides économiques entre ses mains. Il avait par ailleurs interdit, dans le camp palestinien d’Aïn al-Helweh au Liban, l'organisme de bienfaisance dirigé par la femme de Dahlan et avait commandité le meurtre, par un groupe pro-Hezbollah, du commandant d'une faction qui avait escorté Jalila Dahlan.
Relations avec les pays arabes
La décision de réconciliation du
président de l’Autorité a ruiné les relations avec les Émirats arabes unis et
provoqué les mesures drastiques imposées par l’Égypte à sa frontière avec Gaza,
à savoir la destruction des rares tunnels encore en fonctionnement et la
création d’une zone de no man’s land par la destruction de milliers
d’habitations civiles. La convergence entre Abbas et le Hamas, même temporaire
et limitée, avait pour but d’interdire l’installation de Dahlan à Gaza. Ces
gesticulations palestiniennes ont surtout prouvé que le processus de paix
n’était pas la priorité au Moyen-Orient, et encore moins celle de l’Autorité
palestinienne.
Destructions à Rafah par l'Egypte |
Mais Mahmoud Abbas, et c’est sa
lacune, n’a pas de solution de rechange pour son remplacement. Il donne
l’impression de favoriser l’adage : après moi le déluge. Les
Occidentaux avaient un certain moment pensé à l’ancien premier-ministre Salam
Fayyad, nommé en 2007, dont les compétences économiques avaient été remarquées
puisqu’il avait été l’instigateur d’une croissance forte palestinienne. Il
bénéficie d’une aura auprès des Américains et de la Banque Mondiale, ainsi que
d’un jugement favorable de la population. Mais Abbas avait pris ombrage de sa
popularité et avait tout fait pour l’éliminer en 2013.
Salem Fayyad et Abbas |
Deux autres dirigeants sont sur les rangs pour la
présidence. Marwan Barghouti purge une peine de prison à vie mais il dispose de
bons contacts avec les Israéliens. Il a par deux fois refusé d’être élargi dans
le cadre d’échanges de prisonniers car il ne voulait pas être considéré comme «une
marchandise». Il voulait être libéré sur une décision unilatérale du
gouvernement israélien, à la manière de Nelson Mandela.
Marwan Barghouti et Arafat |
Le deuxième candidat éventuel est le chef des
renseignements palestiniens depuis 2009, Majid Faraj, qui est le préféré des
Israéliens et des Américains parce qu’ils l’ont vu à l’œuvre lorsqu’il avait
sauvé les négociations israélo-palestiniennes du Caire après avoir été désigné
pour représenter «toutes les factions palestiniennes au Caire». Faraj a été un
négociateur pragmatique, gagnant le respect des Israéliens et des Américains
lors des réunions.
Majid Faraj à droite de Saeb Erekat |
Né et élevé dans le camp de réfugiés de Dheisheh près de
Bethléem, il a été membre du Fatah depuis l'enfance. Il a fréquenté le
mouvement de jeunesse du parti pendant ses études à l'université, où il a fait
ses armes en tant qu'organisateur à Al Qods Open University. Il a eu ses
premières expériences politiques comme l'un des leaders locaux de la
première Intifada ce qui lui valut
d’être plusieurs fois emprisonné. Au
début du processus d'Oslo de 1993, Faraj est entré dans les services palestiniens
de sécurité préventive pour devenir le chef de la division de Bethléem au cours
de la seconde Intifada. En 2009, il a
été désigné pour diriger la totalité des services de renseignements. Un
palestinien comme Faraj, disposant de la confiance de Mahmoud Abbas, du respect
des Américains et des Israéliens, dirigeant un organisme détenant des
informations confidentielles sur tous les acteurs politiques en Cisjordanie,
pourrait être un bon successeur. Mais il ne semble pas avoir le charisme d’un
dirigeant politique capable de s’élever au sommet.
En fait les candidats possibles, hormis Dahlan, n’osent
pas se prononcer de crainte d’être mis à l’écart. Ils préfèrent donc attendre
l’incapacité, la mort ou la démission de Mahmoud Abbas. Le Fatah et le Hamas
ont ainsi entraîné une paralysie totale de la gouvernance palestinienne. Pour
Israël, rechercher un accord de paix avec les Palestiniens relève donc de
l’illusion. Les Israéliens suggèrent que les pays arabes et les États-Unis organisent plutôt la succession politique de
Mahmoud Abbas pour que le processus de paix ait une chance d’être négocié et
signé par une autorité incontestable. Les candidats aux élections législatives
israéliennes l’ont compris puisqu’ils se refusent à aborder le sujet tant que
Mahmoud Abbas est installé au pouvoir. Les Palestiniens sont orphelins d’un
leader crédible et légitime.
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