COMMENT ISRAËL A SANS CESSE EXAGÉRÉ LA MENACE NUCLÉAIRE IRANIENNE
Par Jacques Benillouche
copyright © Temps et Contretemps
À l’heure où Benjamin Netanyahou
se lance le 3 mars 2015 dans un discours à la Chambre des Représentants, en
pleine campagne électorale, le sujet de l’Iran revient sur le tapis. Il nous refait le coup de la menace nucléaire. C’est le
seul argument qu’il ait trouvé pour mobiliser son électorat israélien qui fuit vers d’autres
horizons tandis que les sondages indécis
ne lui assurent pas, pour l’instant, une victoire décisive.
Kahlon avec le général de réserve Yoav Galant |
Alors que les sujets
économiques et sociaux sont débattus par ses adversaires, il pense que les
sujets sécuritaires pourraient faire la différence estimant que les listes de
gauche et centristes ont des lacunes en la matière malgré la présence en leur
sein d’anciens généraux qui ont occupé de hautes fonctions à l’armée. Il estime
que : «Le congrès américain est le dernier frein à un accord avec l’Iran. Si l’accord est signé, l’Iran aura la
possibilité de produire la bombe atomique. Il est de mon devoir de Premier
ministre de tout faire pour empêcher la signature de cet accord.»
En fait Netanyahou agite à nouveau le chiffon rouge pour mettre en
garde les électeurs, non pas contre l’Iran, mais contre les «gauchistes»
qui ne seraient pas capables de constituer un
gouvernement fort. Il sait pourtant qu'il ne pourra jamais s'aventurer dans une opération contre l'Iran sans le concours des Etats-Unis qui ne sont pas partants pour l'instant. Mais c’est une arme qu’il a utilisée plusieurs fois et les
électeurs ne sont pas dupes car des hauts dirigeants militaires et sécuritaires
israéliens, ainsi que des membres de l’État-Major, sont là pour mettre les choses
au point et recadrer les problèmes à leur juste niveau. Les électeurs ne
tomberont pas à nouveau dans le piège.
Le point sur cette question avait déjà été fait en juillet 2014 dans un article qui n’a pris aucune ride.
Le point sur cette question avait déjà été fait en juillet 2014 dans un article qui n’a pris aucune ride.
Article
intégral publié par Jacques BENILLOUCHE
Slate.fr, le 8 juillet 2014
Contrairement aux menaces à
peine voilées et rumeurs distillées dans la presse, le gouvernement israélien
n’a jamais eu l’intention d’attaquer l’Iran. Il cherchait avant tout à obtenir
des concessions américaines en échange d’une soi-disant retenue et à mobiliser
l’opinion publique israélienne face à une menace très exagérée.
Barak-Netanyahou |
Les langues commencent à se délier et certains généraux israéliens
révèlent la véritable stratégie mise en place par l’ancien ministre de la
défense, Ehud Barak, et appliquée par le premier ministre Benjamin Netanyahou.
Elle s’inspire de l’adage latin «Si vis pacem, para bellum» (Qui veut la
paix prépare la guerre). Des sommes faramineuses ont été dépensées par Ehud
Barak pour accréditer l’idée qu’une guerre était imminente avec l’Iran et la
presse a été la première victime de cette intoxication alors qu’il n’a jamais
été dans les intentions d’Israël de se lancer dans une guerre d’aventure contre
l’Iran.
Il s’agissait de sensibiliser les Occidentaux sur les risques qu’ils couraient à laisser l’Iran poursuivre son programme d’armement nucléaire et de détourner l’attention du conflit palestinien. Cette politique a permis à Benjamin Netanyahou de sanctuariser le budget de la défense et de neutraliser les oppositions à sa politique au nom d’une union nationale face au danger que courrait Israël.
Il s’agissait de sensibiliser les Occidentaux sur les risques qu’ils couraient à laisser l’Iran poursuivre son programme d’armement nucléaire et de détourner l’attention du conflit palestinien. Cette politique a permis à Benjamin Netanyahou de sanctuariser le budget de la défense et de neutraliser les oppositions à sa politique au nom d’une union nationale face au danger que courrait Israël.
Désinformation
Pour rassurer la population
israélienne et convaincre le gouvernement de Jérusalem de ne pas bombarder
l’Iran, les États-Unis ont été amenés à financer une part du budget israélien de
la défense qui n’a pas diminué, au contraire, alors que tous les autres
secteurs, le secteur social en particulier, ont souffert d’une diminution des
dotations financières. Le ministre israélien de la Défense, Ehud Barak, faisait
savoir qu’il était hors de question de baisser le budget de son ministère à
cause… du danger iranien.
Méïr Dagan |
L’ancien chef du Mossad en poste pendant dix ans, Meir Dagan, a été le
premier en 2010 avec les principaux chefs militaires et les responsables des
services de sécurité à s’opposer ouvertement à son gouvernement en refusant de
préparer une pseudo attaque militaire contre les sites nucléaires iraniens
sachant qu’elle n’aurait pas lieu. Le chef d’État-major de l’époque, Gaby
Ashkenazi, avait de son côté déclaré qu’une telle attaque serait «une erreur
stratégique».
Aucun rapport ne donnait d’ailleurs d’indication sur la décision réelle d’une frappe ni sur son aspect imminent. Mais le chef d’État-major n’avait pas compris que l’exigence du gouvernement de mettre l’armée en état d’alerte «P-Plus», le plus haut niveau, ne signifiait pas la guerre imminente. Il fallait simplement inquiéter la population israélienne et les alliés occidentaux. Israël était depuis longtemps convaincu de la difficulté d’une frappe contre les installations nucléaires iraniennes parce qu’elles sont dispersées et enterrées sous des tonnes de béton et d’acier.
Gaby Ashkenazi |
Aucun rapport ne donnait d’ailleurs d’indication sur la décision réelle d’une frappe ni sur son aspect imminent. Mais le chef d’État-major n’avait pas compris que l’exigence du gouvernement de mettre l’armée en état d’alerte «P-Plus», le plus haut niveau, ne signifiait pas la guerre imminente. Il fallait simplement inquiéter la population israélienne et les alliés occidentaux. Israël était depuis longtemps convaincu de la difficulté d’une frappe contre les installations nucléaires iraniennes parce qu’elles sont dispersées et enterrées sous des tonnes de béton et d’acier.
L’Iran n’est pas prêt d’avoir la bombe
Dès son départ du Mossad qui le
libérait du devoir de réserve, Meir Dagan, avait averti qu’une telle opération
de frappe pourrait conduire à une plus grande guerre au Proche-Orient et estimé
que bombarder l’Iran était «l’idée la plus stupide». Cette frappe
n’avait d’ailleurs pour Dagan aucune utilité et il l’avait confirmé à la
commission des affaires étrangères et de la défense de la Knesset en expliquant
que l'Iran n'aura pas la capacité nucléaire avant 2015. Dagan a terminé son
mandat en confirmant que l’Iran était encore loin de produire des armes
nucléaires et qu’une série de dysfonctionnements l’avait mis hors de son
objectif nucléaire pour plusieurs années.
Il est certain que les
évaluations du renseignement israélien sur la capacité nucléaire de l'Iran ont
changé durant le mandat de Dagan. En 2003, les responsables du renseignement
israéliens pensaient que l’Iran aurait sa première bombe en 2007. En 2007 ils
ont repoussé le délai à 2009, et un an plus tard ils l'ont décalé à 2011.
Maintenant, la date a été déplacée à 2015. Ces ajustements ne sont pas le
résultat d’évaluations erronées, mais les conséquences des difficultés
rencontrées par l’Iran dans l'avancement de son programme, en grande partie en
raison des coups portés par le Mossad et de l’application des sanctions
économiques. Mais l’ancien chef du Mossad n’a volontairement pas été entendu
parce que la stratégie de Barak incluait des tactiques alarmistes sur le
programme nucléaire iranien.
Certains militaires, Uzi Eilam
en particulier, avouent avoir été bernés. Le général de réserve, qui a dirigé
pendant une décennie la Commission israélienne de l'énergie atomique, ne croit
plus que l’Iran soit à la veille d’obtenir sa bombe nucléaire. Il doute même à
présent que Téhéran ait encore la volonté d’un construire une. Il confirme que
la stratégie de Barak était d’utiliser des informations alarmistes pour
poursuivre les objectifs politiques qu’il s’était fixés. Selon lui: «Le
programme nucléaire iranien ne sera opérationnel que dans 10 ans et je ne suis
pas sûr que l'Iran veuille la bombe». Uzi Eilam sait de quoi il parle. Il a
toujours été au cœur des mécanismes secrets de la sécurité israélienne.
Cette prise de position est
corroborée par les indiscrétions actuelles d’officiers généraux en activité. «Une
frappe sur les installations nucléaires de l'Iran serait en la salve
d'ouverture menant à une guerre totale.» Le général Eilam détient des
éléments probants pour afficher sa certitude car il a été impliqué dans le
programme nucléaire d’Israël et dans le développement des missiles en tant que
chef de l'administration de l'armée israélienne pour le développement des armes
et de l’infrastructure technologique (connu en Israël par son acronyme hébreu,
MAFAT). Ce département de recherche et développement est à la base des
réalisations des armes les plus perfectionnées.
Il affirme que la route pour une arme nucléaire iranienne est encore
très longue: «Après avoir été impliqué dans de nombreux projets
technologiques, j'ai appris de manière pragmatique que les choses prennent du
temps. Netanyahou et d'autres dirigeants politiques ont introduit une peur
inutile dans les cœurs de la population israélienne.» Le général Eilam est
persuadé que l’Iran est par ailleurs prêt à jouer le jeu politique en se
séparant de la moitié de son uranium enrichi à 20% en raison des sanctions
économiques qui affaiblissent Téhéran.
Il semble que les langues se
délient volontairement aujourd’hui pour préparer un revirement de la stratégie
israélienne vis-à-vis de l’Iran. Il s’agit de montrer que ce pays n’est plus
aussi dangereux qu’on a voulu le dire ou le croire. Israël rejoint ainsi la stratégie
d’Obama consistant à négocier avec le président Rohani parce que le nouvel
ennemi désigné est l’EIIL (État islamique en Irak et au Levant). Pour les
Américains, l’alliance avec les chiites d’Iran devient donc une nécessité pour
barrer la route aux djihadistes sunnites.
Le général Eilam a abordé avec
franchise ce revirement politique face au nucléaire iranien: «Les principaux
problèmes sont encore devant nous, mais il est certainement possible d'être
optimiste en donnant une chance sérieuse au processus diplomatique Et je ne
suis même pas sûr que l'Iran voudrait la bombe. Il pourrait devenir une
puissance régionale chargé d'intimider ses voisins.»
Le mot est dit. Barack Obama
projette de réaliser dans l’avenir une alliance avec l’Iran et Israël, et peut-être
l’Égypte, pour mettre fin au danger djihadiste. D’ailleurs le général Eilam
n’hésite pas à accuser directement Netanyahou : «Netanyahou utilise la
menace iranienne pour atteindre une variété d'objectifs politiques. Ses
déclarations font peur inutilement aux citoyens d'Israël, étant donné qu'Israël
n'est pas partie prenante dans les négociations qui déterminent si l'Iran sera
contraint ou non de démanteler son programme nucléaire.»
Tamir Pardo |
De hauts dirigeants militaires
ne semblent plus tenus au devoir de réserve parce que Netanyahou a besoin
aujourd’hui de justifier la thèse selon laquelle l’Iran ne représente plus une
menace mortelle pour Israël. Le patron actuel du Mossad, Tamir Pardo, est à
l’unisson en déclarant que «le programme nucléaire de l'Iran n'est pas une
menace existentielle». Il a affirmé que la principale menace pour Israël
est le conflit avec les Palestiniens et la dérive des djihadistes: «Oui, la
plus grande menace est la question palestinienne.» Son discours confirme
ainsi qu’il ne partageait pas l'urgence
dans les discours de Benjamin Netanyahu sur le programme nucléaire de Téhéran.
Il a énuméré les menaces qui
pèsent sur Israël, y compris une prise de contrôle de certaines parties de
l'Irak par l'EIIL et les menaces contre la Jordanie : «C'est un problème
préoccupant pour Israël. Cette organisation est là pour rester et elle mystifie
le public en apportant un bien-être à la population et en développant le
système éducatif. Le Hamas est une organisation légère en comparaison.»
Lors d’une réunion privée, d’autres généraux en activité ont confirmé
que l’Iran est sorti des radars israéliens parce qu’il fallait se préparer à
affronter les djihadistes qui campent déjà aux frontières du Golan. Cela
explique la relative modération dont l’armée israélienne a fait preuve dans les
représailles contre le Hamas. D’abord, il n’est pas prouvé que le Hamas soit
directement responsable de l’assassinat des trois jeunes étudiants talmudiques
à Hébron et d’autre part, le départ du Hamas de la gouvernance de Gaza pourrait
ouvrir la porte à un gouvernement radical plus déterminé, dirigé par les
djihadistes.
5 commentaires:
Monsieur Bennilouche. Ne laissez pas votre haine viscérale de la droite dépasser le fait que l'Iran est le plus terrible des ennemis à la fois d'Israël et de l'Occident. Je ne vais pas vous faire la list (des mensonges à l'IEA, en passant par les 100 juifs assassinés à Buenos Aires, les attentats dans le monde entier, la guerre du Liban, le Hezbollah, le Hamas,...). Au total, des milliers de morts juifs qui seraient vivants sans l'Iran des ayatollahs. Vous savez pertinament que les Perses sont autrement plus éduqués et capables que les va nus pieds sunnites. Ce n'est pas parce que l'on n'a pas attaqué l'Iran et laissé planer le doute quant à une attaque que l'Iran n'est pas LA menace existentielle pour le peuple juif.
Dormez braves gens en Israel, votez à gauche puisque JB vous dit que l'Iran n'est pas une menace...
Cher Monsieur Spira,
Mon article est constitué de faits et de citations qui ne sont pas de mes inventions. A la rigueur le chapeau de l'article dénote effectivement ma mauvaise humeur de voir Netanyahou utiliser la tribune du Congrès pour sa propre campagne électorale.
Pour le reste, j'ai cité Benjamin Netanyahou, Meïr Dagan, Gaby Ashkenazi, Uzi Eilam, et Tamir Pardo qui sont des hauts dirigeants sécuritaires autrement plus importants qu’un simple journaliste d’opinion. Vous devriez leur transmettre votre accusation de "haine viscérale" de la droite. Je n'ai jamais dit que l'Iran n'est pas une menace mais ce sont ces personnages qui le disent et mon incompétence sécuritaire me pousse à les croire..
Vous devriez mieux lire mes articles en profondeur et non pas en diagonale.
En tout état de cause, n'est-ce-pas la démocratie que de permettre à tout citoyen de voter selon sa conscience même si ce n'est pas dans votre sens.
Bonsoir
Merci pour votre article, tout cela ressemble à un jeu de intox et désintox.
Il n'est pas certain d'ailleurs que derrière les apparents enjeux électoraux il n'y ait pas
également de la géostratégie.
Mais n'aviez vous pas vous même affirmé que l'Iran avait déjà l'arme nucléaire?
Cordialement
Cher Monsieur Bennilouche,
Merci pour votre réponse mais lui ausssi est un expert:
http://www.israelhayom.com/site/newsletter_article.php?id=23781
Et ce qu'il nous annonce est terrifiant: 400 facilités nucléaires réparties sur tout le territoire iranien avec impossibilité de tout contrôle de l'IEA. Les iraniens mentent à la communauté internationale depuis 30 ans et Obama va créer les conditions d'un Auschwitz 2 ? Non merci.
N'oubliez pas que les mollahs appuieront sur le bouton en disant que c'est Allah qui a guidé leur main. Alors Bibi ou Livni au pouvoir, les prix de l'immobilier plus hauts ou plus bas ainsi que le prix du cream cheese n'auront aucune importance comparée au désastre et à la désolation atomiques.
Monsieur Spira,
Loin de toute polémique, je m’adresse respectueusement à vous pour vous faire remarquer que J B, comme vous le paraphez, n’est autre qu’un journaliste de premier ordre, qui ne fait que son travail en toute objectivité, et sans jamais prendre aucun parti !
Pour ce qui vous concerne, il ne me parait pas que vous en fassiez autant, si j’en juge par les propos que vous énoncez. Quel passé « plus ou moins », avez-vous de la politique ?
Par ailleurs, et en tant que latiniste, je me permets de souligner le fait qu’avant d’écrire, vous devriez vérifier votre orthographe ainsi que la syntaxe de la langue de Voltaire.
Je reste à votre « disposition » pour une éventuelle joute épistolaire si toutefois vous le souhaitez.
Bien à vous,
Claude
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