BON VENT AU GOUVERNEMENT PALESTINIEN
Par
Jacques BENILLOUCHE
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Les membres du
nouveau gouvernement palestinien, à l’exception de ceux qui se trouvent bloqués
à Gaza, ont prêté serment ce lundi 2 juin à la Mouqata, le palais présidentiel,
devant Mahmoud Abbas. Après un petit épisode volontairement empreint de
dramaturgie, le Hamas a fini par accepter d’une part, le nom du ministre des
affaires étrangères imposé par l’OLP et d’autre part, la suppression du
ministère des prisonniers dont les attributions ont été transférées au premier
ministre.
Ministres
alliés de Mahmoud Abbas
Le nouveau
gouvernement de 17 membres, censé n’inclure que
des technocrates, comprendra huit membres qui garderont leur ancienne
attribution et qui sont des proches et des alliés de Mahmoud Abbas. C’est ce
dernier qui a choisi les titulaires des postes ministériels et il est donc
difficile de croire que le Hamas ait pu influencer en quoi que ce soit sa
formation. Rami Hamdallah restera premier ministre et Ziad Abou Amr sera le
vice-premier ministre et ministre de la culture. Riyad al-Maliki, qui avait été
la cause d’un ultime blocage, garde son poste aux affaires étrangères Les
nouveaux ministres occuperont des postes secondaires.
Riyad Al-Maliki |
Le secrétaire
d'Etat américain John Kerry avait eu un entretien téléphoné dimanche 1er
juin avec Mahmoud Abbas pour le prévenir que l'administration Obama jugerait le
nouveau gouvernement sur ses actes et en particulier sur le respect des
engagements internationaux palestiniens précédemment signés. Il lui a
recommandé à nouveau d’éviter d’inciter au terrorisme et de s'abstenir de toutes
formes de violence. Le président de l’Autorité a pointé du doigt le fait que
les nouveaux ministres ont été nommés par lui et qu’ils se conformeraient donc aux
exigences américaines.
Abbas et le premier ministre Hadallah |
John Kerry a
décidé d’adopter une position attentiste en raison du blocage du processus de
paix, espérant que de nouvelles initiatives seraient prises par le gouvernement
de consensus. Il sait que Benjamin Netanyahou ne reconnaîtra jamais une équipe
qui comprend des islamistes de Gaza sachant que : «Le Hamas est une
organisation terroriste qui vise la destruction d'Israël. Un tel gouvernement ne soutiendra pas la
paix, mais renforcera la terreur». Le premier ministre israélien ne
comprend pas pourquoi les dirigeants européens avaient des paroles amicales
pour les terroristes palestiniens, au moment même où des actions islamistes antisémites
étaient organisées à Bruxelles.
Il est par ailleurs convaincu que l'administration Obama n'a pas
l'intention de mettre en place une lutte contre le dialogue avec le Hamas,
malgré son bilan terroriste. Il sent qu’Obama a l’intention de jouer à fond la
carte du nouveau gouvernement palestinien. En fait, les Etats-Unis ont annoncé leur intention de collaborer avec le nouveau gouvernement et de maintenir leur aide à l'Autorité. "A la lumière de ce que nous savons, nous travaillerons avec ce gouvernement", a déclaré Jennifer Psaki, porte-parole de la diplomatie américaine, soulignant que le gouvernement palestinien ne comptait "aucun membre affilié au Hamas".
De son côté, Benjamin Netanyahou a décidé de ne pas adopter de position extrême puisqu’il ne compte pas suspendre les transferts de fonds à Ramallah et maintient la coopération avec les services de sécurité palestiniens.
De son côté, Benjamin Netanyahou a décidé de ne pas adopter de position extrême puisqu’il ne compte pas suspendre les transferts de fonds à Ramallah et maintient la coopération avec les services de sécurité palestiniens.
Menace
pour la coalition
Yaron Ezrahi |
Yaron Ezrahi,
professeur émérite de sciences politiques à l'Université hébraïque, a déclaré que
la réconciliation palestinienne posait un défi à Netanyahou et à sa coalition au
pouvoir car selon lui : «Ce gouvernement est une grande menace pour les
politiques de refuzniks du gouvernement de droite israélien, parce que l'excuse
que Abou Mazen ne représente pas les Palestiniens, ou que le gouvernement est
la moitié de la nation palestinienne est en train de s'effondrer».
Bien sûr, ce
gouvernement est censé n’avoir aucun pouvoir politique puisqu’il se bornera à
organiser les élections de 2015 et à gérer les affaires courantes. D’ici là,
beaucoup d’eau aura coulé sous les ponts. Mais il aura à prouver qu’il a repris sa
souveraineté sur Gaza ce qui ne semble pas réalisable dans l’immédiat d’après
les observateurs israéliens. Selon le ministre Youval Steinitz, les Israéliens
attendent que l’Autorité palestinienne prenne sous son contrôle les 12.000
missiles et roquettes détenus par le Hamas. D’ailleurs le souhait de Benjamin
Netanyahou est clair : «Si le nouveau gouvernement palestinien a
retrouvé sa souveraineté sur Gaza, la première chose que Mahmoud Abbas devrait
faire, c'est annoncer qu'il est en train de démilitariser la bande de Gaza».
Brigade Ezzedine Al-Qassam |
Les Israéliens n’imaginent
pas le Hamas et le Fatah puissent se mettre d'accord sur les conditions
d'organisation d'élections libres en Cisjordanie et dans la bande de Gaza pour
un nouveau parlement. Ils ne voient pas le Hamas renoncer à son contrôle de la
bande de Gaza et abandonner à l’Autorité son bras militaire autonome, la brigade
Ezzedine Al-Qassam. D’ailleurs Moussa Abou Marzouk, vice-président du bureau
politique du Hamas, a déclaré dans une interview à la télévision Al Jazeera
que
le Hamas conservera ses pouvoirs de contrôle sur les armes de l'organisation.
Le grand gagnant
reste assurément le Hamas qui, avec cet accord, gagne en respectabilité politique
et en légitimité internationale vis-à-vis de l’Iran et de la Russie au moment
où il a perdu ses alliés au Caire et à Damas. Saura t-il exploiter cette
situation à des fins pacifiques ou guerrières ?
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