LIGUE
ARABE : UNE INSTITUTION FAIBLE OBSOLÈTE
Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps
La
Ligue Arabe s’est volontairement affaiblie au point de devenir une institution
obsolète. Au lieu de rassembler, comme à l’époque où les pays arabes étaient monolithiques,
elle est devenue le champ clos d’affrontements idéologiques et le lieu où se
révèlent les divergences entre clans. Elle souffre de l’absence à sa tête d’un
leader charismatique capable de s’imposer et d’imposer ses idées comme naguère
le président d’Égypte.
Trois pays pour un siège
Aujourd’hui
trois pays se combattent à fleuret moucheté pour occuper le siège de leader :
l’Arabie, le Qatar et la Turquie bien que ce dernier ne soit pas membre à part
entière mais seulement observateur depuis 2011. Il est probable aussi que les déviations de la Ligue ont été mal acceptées, en
particulier la décision d’intégrer en son sein des pays non arabes, le Brésil
en 2002, le Venezuela en 2006 et l’Inde en 2007. La Ligue s’éloignait ainsi de
ses principes fondateurs qui visaient à affirmer l'unité de la «nation»
arabe et l'indépendance de chacun de ses membres.
À trop vouloir rassembler, elle a perdu de sa spécificité car elle s’est transformée peu à peu en une organisation regroupant tous les pays hostiles à Israël. Dans sa dernière interview à une télévision turque Ulusal, le 4 avril 2013, Bachar al-Assad a d’ailleurs enfoncé le clou en estimant que : «La Ligue arabe manque de légitimité. C'est une Ligue qui représente les États arabes et non pas les peuples arabes».
À trop vouloir rassembler, elle a perdu de sa spécificité car elle s’est transformée peu à peu en une organisation regroupant tous les pays hostiles à Israël. Dans sa dernière interview à une télévision turque Ulusal, le 4 avril 2013, Bachar al-Assad a d’ailleurs enfoncé le clou en estimant que : «La Ligue arabe manque de légitimité. C'est une Ligue qui représente les États arabes et non pas les peuples arabes».
Les dirigeants
israéliens cachent mal leur satisfaction de voir que les participants aux différents
sommets de la Ligue Arabe se séparent souvent sans consensus sur la politique à
suivre face à Israël. Le 24e sommet de la Ligue arabe s'est terminé une journée
plus tôt que prévu, le mardi 26 mars 2013 à Doha, face aux problèmes rencontrés
et non résolus. Israël s’attendait certes à ce résultat car ces réunions ont
toujours été stériles parce qu’elles privilégient le verbe et non les projets.
Les pays arabes eux-mêmes n’y croient plus puisque de moins en moins de pays
envoient des délégués de haut niveau. Ils
sont la plupart du temps représentés par leurs ambassadeurs.
Malédiction du pétrole
Ces réunions ont tendance à révéler au grand
jour les intérêts contradictoires de membres qui n’hésitent plus d’ailleurs à fustiger
cette situation. On se souvient de la mise en garde du colonel Kadhafi, qui s’était
élevé contre les délégués : «les
sommets arabes ne prennent pas de décisions. Arrêtons de parler et passons à
l’acte». L’émir du Qatar avait aussi abondé dans son sens : «ne cherchons
pas à faire endosser la
responsabilité aux autres, ne cherchons pas dans l’existence d’Israël les
raisons de nos inerties». Il est vrai que les actions concrètes de la
Ligue, leitmotiv des dirigeants arabes, n’ont pas vu le début d’une réalisation.
La Ligue Arabe est face à un miroir qui reflète une réalité dramatique devant
l’absence de solutions pour régler les problèmes communs économiques, sociaux
et politiques.
L'émir du Qatar et le roi d'Arabie |
Les
causes essentielles proviennent de la malédiction de la profusion des ressources
naturelles des pays arabes dont le paysage épouse parfaitement celui de régimes
généralement dictatoriaux, souvent féodaux et parfois sanguinaires. Cet
aréopage de potentats cultive l’appropriation du pouvoir par la force et la
contrainte pour rejeter toute forme de démocratie. La Ligue Arabe accentue la
volonté hégémonique des propriétaires pétroliers de faire le jeu des
occidentaux, qui se garderaient bien de changer la donne. Certains membres sont
conscients que cette puissance financière, doublée d’une puissance
démographique, n’a rien fait pour concrétiser des projets ambitieux dans la
technologie, dans le développement économique et dans le bien-être social. Le
seul lien qui les unit, bien maigre, est le passeport anti israélien qui passe
par le déni d’existence de l’État juif.
Les
occidentaux ne sont pas exonérés de responsabilité. Ils manquent de volonté
pour faire changer les choses car les régimes dictatoriaux ne sont pas en
contradiction avec leurs intérêts fondamentaux. Ils leur confèrent le droit à
une exploitation tranquille des ressources naturelles puisque seuls les pays
forts, donc stables, peuvent s’opposer à toute sorte de revendication
révolutionnaire. Les révolutions arabes ont mis en évidence les lacunes d'une gouvernance faible.
Manque de leadership
La
Ligue Arabe souffre d’un manque de leadership. Jusqu’alors la tâche incombait
à l’Egypte qui aurait été la seule
capable d’élaborer une stratégie commune pour faire de cette organisation une
puissance régionale en mesure d’imposer ses vues sur les dossiers brûlants du Proche-Orient.
Mohamed Morsi, en difficulté dans son propre pays, mène une politique se
voulant équilibrée vis-à-vis d’Israël et des États-Unis qui rapportent plus à
son pays que la zone de libre échange arabe. D’ailleurs, le président égyptien
n’a jamais envisagé de rompre ses relations diplomatiques avec Israël, geste
qui risquerait de ne jamais favoriser des décisions concrètes sur le problème
de Jérusalem et des palestiniens.
Il
est difficile pour les membres de la Ligue de ne pas être profondément perturbés par l’atteinte aux
principes fondateurs de la ligue qui s’adressait uniquement aux pays arabes.
Ses dogmes ont été dévoyés au profit d’une politique à courte vue. Certains n’ont pas compris le strapontin offert au
vénézuélien Hugo Chavez dont les seuls liens tangibles avec les pays arabes sont le
pétrole et sa haine viscérale pour l’État juif.
Ils n’avaient pas compris l’intérêt de l'ancien secrétaire général de la Ligue Arabe, Amr Moussa, qui avait alors exhorté les États membres à renforcer leurs liens avec l’Iran dont la capacité de nuisance inquiète ses voisins et dont le programme nucléaire soulève des inquiétudes. Inviter l’Iran, qui n’est pas arabe, à intégrer la ligue a perturbé la conscience de nombreux dirigeants qui ont toujours évalué le rôle des Perses avec beaucoup de méfiance. Amr Moussa n’avait pas éludé en son temps ces réticences qui restent encore d'actualité mais qui n'ont pas été suivies d'effet : « je me rends compte que certains sont inquiets sur l’Iran et c’est exactement pour cela que le dialogue est nécessaire ».
Ils n’avaient pas compris l’intérêt de l'ancien secrétaire général de la Ligue Arabe, Amr Moussa, qui avait alors exhorté les États membres à renforcer leurs liens avec l’Iran dont la capacité de nuisance inquiète ses voisins et dont le programme nucléaire soulève des inquiétudes. Inviter l’Iran, qui n’est pas arabe, à intégrer la ligue a perturbé la conscience de nombreux dirigeants qui ont toujours évalué le rôle des Perses avec beaucoup de méfiance. Amr Moussa n’avait pas éludé en son temps ces réticences qui restent encore d'actualité mais qui n'ont pas été suivies d'effet : « je me rends compte que certains sont inquiets sur l’Iran et c’est exactement pour cela que le dialogue est nécessaire ».
Nouveau venu vainqueur
Enfin
un nouveau venu dans le cercle arabe, le premier ministre turc Tayyip Erdogan, a compris qu’il avait une carte personnelle à
jouer devant le vide de leadership en se portant candidat pour diriger le monde
arabe alors que la Turquie, pays musulman certes, a toujours été éloignée idéologiquement des
pays de la région. Mais cela n’a pas été du goût de l’Arabie car, invité par la
Ligue arabe à la rejoindre, il a fait preuve d’un activisme exacerbé dans sa
vision de faire renaitre un jour l’empire ottoman. Plus royaliste que le roi,
il avait pris la parole à la tribune de la Ligue pour prendre fait et cause sur
un sujet qui n’a jamais fait l’objet de ses préoccupations : « nous ne laisserons pas mourir El
Quods, la prunelle de nos yeux ». Il s’est installé en leader putatif
des arabes, capable de contrebalancer la présence d’un Iran conquérant. Son
statut de rare dirigeant démocratiquement élu lui donne une aura que ne lui contestent pas les vieux émirs. Mais
sa présence inquiète plus qu’elle ne rassure puisque certains le considèrent
comme un intrus capable de modifier les règles internes instituant des
alliances solides avec les puissances mondiales occidentales.
Les
perdants sont incontestablement les palestiniens. Rien n’a été fait en leur
faveur et rien n’a été dit pour faire avancer leurs thèses. Cette constante
générale de ce genre de réunions prouve qu’aucune solidarité effective n’émerge
jamais à leur profit. Ils restent des trublions car ils représentaient l’un des
rares peuples démocratiques de la région bien que le mandat du président et du parlement ait expiré il y a plusieurs années et qu'ils n'aient aucune légitimité démocratique aujourd'hui. Cependant ils représentent un danger de contamination pour les potentats voisins.
Alors, on continue de verser des larmes de crocodile sur le sort réservé à ces malheureux qui permettent cependant de maintenir l’abcès de fixation contre Israël. Il n’est pas question de mettre la main à la poche alors que le premier ministre Salam Fayyad, qui a réussi à booster l’économie palestinienne, se débat dans ses difficultés à boucler son budget en déficit de quelques 200 millions de dollars alors que les revenus annuels pétroliers de la seule Arabie saoudite avoisinent les 800 milliards.
Alors, on continue de verser des larmes de crocodile sur le sort réservé à ces malheureux qui permettent cependant de maintenir l’abcès de fixation contre Israël. Il n’est pas question de mettre la main à la poche alors que le premier ministre Salam Fayyad, qui a réussi à booster l’économie palestinienne, se débat dans ses difficultés à boucler son budget en déficit de quelques 200 millions de dollars alors que les revenus annuels pétroliers de la seule Arabie saoudite avoisinent les 800 milliards.
Les
dirigeants arabes n’ont jamais montré, avec autant d’insistance, leur
impuissance à se rassembler pour contrer, tel est leur objectif initial, la
politique israélienne dans la région. Israël sort totalement rassuré de ces
réunions stériles de la Ligue Arabe. À Doha, le problème syrien les a séparés tandis que
la résolution, jésuite dans son principe, laisse à chaque pays le choix de l’aide
à la Syrie ou aux rebelles. L'Irak, l'Algérie et le Liban ont émis des réserves
et se sont distanciés de cette résolution prouvant ainsi que la Ligue arabe
restera un monde à part sans créativité.
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