LES ÉLECTIONS ISRAÉLIENNES
5/ LE PROBLEME IRANIEN
Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps
Le problème du nucléaire iranien est celui qui divise les
États-Unis et Israël mais aussi une partie de la classe politique et militaire
du pays. Les sondages montrent que la préoccupation majeure des israéliens
reste les problèmes économiques et que le problème iranien est placé en dernier. Pourtant, Benjamin Netanyahou a préféré faire de l’Iran son
cheval de bataille dans la campagne électorale alors que son gouvernement est
tombé pour des divergences sur le budget. Il a assuré ses électeurs que sa
priorité était de «stopper» le programme nucléaire iranien : «Il
nous reste encore beaucoup de choses à faire. Avant toute chose, nous devons
stopper le programme nucléaire iranien, et le temps passe. C'est ma première
mission en tant que premier ministre». Il a encore menacé de recourir à une
opération militaire contre l'Iran.
Selon de
nouveaux rapports de renseignement à Jérusalem, l'Iran se prépare à devenir le
plus récent et «petit» nouveau nucléaire puisqu'il dispose déjà de 250
kilogrammes d'uranium enrichi à 20% pour construire sa première bombe nucléaire.
Une source sécuritaire israélienne
anonyme a par ailleurs révélé que l'Iran avait déjà mis au point le détonateur et les
fusibles qui seraient insérés dans une ogive nucléaire et monté sur un missile
balistique Shehab-3 capable d'atteindre Israël.
Test de missile |
Mais le nouveau
gouvernement devra mettre de l’ordre dans la cacophonie qui règne au sommet des
services sécuritaires israéliens qui font des déclarations publiques déplacées
sur l’opportunité ou non d’une action militaire alors qu’ils sont tenus au
devoir de réserve. Sont visées en particulier les déclarations des anciens du
Mossad Efraïm Halevy et Meir Dagan qui ont déclaré qu’un Iran nucléaire n’était
pas une menace existentielle pour Israël, au moins dans l’immédiat.
Il est vrai qu’une frappe israélienne sur l'Iran est un casse-tête militaire. Envoyer plus d'une centaine de chasseurs et de bombardiers à des milliers de kilomètres de leurs bases est une opération risquée, incertaine et très compliquée. Israël avait prévu d’attaquer les installations nucléaires en fin 2010 mais les États-Unis l’ont empêché bien que le roi Abdallah d'Arabie saoudite ait cautionné cette frappe. Les dirigeants israéliens, usant d’analyses fluctuantes, ont donné le sentiment de ne pas avoir de stratégie précise. Ils ont en fait brouillé les pistes sur leurs intentions réelles à l’égard de l’Iran. L’ancien chef du Mossad Meir Dagan avait tempéré la situation en précisant que l’Iran n’aurait pas de capacité nucléaire militaire avant 2015.
Il est vrai qu’une frappe israélienne sur l'Iran est un casse-tête militaire. Envoyer plus d'une centaine de chasseurs et de bombardiers à des milliers de kilomètres de leurs bases est une opération risquée, incertaine et très compliquée. Israël avait prévu d’attaquer les installations nucléaires en fin 2010 mais les États-Unis l’ont empêché bien que le roi Abdallah d'Arabie saoudite ait cautionné cette frappe. Les dirigeants israéliens, usant d’analyses fluctuantes, ont donné le sentiment de ne pas avoir de stratégie précise. Ils ont en fait brouillé les pistes sur leurs intentions réelles à l’égard de l’Iran. L’ancien chef du Mossad Meir Dagan avait tempéré la situation en précisant que l’Iran n’aurait pas de capacité nucléaire militaire avant 2015.
Ces
atermoiements ont été justifiés par les dysfonctionnements intervenus dans les
centrales nucléaires sous l’effet du virus Stuxnet. Les experts sont maintenant
convaincus que ce virus avait été conçu pour s'attaquer aux centrifugeuses de
Natanz utilisées pour enrichir l'uranium. Contrairement aux virus de type «familiaux»,
Stuxnet avait été élaboré «sur mesure» pour s’attaquer spécifiquement
aux sites nucléaires iraniens. Il était chargé de saboter exclusivement les
alimentations électroniques des centrifugeuses nucléaires. Le virus a ainsi
agit comme une arme de destruction, nouvelle génération.
Rumeurs
militaires
A l'office de placement iranien : Quelle coïncidence, nous avons besoin d'un physicien nucléaire à Natanz.....Autant me tuer immédiatement ! |
Parallèlement à
cette attaque cybernétique, une guerre totale des services secrets avait été
engagée entre l'Iran et Israël. Des savants iraniens ont été assassinés,
retardant d'autant la réalisation du programme iranien. Le virus Stuxnet et les
assassinats de scientifiques ont suffisamment retardé le programme nucléaire
pour qu'Israël renonce presque officiellement à une attaque risquée et
incertaine.
Le chef adjoint
des forces armées iraniennes, le général Mohammad Hejazi, a menacé, devant les
rumeurs persistantes d’une attaque israélienne, de prendre le premier
l'initiative des hostilités. «Notre stratégie consiste maintenant si nous
sentons que nos ennemis veulent mettre en danger les intérêts nationaux de
l'Iran, à agir alors sans attendre leurs actions.» Téhéran, qui se sent en
position de force, face au conflit ouvert entre Washington et Jérusalem,
cherche à exposer auprès des puissances mondiales les risques de cette menace
militaire. Il profite par ailleurs du geste conciliant de Barack Obama, qui
l’autorise à enrichir de l’uranium jusqu’à 5%, pour tenter une nouvelle
négociation.
Benjamin
Netanyahou considère que les menaces d’une frappe préventive contre Israël
restent du domaine de la propagande interne. Les dirigeants de la République
islamique rivalisent de nationalisme et de rodomontades. L'arrivée en
Méditerranée de deux navires de guerre iraniens qui ont mouillé dans le port
syrien de Tartous faisait partie de cette stratégie visant à montrer les moyens et
la détermination de l’Iran à se défendre. Il s'agissait aussi de faire comprendre
que la présence de navires russes dans ce port montre aux israéliens que leur
capacité d'intervention est limitée.
Complexité
technique
Il faut dire
que les rumeurs sur l'imminence et la rationalité d'une attaque israélienne
contre les installations nucléaires iraniennes sont tenaces. Pour autant, les
responsables militaires ne mésestiment pas les difficultés qu’ils auront à
surmonter. Frapper les installations du programme nucléaire iranien se heurte à
des obstacles de taille. Le bureau des opérations de Tsahal doit surmonter cinq
difficultés majeures.
La longue distance pour atteindre l’Iran varie entre 1530 et 2260 kms et, même beaucoup plus, selon le chemin utilisé. Les techniques de ravitaillement en vol exigent l’utilisation d’avions-citernes. L’annihilation ou la neutralisation des défenses aériennes iraniennes passent par l’usage de moyens électroniques sophistiqués. La frappe implique une action simultanée contre plusieurs sites nucléaires. Enfin la logistique doit prévoir la coordination de l’attaque et de la défense à l’aide de plus de 100 avions.
La longue distance pour atteindre l’Iran varie entre 1530 et 2260 kms et, même beaucoup plus, selon le chemin utilisé. Les techniques de ravitaillement en vol exigent l’utilisation d’avions-citernes. L’annihilation ou la neutralisation des défenses aériennes iraniennes passent par l’usage de moyens électroniques sophistiqués. La frappe implique une action simultanée contre plusieurs sites nucléaires. Enfin la logistique doit prévoir la coordination de l’attaque et de la défense à l’aide de plus de 100 avions.
Les experts
militaires américains du Pentagone sont formels sur la complexité d’une telle
attaque et ont mis en garde leurs homologues israéliens. Selon eux, cette
opération n'a rien à voir avec le
bombardement du réacteur irakien Osirak en 1981 ou la destruction du
site nucléaire de Syrie en 2007. Le général américain David A. Deptula, qui
vient de quitter son haut poste dans les renseignements de l’US Air Force et a
planifié la campagne aérienne de 1991 dans la première guerre du Golfe et celle
de 2001 en Afghanistan, estime que les israéliens ne sont pas au bout de leur
peine.
Pour autant, le gouvernement israélien semble bien décidé à ne pas
renoncer à cette option, à voir la pression fébrile de l'administration Obama
pour le dissuader comme l’a démontré encore la visite éclair en Israël du
conseiller à la sécurité nationale, Thomas Donilon. Simultanément, le chef
d’État-Major américain, lors d’un entretien à la chaine CNN, enfonce le clou,
précisant qu’une frappe israélienne serait «déstabilisante» pour la
région. Il a même été relayé par le ministre anglais des affaires étrangères
William Hague qui s’est exprimé sur la BBC: «l’attaque ne serait pas une
sage décision en ce moment». Mais
Israël, par la voix de son porte parole à Washington, maintient que «toutes
les options sont sur la table». Les analystes américains tentent de
convaincre Israël que le risque de représailles iraniennes, qui mettraient à
feu et à sang le Moyen-Orient, pourrait s’avérer plus couteux que la seule
détention d’armes nucléaires par l’Iran.
Capacité militaire d'Israël
La véritable
question tient à la capacité des israéliens à mener seuls une opération de
cette envergure. Les américains s’inquiètent de devoir finir le travail engagé
par Israël en raison de la complexité d’une frappe qui pourrait se poursuivre
sur plusieurs semaines. Ils craignent les conséquences d’éventuelles
représailles iraniennes qui restent certes floues mais probables. Certains
pensent qu’Israël bluffe en menaçant les américains d’une action solitaire
parce qu’ils veulent les impliquer de force. L’ancien directeur de la CIA de
2006 à 2009 Michael Hayden estime que de telles frappes iraient «au-delà des
capacités d’Israël».
Des deux côtés, le bluff est de mise. Les américains surestiment
sans doute la difficulté de l'opération et les israéliens la minimisent. Une
certitude en tout cas, l'arsenal militaire israélien réserve des surprises et
notamment des armes électroniques secrètes, même pour leurs alliés. A ce jour,
les moyens électroniques mis en jeu pour rendre muets et aveugles les systèmes
de détection et les radars syriens à l’occasion de la frappe de 2007 restent un
mystère qui n’a jamais été percé puisque certains généraux israéliens sont
incapables d’expliquer la technologie utilisée. Anthony Cordesman, analyste au
centre pour les Études stratégiques et internationales à Washington estime que «il y a beaucoup d’inconnues,
il y a beaucoup de risques potentiels mais il est probable qu’Israël doit
savoir que ces risques ne sont pas sérieux».
L’attaque
israélienne ne peut pas se borner à détruire une seule usine iranienne. Pour
porter un vrai coup d’arrêt au programme d'armement nucléaire, les experts
estiment qu’Israël doit impérativement frapper les quatre principaux sites du
programme: les usines d’enrichissement de Natanz et de Fordo, le réacteur à eau
lourde d’Arak et l’usine de conversion de Yellowcake d’Ispahan.
Les israéliens
ont trois routes aériennes pour parvenir en Iran: le nord de la Turquie
compromis en raison des relations turco-israéliennes, le sud de l’Arabie
saoudite déjà utilisé pour l’opération Osirak et la route centrale et directe
consistant à survoler la Jordanie puis l’Irak. Cette dernière voie semble la
plus aisée, donc la plus probable, car l’Irak n’a aucune défense anti-aérienne
digne de ce nom. Elle est confiée aux américains mais a été affaiblie depuis le
départ des troupes américaines en décembre 2010. Nul n’envisage une éventuelle
interception des avions israéliens par les américains. Quand aux jordaniens,
ils n’ont pas les moyens militaires, ni la volonté, de s’opposer à la violation
de leur espace aérien.
Ravitaillement en vol |
Les israéliens
disposent de chasseurs à réaction F-15I et F-16I mais les bombes qu’ils doivent
transporter limitent, en fonction de l’altitude et de la vitesse, la distance à
couvrir de l’ordre de 3.000 kms. Ils pourraient voir leur temps de vol
s’allonger avec la nécessité d’éviter ou de contrer des missiles ou des
chasseurs iraniens. Le ravitaillement en vol reste donc la seule solution
viable, qui se double d’une nécessaire protection des avions-citernes. Les
israéliens ne semblent pas disposer des huit avions américains KC-707
nécessaires à l’opération. Mais des indiscrétions des services de
renseignements font état de changement apportés localement à des avions
israéliens pour les transformer en avions citernes.
La centaine d’avions nécessaires à la frappe s’explique par les
différentes missions qui leur seront confiées. Le problème de la protection
aérienne des avions-citernes a été planifié et semble résolu. Mais pour les
rendre invulnérables à la défense aérienne, ils doivent voler à 15.000 mètres
d’altitude et descendre en altitude normale pour le ravitaillement en vol,
encadrés d’avions de chasse dont le rôle durant toute la mission est de les
protéger. Par ailleurs, cette attaque doit être précédée par des escadrilles
équipées de matériel électronique pour brouiller la défense aérienne iranienne
et les radars de détection afin d’ouvrir un corridor aérien pour les
bombardiers. Pour les israéliens, le refus des russes de livrer en 2010 des
missiles air-sol S-300 leur facilite la tâche.
Efficacité des frappes
Israël mesure
aussi l’inconnue des performances des bombes en théorie capables de pénétrer à
l’intérieur des sites bétonnés, à neuf mètres sous terre à Natanz, ou
construits à même la montagne à Fordo.
Il vient de se faire livrer des bombes GBU-28 de 2.267 Kg capables de percer
les bunkers mais la profondeur réelle de pénétration reste une inconnue.
GBU-31 |
Le lobby israélien,
conduit par l’ancien sénateur démocrate
de Virginie, Charles S. Robb, et l’ancien général de l’US Air Force
Charles F. Wald, républicain, a insisté auprès de Barack Obama pour qu’il livre
d’urgence à Israël des bombes GBU-31 plus performantes ainsi que trois
avions-citernes de dernière génération afin de garantir la bonne fin d’une
frappe israélienne.
Les difficultés
techniques d'une attaque menée par Israël, seul, contre les installations
nucléaires iraniennes militent aux yeux des spécialistes militaires pour une
action conjointe avec les américains. Eux seuls disposent de gros bombardiers à
long rayon d’action, d’avions furtifs F-22 et de missiles de croisière
embarqués dans des sous-marins, sans compter les drones, avions sans pilote,
basés à proximité. Les États-Unis exploitent des bases au Qatar, à Al-Udeid, ou dans l’Océan Indien à Diego
Garcia. La menace d'Israël d'agir en solitaire vise peut-être à
convaincre l'administration américaine de songer à une solution militaire si
les négociations et les sanctions contre Téhéran ne s'avèrent pas plus
efficaces dans les prochains mois.
Le président des États-Unis Barack Obama a affirmé qu'il restait
une fenêtre pour résoudre la crise avec l'Iran sur son programme nucléaire, et
promis des efforts diplomatiques à cet effet dans les mois à venir, sans
confirmer de pourparlers bilatéraux. Je veux vraiment que l'on parvienne à une
solution diplomatique au problème : «Je l'ai dit clairement avant la
campagne présidentielle, je l'ai dit clairement pendant la campagne et je le
dis encore clairement après la campagne, nous ne laisserons pas l'Iran obtenir
une arme nucléaire. Mais je pense qu'il existe toujours une fenêtre pour nous
afin de résoudre cette affaire de façon diplomatique. Nous avons imposé les
sanctions les plus strictes de l'histoire contre l'Iran en raison de son
programme nucléaire» .
Pour
Barack Obama, ces sanctions, qui visent en particulier les secteurs bancaire et
pétrolier iraniens, ont des conséquences sur l'économie de l'Iran. Il pense
qu’il devrait y avoir un moyen pour eux de profiter d'une énergie nucléaire
pacifique tout en respectant leurs obligations internationales et en donnant
des assurances claires à la communauté internationale qu'ils
n'essaient pas de se doter d'une arme nucléaire. Mais les efforts pour voir s’il
peut ouvrir un dialogue, pas seulement avec l'Iran mais avec la communauté
internationale, sont vains. Le président américain a toutefois assuré que les informations
publiées par le New York Times sur le principe de pourparlers bilatéraux entre
l'Iran et les États-Unis étaient infondées.
Position des candidats
Les candidats
à l'élection législative pointent le danger du nucléaire iranien mais ils affirment un certain consensus
pour laisser aux militaires la décision finale. Ils donnent l’impression de souhaiter en majorité une action conjointe
avec les américains.
De retour de voyage, Tsipi Livni avait
fait une confidence : «Je rentre des États-Unis avec l’impression que si
Barack Obama est réélu en novembre, il frappera les installations nucléaires de
l’Iran, car il n’aura plus rien à perdre, ce sera son deuxième et dernier
mandat».
En septembre à la tribune des Nations unies à New York, Benjamin
Netanyahou avait réussi à marquer les esprits en brandissant le dessin d’une
bombe sur laquelle il avait tracé lui-même au feutre la fameuse «ligne
rouge» qu’Israël considère comme inacceptable dans les progrès nucléaires
de l’Iran. La démonstration a été assortie d’un calendrier puisqu’il estime que
l’Iran s’approchera de cette ligne rouge «au printemps ou au plus tard à
l’été 2013» relançant ainsi les spéculations sur une possible frappe
israélienne sur les installations nucléaires iraniennes.
Naftali Bennet a été le plus prolixe sur l'Iran. Malgré certaines
divergences avec le premier ministre, il n’a pas hésité à l’appuyer sur cette
question : «La presse est tombée sur la tête ; la force nationale est
nécessaire. C'est la première fois dans l'histoire de l'État d'Israël qu’une
campagne orchestrée et approfondie est menée contre le droit de l'État d'Israël
à se défendre. Il n’y a pas de jour sans qu'un gros titre ne dise : «Israël
n'est pas prêt pour la guerre», «Netanyahou va nous conduire à une
catastrophe», «le front intérieur n'est pas préparé». Le tout afin d'effrayer
l'opinion publique israélienne à s'opposer à des mesures israéliennes contre
la nucléarisation de l'Iran. Ils essaient de dépeindre Netanyahou comme
messianique, délirant, fou et irresponsable. Sur la base des relations
personnelles que j'ai avec lui, laissez-moi dire clairement: Netanyahou prend soin de
l'avenir de la nation d'Israël sur sa terre, de façon responsable. Que
pensent-ils? Que Netanyahou veut envoyer des gens à la mort? Qu'il aspire à ce
que des missiles viennent voler au dessus de Tel-Aviv? Que moi et les gens
comme moi sont excités au sujet du port des uniformes, en disant au revoir à
nos familles et de combattre à nouveau? »
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