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vendredi 2 décembre 2022

L'autre guerre Etats Unis-Europe par Francis MORITZ


L'AUTRE GUERRE ÉTATS UNIS-EUROPE

 

Par Francis MORITZ

 


Habituellement, dans une guerre il y a un vainqueur, un vaincu, voire plusieurs vainqueurs et autant de vaincus. Le conflit en Ukraine a déjà fait une victime, la population civile. Quant aux vainqueurs, les États-Unis sont en tête.  Ce n’est pas un scoop, simplement un constat. Ce qui nous reste à découvrir c’est la méthode et les moyens. America first. On connaît largement les péripéties de la guerre économique que l’Amérique livre à la Chine. En revanche, on parle beaucoup moins de celle qui est en cours contre l’Europe. Les Américains ont mis sur pied un programme national d’investissements, patriote dirions-nous. En Europe on utiliserait le mot subventions.




LE BUY AMERICA et Le risque d’un exode industriel

Washington a constitué un fonds de plusieurs centaines de milliards de dollars. La loi sur la réduction de l’inflation (Inflation reduction act) prévoit notamment 400 milliards destinés à la décarbonation, spécialement pour l’énergie verte et les voitures électriques. Exemple, l’achat d’une voiture électrique uniquement made in usa est subventionnée à hauteur de 7.500 dollars. Les règles sont claires, les composants, les batteries doivent être fabriqués ou transformés sur place. Ce qui implique un contenu local allant de 40 à plus de 80% à terme. Ce qui met hors-jeux la Chine, mais aussi tous les fabricants européens.  Certains européens, déjà présents aux États Unis doivent accélérer leur intégration locale, à défaut ne pas pouvoir bénéficier de ces subventions et perdre des parts de marché.

Cela s’applique aussi aux sous-traitants, donc ceux de l’étranger verront leurs exportations diminuer brutalement. Les batteries, cœur du véhicule électrique, sont bien entendu visées. À telle enseigne qu’on observe des retards en Europe sur la poursuite de la construction de deux usines de batteries en Allemagne dont Tesla. Made in USA devient le mot clé. Les experts de la Commission européenne s’attendent à ce que les grandes entreprises concernées transfèrent leurs sites de production aux États Unis. Ces subventions considérables, destinées à la transition énergétique, doivent être distribuées dans les 12 prochains mois. L’industrie de l’hydrogène bénéficiera également de ces fonds. Comme l’énergie est beaucoup moins chère, l’avantage sera amplifié d’autant.

telsa gigafactory berlin


L’effet d’aspiration est considérable et pose de très gros problèmes aux industries basées en Europe. Alors lorsqu’il est question de relocalisation industrielle en France, d’accroissement des exportations, le réalisme obligerait les dirigeants à inclure dans cette équation déjà complexe, cet élément qui vient bouleverser tous les plans établis. Ce programme à caractère hautement politique et économique aura des effets au Japon et en Corée du sud, alliés traditionnels de l’Amérique. Une conséquence immédiate est l’exclusion des concurrents japonais et coréens producteurs de voitures électriques qui ne bénéficieront pas de ces avantages. La Corée du sud vient de découvrir que l’allié américain n’est pas toujours un ami qui vous veut du bien.

La désunion des dirigeants de l’UE consacre la paralysie de l’Europe dans l’immédiat. Quand bien même la France et l’Allemagne ont laborieusement signé avec l’Espagne l’accord qui doit conduire à la production d’ici 2040 du remplaçant du Rafale pour un budget de 100 milliards, les autres projets militaires n’ont pas décollé. L’Allemagne qui a déjà un énorme problème du fait de ses relations tendues avec la Chine, ne veut pas s’engager dans un rapport de forces frontal avec l’Amérique et préconise la recherche d’un règlement négocié, ce qui est aussi l’option retenue par la Commission européenne qui souhaite une négociation, étape par étape.

La France opte en revanche pour le rapport de force et les coups de menton. Thierry Breton, commissaire du commerce intérieur, propose la négociation dans le cadre de l’Organisation Mondial du Commerce (OMC) voire le dépôt d’une plainte officielle.  Un groupe de travail transatlantique se réunit depuis le 4 novembre, en vue de d’éviter «les dommages à l’UE», mais sans résultat dans l’immédiat. Amender la loi sur la réduction de l’inflation impliquerait la décision du congrès désormais à majorité républicaine.

Résurrection de l’Otan version Made in USA

L’alliance atlantique est sortie de son état de mort cérébrale annoncée par la France en 2019. Auparavant on évoquait Washington comme un de ses membres. Depuis le conflit en Ukraine, la Maison Blanche est devenue le parrain de l’organisation. Paradoxalement le resserrement très relatif des liens entre membres de l’UE a permis d’établir, sans discussion, le leadership américain, qui avait été mis à mal après le départ brutal d’Afghanistan sans concertation avec l’UE. L’implication américaine par son poids militaire et économique de plus de 2,5 milliards de dollars auxquels s‘ajoutent plus de 15 autres milliards de promesses d’aide, soit deux à trois fois supérieur au cumul des membres de l’Otan, sans ignorer les capacités de renseignement et de moyens cyber, font de la Maison Blanche le chef d’orchestre de l’action et de la politique de l’UE vis à vis du conflit et au-delà. On sait déjà par diverses fuites savamment distillées que Washington n'acceptera que quelques changements purement cosmétiques, afin de faire semblant d’avoir négocié. La prochaine étape aura lieu le 5 décembre lorsque la Commission américaine pour le commerce et la technologie tiendra une réunion pour aborder la question. On n’a pas peu de choses à en attendre.

Le MQ-1C, en plus des capacités d'incendie à longue portée, fournit à l'Ukraine une létalité supplémentaire nécessaire pour éjecter les forces russes et récupérer le territoire occupé


Buy european contre buy american

Le président français avait avancé l’idée d’une loi protégeant le marché européen aussi longtemps que la loi américaine ne serait pas amendée. Il se rendra en visite d’État les 1ier et 2 décembre aux États Unis et essayera d’infléchir les décisions américaines déjà connues, tout en étant informé que la commission en charge se réunira après sa visite. On ne peut s’attendre qu’à des résultats de forme plus que de fond, pour ne pas faire perdre la face au visiteur.

Le vainqueur déjà connu du conflit

On disait Joe Biden fatigué, usé. Il a remporté deux batailles. Le Sénat est toujours démocrate. Le soutien continu de Washington à l'Ukraine fait des Etats-Unis le grand gagnant sur le plan mondial. Aucun G.I n’a été envoyé en Ukraine. Les gains géostratégiques, économiques, militaires et politiques sont incontestables. L'Otan, en état de coma a désormais un parrain qui habite à la Maison blanche.  

L'industrie américaine gagne des contrats et le gaz naturel liquéfié made in US, issu des gaz de schiste réprouvés par l’UE il y a encore peu, a maintenant droit de cité et au prix fort. L’Europe en redemande, sevrée qu’elle est du gaz russe, conformément à la décision du parrain.  Clairement, l’invasion russe et depuis la retraite récente de son armée ont rétabli l'hégémonie américaine sur le monde occidental. Sur fond de protectionnisme et de nationalisme économique décomplexés, Biden peut désormais se consacrer à sa guerre contre son grand rival chinois.

La première ministre Borne rencontre le chancelier Scholz à Berlin


L'Europe, elle, qui avait réussi une forme de solidarité lors de la pandémie, sort divisée de la situation actuelle. Le tandem franco-allemand n’en a plus que le nom. Les deux pays conservent un semblant de volonté de coopérer mais non seulement le cœur n’y ait plus mais on voit bien que les intérêts fondamentaux divergent, même si on s’est mis d’accord pour fournir du gaz à l’Allemagne. Aurait-on des surplus et les Allemands nous fourniront de l’électricité, issu des centrales à charbon.  L’Allemagne veut une défense américaine, comme les pays de l’est membres, alors que la France ne le souhaite pas. Elle revendique un concept de souveraineté à géométrie variable dont la liste des attributs varie selon l’interlocuteur qui en fait usage.  

L’Europe ne sort pas renforcée, mais divisée et affaiblie. Seule une réforme profonde de l’institution permettra une réelle solidarité, condition première à l’objectif de souveraineté. On ne peut pas gouverner avec 27 gouvernements, 27 politiques étrangères et leurs peuples qui n’ont ni la même histoire, ni la même attente. Passer par une réduction du nombre de membres ayant le même objectif serait peut-être aussi la condition sine qua non à une première réforme.

 

3 commentaires:

Georges Kabi a dit…

L'Europe des 27 n'a aucun avenir ni poltique, ni economique, ni culturel, ni social. Les pays de l'Est sont des pseudo-democraties dirigees parr des dirigeants corrompus et facile a la gachette ou a la corde de pendaison.
Il faut donc tout revoir et je ne vois pas un seul dirigeant europeen capable de mener cette politique vers une issue souhaitable.
Contrairement a ce qu'on pense, la Russie n'a rien perdu, bien au contraire. Elle affrme que sans son acquescement, il n'y aura pas de politique europeenne commune. Mais elle montre aussi aux Americains qu'elle peut lui tenir tete. Staline avait sacrifie plus 6 millions de soldats.
Poutine n'ira pas jusque la, mais seulement plusieurs centaines de milliers qui balayeront les Ukrainiens, voire meme la Pologne et les Etats baltes.

Anonyme a dit…

Article déstabilisant et convaincant, loin de la comptine de nos télés françaises.
G. Kabi, pas d’accord sur votre conclusion. Les russes ont perdu la face (armée hétéroclite, approvisionnée par l’Iran et la Corée N., etc). Ils vont perdre la confiance de leurs clients en armement. L’accélération de l’Europe vers l’autonomie en énergie (électricité de toutes origines plutôt qu’énergies fossiles,…) vont affaiblir la Russie. Poutine voit se lever des ennemis en interne, qui le mettront en danger. Les technologies militaires vont exploser tous azimuths avec des budgets d’états faramineux (cf. Allemagne et Europe de l’Est à venir). Les usa et la Chine se partageront les dépouilles de la Russie et de l’Europe : aux Usa l’Europe, à la Chine la Russie. Conclusion sommaire de ma part, mais ces décisions funestes sur notre Europe sont à anticiper et à contrer. Trop tard semble-t-il ?
(Jonathan Livingstone)

Marcel a dit…

George Kabi, vous pensez que la France a des leçons à donner aux pays d'Europe centrale en matière de corruption ? Qu'est-ce qu'une pseudo démocratie ? Un pays où les dirigeants sont élus avec une minorité et où l'on ne donne pas droit de cité à une force politique sous prétexte qu'elle serait trop à droite ?

Que cherchez-vous à dire ? Qu'il faut se féliciter que la Russie se construise aujourd'hui dans la filiation de l'URSS et de la russie Tsariste, avec déportations et assassinats de masse ? Vous militez pour que la Pologne et les pays Baltes, alliés de la France, soit détruits et que de nouveaux Tcheka et NKVD en extermine la population ?

Mais qui êtes-vous ? La France a t-elle un avenir politique, économique, culturel et social avec la Russie ? Allez-vous nous vanter ici les mérites de pacto germano-soviétique et du goulag, pour être raccord avec la ligne actuel de Poutine, Poutine qui dans ses discours officiel dit agir comme militant décolonial antifaciste ?