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lundi 8 février 2021

Joe Biden inquiète Téhéran et Jérusalem Par Francis MORITZ

 


JOE BIDEN INQUIÈTE TÉHÉRAN ET JÉRUSALEM


Par Francis MORITZ 



Israël et l’Iran partagent, momentanément, un dénominateur commun, l’inquiétude, évidemment pas pour les mêmes raisons. Les extrémistes iraniens pensent que Joe Biden pourrait nuire à leur stratégie d'élection présidentielle de juin. Israël pense que le président américain pourrait reprendre place dans l’accord de 2015 en réduisant ou en levant même les sanctions et lui imposer un règlement avec les Palestiniens. Rien de tout cela n’est simple car les États Unis pensent qu’il est urgent d’attendre. Ils n’ont pas encore arrêté de stratégie et ne sont ni prêts à lever les sanctions, ni à rejoindre l’accord nucléaire de 2015. Enfin qui peut affirmer aujourd’hui quel nom sortira du chapeau en Israël fin mars ?



Malley - Biden


Joe Biden et Robert Malley inquiètent Israël. Or il ne faut pas se fier aux apparences, nous ne sommes pas revenus à l’ère d’Obama. À Téhéran aussi, certains sont très inquiets.  Quoi qu’on en pense cette élection ne réjouit par tous les responsables iraniens, tant s‘en faut. Il faut prendre en compte les luttes internes nombreuses entre clans.

Les durs du régime qui pariaient sur le succès de Donald Trump, veulent saper l’effort du président Hassan Rohani qui dans un ultime effort, voulait préserver l’accord nucléaire. Ils vont maintenant tout faire pour éviter un retour de l’Iran dans cet accord car cette option redonnerait du souffle aux candidats modérés et réformistes lors de l’élection de juin contre leur candidat Ebrahim Raisi, par ailleurs accusé de crimes contre l’humanité. Le projet de loi du 4 janvier qu’ils ont proposé stipule explicitement que «toute discussion bilatérale ou multilatérale avec Washington est interdite, à moins que les États-Unis ne s’excusent formellement de leur retrait et du meurtre du général Soleimani. Tout fonctionnaire qui ne respectera pas cette règle perdra son poste et perdra la possibilité d’occuper tous postes gouvernementaux». 

Ebrahim Raisi ministre de la justice nommé par le guide suprême


Concernant Israël, le texte inclut un paragraphe qui permettrait à l’Iran de détruire Israël d'ici la fin de 2040, en référence à l’élimination du général Soleimani. Le texte exige l'expulsion des troupes américaines du Moyen-Orient et la fin de toute négociation future avec Washington (Plan d’action stratégique)

Paradoxalement la nomination de Robert Malley n’a pas suscité l’enthousiasme, bien qu’il soit réputé plutôt palestinophile, pro iranien, pas très pro israélien et souple dans les négociations.  Les extrémistes sont inquiets. On peut en comprendre les raisons profondes. Un seul homme, même sensible aux arguments iraniens, ne peut pas renverser les décisions du Congrès et celles du Sénat, qui ne sont pas pro iraniens au point de revenir en arrière. Ces mêmes extrémistes du régime saisissent toutes les occasions pour s’opposer au président Rohani.

Le rédacteur en chef du journal Kayhan, Hossein Shariatmadari, nommé par le Guide suprême, dans son éditorial du 7 janvier a critiqué le président Rohani suite à son discours de la veille, notant que «même si le président iranien se qualifiait lui-même d’expert en droit, ses déclarations montraient qu'il n’y connaissait rien. N'était-ce pas Biden, qui a déclaré que personne aux États-Unis n'avait été affecté par l'assassinat du général Soleimani», soulignant qu'il ne voyait aucune différence entre Biden et Trump.

Un commentaire similaire avait déjà été publié en novembre 2020 : «Les antécédents politiques de Biden montrent qu'il a toujours prôné une politique anti-iranienne et qu'il n'a manqué aucune occasion d'être hostile à la République islamique d'Iran». Les adversaires du président Rohani veulent l’empêcher de rétablir le contact avec la nouvelle administration pendant les cinq mois qui lui restent avant l’élection, alors que le pays est au bord de l’effondrement, histoire de lui imputer ainsi qu’à ceux de son bord la responsabilité de la crise.

La majorité des plus durs, fait tout pour empêcher les pourparlers avec la nouvelle administration. Le 9 janvier, Ahmad Amiri Farahani, député de la ville sainte de Qom, a déclaré que l'Iran expulserait tous les inspecteurs de l'AIEA si les sanctions américaines n'étaient pas levées le 21 février. La nouvelle loi, Plan d'action stratégique pour contrer les sanctions, est une réponse à l'élimination de Mohsen Fahrizade. Certains affirment que ce sont les inspecteurs qui auraient révélé son nom et ses activités, permettant son élimination. Le même a également déclaré que la prochaine étape serait d'arrêter la mise en œuvre du Protocole additionnel si les sanctions n'étaient pas levées. Cette date-butoir impliquerait que Washington aurait moins d'un mois pour lever les sanctions C’est irréaliste.

Fereydoun Abbassi président du parlement


Fereydoun Abbassi, le président de la commission parlementaire de l'énergie, a également menacé les inspecteurs d’expulsion. Il a invoqué la loi adoptée en décembre 2020, relative à l’enrichissement d'uranium à 20% dans les deux mois, ce qui a été réalisé jusqu'à présent. Si les sanctions ne sont pas levées, il a également appelé à la cessation de l’application volontaire du Protocole additionnel qui comporte des inspections inopinées de l’AIEA. Mahdi Mohammadi, le conseiller du président du Parlement pour les affaires stratégiques, ne voit aucune différence entre Trump et Biden. Lors d'une interview télévisée le 9 janvier, il a déclaré que «la politique de Biden n'est pas différente de celle de Trump, qu’il maintiendra les sanctions et cherchera à étendre le Plan d’action global pour inclure les missiles et les problèmes régionaux comme il l’a déjà indiqué». Ce que l’Iran refuse catégoriquement. 

Les mêmes sont persuadés qu’Israël et l'Arabie saoudite, continueront à influencer l’Amérique. Le président Rohani est arrivé au pouvoir en 2013 en promettant de résoudre le problème nucléaire et de lever les sanctions internationales. Il a épuisé tout son capital politique pour conclure ce dossier. Maintenant que le Plan d’action global est au bord de l'effondrement en raison des pressions maximales de Trump, les extrémistes y voient l’occasion de retourner les électeurs contre le président Rohani et son clan. Avec cette nouvelle législation, les durs du régime veulent bloquer la conclusion de nouveaux accords pour relancer le Plan d’action globale pendant que le président Rohani est encore en fonction.

Pour ce faire, ils doivent le neutraliser, car ils craignent que Rohani puisse inverser la tendance en faveur de ses partisans lors de l’élection, en relançant l'accord et l’amorce d’une éventuelle reprise économique ultérieure. Le président s’est opposé au premier projet de loi controversé et adopté par le parlement, Il a déclaré «Ne vous précipitez pas. Ne craignez pas que ce gouvernement mette fin aux problèmes, s’il réussit, vous en aurez le bénéfice en totalité. Laissons faire ceux qui ont beaucoup d'expérience et qui ont réussi dans la diplomatie». Le temps presse pour le président Rohani, la fin de son mandat s’avère très difficile. Ses rivaux feront tout pour l’empêcher de relancer le Plan d’action global. 

Habituellement en Orient on prend son temps, mais cette fois c’est le temps qui prendra le président Rohani de vitesse. Israël est dans l’expectative et ne peut prendre aucune initiative réelle tant que le président américain n’aura pas établi sa propre stratégie. Cela étant, entre les deux variantes, Washington n’est pas prêt à négocier avec les durs du régime, donc paradoxalement, Jérusalem disposera de plus d’options si ce sont eux qui gagnent.

2 commentaires:

Jean-Marc ILLOUZ a dit…

Bonne analyse de la situation en Iran. Mais:
Les “extremistes” et leurs faux-nez religieux sont d abord -comme d autres en Israël hélas- ses Affairistes.
-2/ Enjeu# 1 Le Monopole de Caisse! Soit une économie de rente juteuse pour l import export et le Tandem Gardiens Sexagénaires & Mollahs octogénaires!
Problème: leur propres enfants très instruits ne veulent pas d’une Dynastie improductive de Moujahideens à l’Algerienne
Beaucoup ont perdu toute sympathie pour le « modéré»Rohani «blanc bonnet»
- 3/ Espoirs
Ceux des conservateurs qui ont compris que sans un feu vert des banques américaines, la République Islamique ne survivra pas à un système corrompu n’offrant pas d’emploi d’avenir à une jeunesse
= instruite, très ouverte sur l’occident,
très patriote culturellement mais très peu pratiquante, si ce n’est hostile aux mollahs
=Et surtout qui - contrairement au «système»- se fout pas mal de la Syrie,du Liban,de la Palestine et!aussi d’Israel souvent TRÈS valorisé pour ses universités en
sciences, arts et technologies!
- JCPOA les négo entre iraniens seront aussi compliquées qu’avec les autres signataires.
Russie et Chine ne seront pas de grand secours
Tout dépendra de la capacité de diplomates professionnels et celle de Zarif à retrouver sa marge de manœuvre sabotée par le Clan Trump
Et de celle des Occidentaux à -éviter les comportements publics de nature à nourrir la paranoïa des vieux adversaires de l’accord de 2015 -
(Préliminaires en coulisses preferrables)
- de proposer une vraie feuille de route financière avalisée (hic) par le Congrès US avant les prochaines mid-terms
-Prendre ses distances avec une puissance plus financière et religieuse qu un véritable état solide: la famille Saoudienne Wahhabite et ses princes Borgia
**PS:Non Robert Malley n’est ni «pro palestinien ou pro iranien » mais un grand professionnel et tout le contraire d’un idéologue!
C’est le meilleur des choix pour s’affranchir de trop d’increvables obstacles psychologiques des dossiers de la région
Aucun doute pour qui le connait, connaît l’histoire paradoxale de ce descendant d’un intellectuel juif Cairote férocement anti americain!
Son rôle sous Clinton, Obama et à la tête du Global Crisis Group devrait au contraire de nature à rassurer toutes les parties
bien informées
Et il y aura encore beaucoup de boulot pour revenir sinon à la Paix du moins au Raisonnable!
Hazak! Inch’Allah!

Avraham NATAF a dit…

Israel a plus à craindre de la nouvelle Administration Biden qui cherche à se démarquer de Trump. Les négociations avec les Iraniens seront observés par la Corée du Nord de Kim; un spécialiste de la menace nucléaire pour les Etats-Unis.