LA COOPÉRATION SÉCURITAIRE ENTRE ISRAÉLIENS ET PALESTINIENS EN
QUESTION
Par
Jacques BENILLOUCHE
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Policier tué à Djénine |
L’attentat à la voiture bélier contre douze soldats israéliens à
Jérusalem et la mort du policier arabe Tarek Badwan tué par Tsahal à Djénine semblent
être la conséquence du deal du siècle. Ces deux incidents risquent
de raviver le terrorisme en Cisjordanie et à Jérusalem car l’Autorité
palestinienne a annoncé qu’elle renonçait à la coopération sécuritaire avec les
services israéliens. Elle estime que c’est le seul moyen de se faire entendre
après plusieurs mois de calme dus à la bonne volonté palestinienne. Il s’agit
d’un gros risque qu’elle prend car les conséquences peuvent être dramatiques
pour les deux bords.
Pour
l’instant, les Palestiniens ne descendent pas dans les rues pour manifester
dans toute la Cisjordanie car cela entraînerait une fermeture des
frontières et le blocage du passage des ouvriers arabes vers les nombreux
chantiers en Israël. Tout le monde risque de perdre, sur le plan économique
surtout. On a tendance à croire que les Palestiniens sont résignés mais, bien
que leurs dirigeants soient délégitimisés, ils obéissent par solidarité aux
injonctions et à leurs mots d’ordre.
Toutes
les critiques peuvent être émises contre les Accords d’Oslo. Les nationalistes juifs n'y ont vu que la possibilité à terme de la création d'un Etat palestinien. Or ces accords ont mis en place une collaboration entre l’armée israélienne et l’Autorité palestinienne pour
réguler et contrôler la circulation des personnes et des biens et pour
développer l’échange d’informations sécuritaires. Il est certain que la
coopération sécuritaire a permis de déjouer des centaines d’attentats malgré
l’opposition farouche des opposants au Fatah qui accusent l’Autorité de
favoriser ainsi le développement des implantations puisque le calme est propice à
leur extension.
Manifestation en Cisjordanie contre Trump |
Mahmoud
Abbas s’est toujours servi de cette arme sécuritaire qu'il sait canaliser mais il sait que c’est en
fait un dangereux boomerang. L’OLP de 1993 avait accepté de collaborer car les
Accords d’Oslo ouvraient la voie à la création d’un État palestinien. Cette coopération a fait l’objet d’un
document officiel signé en mai 1994 au Caire prévoyant que : «Les deux
parties adopteront toutes les mesures nécessaires à la prévention d’actes de
terrorisme, de délits et crimes ou d’activités hostiles dirigées l’une contre
l’autre. Les forces de sécurité palestiniennes doivent prendre toutes les
mesures nécessaires pour empêcher tout acte d’hostilité à l’encontre des
implantations, des infrastructures les desservant et de la zone d’installation
militaire. De son côté, l’armée israélienne doit empêcher les actes d’hostilité
émanant des implantations et dirigés contre les Palestiniens».
En
2005, Mahmoud Abbas, élu à la tête de l’Autorité palestinienne, avait décidé de
relancer la coopération sécuritaire qui, pour lui, était un «pilier de la
construction d’un futur État palestinien» au point de consacrer 30 à 45% de
son budget et d’occuper 44% du personnel du service
public. On estime que 80.000 Palestiniens gèrent les services de sécurité.
Fayyed et Abbas |
Soutenu
par l’Union européenne et les Etats-Unis, l’ancien Premier ministre Salam Fayyed,
en poste de 2007 à 2013, a renforcé ces relations en démantelant les groupes armés terroristes, en équipant d’armes modernes les
forces de sécurité et en s’inspirant de Tsahal pour créer des unités d’élite anti-terroristes.
Cette coopération est la réussite la plus visible des Accords d’Oslo. Le chef
des Services secrets palestiniens Majid Faraj a évité des attaques violentes
durant l’Intifada des couteaux, et a procédé à l’arrestations d’une
centaine de terroristes qui préparaient des attentats.
Police palestinienne |
Les militants de la droite
nationaliste ne voient dans les Accords d’Oslo que le seul aspect négatif selon eux menant à une indépendance palestinienne et ferment volontairement les yeux sur le calme
relatif qui a régné ces derniers mois. D’ailleurs les Etats-Unis et l’Union
européenne ne s’y sont pas trompés en finançant cette coopération sécuritaire.
La
critique la plus acerbe faite par la population palestinienne est que la
coopération sécuritaire créé un lien de subordination des Palestiniens face à
Israël. Elle avait en particulier critiqué en 2014 les forces palestiniennes pour
avoir aidé Tsahal à retrouver trois jeunes israéliens kidnappés en Cisjordanie,
pour avoir participé à plusieurs centaines d’arrestations côté palestinien et
pour avoir maté les contestations palestiniennes durant la guerre de Gaza en
2014.
Mais
il est vrai que Mahmoud Abbas s’oppose au gel de la coopération sécuritaire entre
Israël et l’Autorité palestinienne malgré ses menaces d’y mettre fin car il en
est le premier bénéficiaire. D’ailleurs ses services sont les premiers à livrer
aux Israéliens des terroristes palestiniens. En écho, le Hamas et le djihad
islamique dénoncent cette coopération qui entraîne souvent l’arrestation de
leurs militants car selon eux : «Ces arrestations font partie de la
coopération sécuritaire entre Israël et l’Autorité palestinienne qui se sert de
ses prérogatives sécuritaires afin de
prévenir tout soulèvement en Cisjordanie qui pourrait se retourner contre
l’Autorité».
La population palestinienne se sent bernée car
elle est convaincue que les Accords d’Oslo n’ont pas été respectés par les
Israéliens et qu'ils ne profitent qu’à eux. Les Américains ont sous-évalué le
potentiel de nuisance des forces sécuritaires palestiniennes.
Nous
laisserons la conclusion pessimiste à l’ancien ambassadeur d’Israël, Arie
Avidor, qui estime que : «ce premier attentat perpétré à Jérusalem depuis
maintenant trois ans est le signe d’une nouvelle déferlante terroriste
prévisible en réaction au deal du siècle. Un «deal» dont le seul effet a été de
redonner du tonus au terrorisme qui s’est manifesté hier aussi à Hébron et à
Jénine… Un léger relâchement de cette collaboration de la part de l’AP, comme
c’est manifestement le cas ces jours-ci, permet la perpétuation d’attentats
isolés. L’abandon total de cette collaboration, ainsi que l’envisage la
direction de l’AP en réaction aux annexions prévisibles dans le cadre du deal,
nous ramènera le chaos et le déchaînement du terrorisme».
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