UN EXPERT IRANIEN DES MISSILES NOMMÉ ADJOINT DE LA FORCE AL QODS
Par
Jacques BENILLOUCHE
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Hejazi |
Après la mort de Kassem
Soleimani, son adjoint Esmail Ghaani a été désigné pour le remplacer à la tête
de la force Al-Quds du CGRI (Corps des Gardiens de la Révolution iranienne). Le
poste d’adjoint vient d’être pourvu avec la nomination de Mohammad
Hossein-Zadeh Hejazi. Cette nomination s’imposait
d’elle-même car les mollahs ont choisi un officier très expérimenté au sein de
la force Al-Quds, une sorte de continuité de Soleimani. Peu connu sur le plan
international, il a été un acteur important au Liban car il était chargé d’accroitre
la précision des missiles du Hezbollah. Mais son rôle à présent consiste à
mettre en œuvre les missions de la Force Al-Quds sur le front ouest de l'Iran
(Afghanistan et Pakistan), qui étaient de la responsabilité précédente de
Ghaani.
Mohammad Hossein-Zadeh Hejazi est né à Ispahan en 1956 et
avait un long passé révolutionnaire. Ses antécédents incluent des liens avec le
MEK (Moudjahidines du peuple), organisation basée sur l’idéologie marxiste et
islamique, fondée en 1965 et engagée dans un conflit armé avec la dynastie
Pahlavi dans les années 1970. Le MEK avait contribué au renversement du Shah
pendant la révolution iranienne. A l’instar de son frère plus âgé, Ahmad tué
pendant la guerre avec l'Irak en 1982, il s’était engagé dans l'activisme
politique avant la révolution de 1979. Il avait été emprisonné pendant un certain temps ce qui lui avait valu une
expulsion de son université. Il tenait à s’engager dans des activités
terroristes au point d’emprunter de l’argent pour suivre une formation
de guérilla dans les camps de l’OLP (Organisation de libération de la Palestine)
au sud du Liban à la fin des années 1970.
Basij |
Après
la révolution de février 1979, il avait rejoint le CGRI à Ispahan et avait pris
ses distances avec le MEK de plus en plus marxiste. Il avait ensuite été envoyé
dans les provinces du Kurdistan et de l'Azerbaïdjan pour réprimer les
séparatistes kurdes, puis avait été chargé de mobiliser des volontaires pour le
front dans la guerre contre l'Irak. À ce titre, il s'était rapproché de
Mohammad Ali Rahmani, chef de la milice Basij (mobilisation en persan). Cette grande organisation paramilitaire omniprésente aux rôles multiples, agit comme les yeux et les oreilles du régime islamique. Elle est présent dans
les écoles, les universités, les institutions publiques et privées, les usines
et même parmi les tribus.
Au
départ, Hejazi était classé comme extrémiste tant sur le plan intérieur qu’extérieur.
Pour lui, les Iraniens qui contestaient lors des manifestations : «pas à
Gaza, pas au Liban, ma vie est pour l'Iran», nuisaient au sentiment
religieux et à la pensée révolutionnaire du peuple. Il avait en outre affirmé
que ces manifestants visaient à empêcher l'exportation de la révolution
iranienne au-delà des frontières du pays, et servaient les ennemis de l'Iran en
Occident dont les objectifs consistent à affaiblir la révolution.
Manifestations étudiants 1999 |
Les
dirigeants du régime ont utilisé Hejazi lors des manifestations étudiantes de
juillet 1999, qui ont éclaté à la suite de la fermeture du journal réformiste
Salam. Les forces de l'ordre du gouvernement sont restées passives face à ces
troubles. Les Basij, sous le commandement personnel de Hejazi et d’Ansar-e
Hezbollah, ont été envoyés sur le campus pour réprimer violemment les
manifestations, tuant soixante-dix étudiants. Au-delà de leurs fonctions
anti-émeutes, les Basij et Ansar-e Hezbollah se sont ouvertement impliqués dans
la politique sous Hejazi qui avait un long passé militaire.
Il avait occupé plusieurs commandements pendant la guerre
Iran-Irak de 1980 à 1988. Après la fin de la guerre, il avait été nommé
commandant adjoint de la branche Basij puis commandant de 1998 à 2007, chef du
CGRI de 2007 à 2009, chef adjoint des forces armées iraniennes de 2009 à 2014,
responsable de la logistique et de la recherche industrielle.
Le 29 août 2019, Tsahal avait révélé qu’Hejazi, qui
servait en tant que commandant du Corps libanais dans la Force Al-Quds, était chargé
avec deux autres officiers iraniens, à accroître la précision des missiles du
Hezbollah. Les deux autres officiers sont Ali Asghar Nowroozi, chef de l'aile
logistique des Gardiens, responsable du transport de l'équipement et des
composants logistiques de l'Iran vers la Syrie et le Liban. L'autre officier le colonel Majid Nuab, ingénieur spécialisé dans les missiles
surface-surface, est chargé des composantes technologiques.
Un missile à guidage de précision est un projectile
équipé d'un système de navigation très avancé lui permettant de frapper sa
cible avec une précision de quelques mètres. Au départ le projet de conversion
des missiles se réalisait en Syrie mais à la suite des nombreuses frappes
israéliennes, l’Iran avait décidé de transférer au Liban cette
fabrication. En utilisant trois
itinéraires pour acheminer les composants nécessaires à la fabrication des
missiles : un itinéraire terrestre passant par la frontière syrienne, une
ligne maritime et une ligne aérienne passant par l'aéroport international de
Beyrouth.
Le Hezbollah veut acquérir ces missiles pour menacer de
tirer des roquettes sur Israël depuis le Liban. S’il arrivait à acquérir des
missiles à guidage de précision, il aurait la capacité de viser directement les
civils israéliens, les villes et même les ressources stratégiques nationales.
L'Iran et le Hezbollah cherchent à entraîner le Liban
dans un conflit avec Israël. Leurs tentatives de constituer des armes à
l'intérieur des centres urbains, de cacher leurs armes dans les maisons et de
creuser des tunnels d'attaque des villes du sud du Liban vers les villes du
nord d'Israël, menacent non seulement la vie des Israéliens, mais la vie des
civils libanais en armant les zones urbaines où des civils libanais
vivent.
De 2013 à 2015, l'Iran avait tenté de transporter des
missiles guidés de précision prêts à l'emploi de l'Iran, via la Syrie, à destination du Hezbollah au Liban. La plupart de ces efforts ont été contrecarrés en raison des frappes israéliennes qui ont empêché le Hezbollah d'acquérir des missiles guidés.
Missiles guidés du Hezbollah |
De 2016 à 2018, l'Iran et le Hezbollah ont changé de
stratégie, passant de la contrebande de missiles guidés de précision complets à
la tentative de contrebande de parties de missiles guidés de précision pour les
assembler au Liban. Des éléments de missiles ont été transférés d'Iran au Liban
par voie terrestre (via la Syrie), par avion (en utilisant des vols civils vers
l'aéroport international Rafiq Hariri de Beyrouth) et par voie maritime (via le
port de Beyrouth). Le programme de l'Iran et du Hezbollah pour convertir des
missiles n'a pas réussi à gagner du terrain.
En 2019, l’Iran et le Hezbollah ont intensifié leurs
efforts pour produire des missiles à guidage de précision au Liban, avec des
installations de fabrication et de conversion construites dans un certain
nombre de sites au Liban, sous le commandement de Qassem Soleimani. C’est à ce
moment qu’intervient Muhammad Hussein-Zada Hejazi, agent de la force iranienne Qods,
qui a pris la direction du projet iranien de missiles à guidage de précision au
Liban et qui commandait directement le personnel iranien stationné au Liban.
Il faut s’attendre à ce que cette nomination de Hejazi
intensifie de manière notable l’activisme de la milice libanaise et que contrairement
à Soleimani qui s’intéressait à l’aspect militaire de sa fonction, le Hezbollah
va s’orienter vers un développement de haute technologie de son matériel
militaire.
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