PROFIL BAS DE L’AUTORITÉ PALESTINIENNE ET DU HAMAS SUR LE CONFLIT
DE GAZA
Par
Jacques BENILLOUCHE
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Haniyeh-Abbas |
Gaza et la Cisjordanie ont acté leur
rupture politique à l'occasion du dernier conflit. Le fait est important à souligner car il éloigne de plus en
plus l’éventualité d’une création d’un État palestinien englobant les deux
régions. Chaque entité se comporte de manière autonome, sans concertation,
allant même jusqu’à oublier la nécessaire solidarité en cas d’incidents graves.
L’Autorité palestinienne a fait preuve d’une profonde discrétion lorsqu’Israël
et Gaza se sont affrontés violemment, ce qui a suscité une colère contre
les Palestiniens de Cisjordanie.
Baha Abu al-Ata |
Les rues de Cisjordanie n’ont pas
bougé comme si elles n’étaient pas concernées, même lorsqu’Israël a éliminé le
commandant du djihad islamique Baha Abu Al-Ata le 12 novembre suivi par des
tirs de missiles et des représailles ayant fait 34 morts. Comme l’écrit Imad al-Frangi, ancien responsable du Forum des
journalistes palestiniens : «Les portes de l'enfer restent fermées. Les
Palestiniens de Cisjordanie perdent tout intérêt à manifester contre Israël».
Pourtant l'OLP a essayé de raviver la flamme en appelant à un «jour de
colère». Ils ont fermé les écoles pour maximiser le nombre de jeunes qui
participeraient. Mais rien de majeur ne s'est concrétisé. Les médias israéliens
n’ont même pas répercuté l’information car les manifestations avaient eu lieu dans
des villes palestiniennes, loin des zones juives.
Les Palestiniens de Cisjordanie sont
restés silencieux pendant la récente flambée de violence à Gaza certainement parce
que le djihad islamique était fortement impliqué. Cela leur a permis de donner corps à
l’accusation faite aux Arabes «d'être apathiques face à leurs souffrances en
les laissant seuls». D’ailleurs, un détail ne trompe pas : le 14
novembre en pleine crise des missiles, la télévision officielle palestinienne diffusait
un match de qualification à la FIFA, Yémen contre la Palestine. Plus désintéressé, tu meurs.
Depuis 2007, il n’existe plus
d’esprit collectif lorsque les deux clans Fatah-Hamas se sont séparés.
L’Autorité palestinienne évite de valoriser les actes de bravoure du Hamas en
ne montrant aucune sympathie à son égard, même pas pour améliorer la situation
misérable des populations gérées par le Hamas.
Hassan Asfour, ancien ministre des
Affaires de la société civile, a fustigé : «Le silence de Mahmoud Abbas,
président de Ramallah, et de son gouvernement face à l'invasion de la bande de
Gaza par Israël, et le mépris total des conséquences de cette agression humaine
et nationale.... Un important masque politique est tombé et le
gouvernement de Ramallah, à la demande de Mahmoud Abbas, n'a pas été en mesure
de faire face à l'invasion de la bande de Gaza par Israël. Il a joué un rôle
déterminant dans l'édification d'un mur d'isolement politique entre le
gouvernement provincial et la bande de Gaza. L'histoire nationale ne l'oubliera
jamais».
Hassan Asfour |
Le Hamas pense que les critiques à l'encontre des
habitants de la Cisjordanie devraient en réalité cibler l'Autorité
palestinienne, qui a interdit les manifestations de solidarité avec Gaza sous
prétexte de mesures de sécurité. Seuls les étudiants ont réagi ; ils
ont organisé un sit-in à l’université de Bir Zeit à Ramallah et un autre à l’Université
technique de Palestine-Kadoorie, à Tulkarem. C’est bien peu par rapport à la
violence des échanges militaires avec Israël.
Campus Bir Zeit |
En fait la Cisjordanie n'a pas réagi violemment pour des raisons économiques. Les moyens de subsistance de la
population dépendent des permis de travail délivrés par Israël alors qu’ils ont
des emprunts bancaires qu’ils doivent honorer. Par ailleurs la coordination de
la sécurité entre Israël et l'AP empêche tout soutien de la Cisjordanie à Gaza.
Il est vrai aussi que les habitants de la Cisjordanie, en majorité, ne sont pas
politisés et préfèrent garder le silence plutôt que d'exprimer leur soutien à
Gaza ; mais ils n’en pensent pas moins.
Le silence de l’AP peut aussi
se justifier par l’attitude du Hamas qui s’est montré absent durant les
derniers combats de Gaza. Le Hamas n’a pas participé aux combats entre Israël
et le djihad islamique. L’élimination de Baha Abu El-Atta et l’attentat raté
contre le chef du djihad islamique Akram al-Ajouri vivant à Damas n'ont pas ravivé les esprits. L’escalade
s’est terminée le 14 novembre par une trêve négociée par les Nations Unies et
l’Égypte. Une délégation du Hamas s’est bornée à présenter par politesse ses condoléances au
secrétaire général du djihad islamique, Ziad al-Nakhalah, le 15 novembre ;
c’était le moins que la Hamas pouvait faire. Le chef-adjoint du bureau politique du Hamas, Saleh al-Arouri, a beau déclaré
que «les relations entre le Hamas et le djihad islamique sont excellentes»,
le cœur n’y était pas. En fait le Hamas
désapprouve depuis longtemps les actions d’Abou el-Atta contraires à sa stratégie.
On se perd aussi en conjectures sur les
raisons de la discrétion du Hamas lors des combats. Il a le culot de penser que, s’il coopérait avec le gouvernement israélien, il pourrait supplanter
l’Autorité palestinienne en Cisjordanie. On pense plutôt que le Hamas n’a pas
voulu ajouter au malheur de la population en participant à une guerre de grande
ampleur durant plusieurs semaines. Il a misé depuis longtemps sur une trêve et
pour l’instant il reste attaché à cette stratégie. C’est le seul moyen pour lui
d’obtenir les bonnes grâces d’Israël et de l’Égypte. Il souhaite obtenir d'Israël des avantages économiques pour redresser la situation dramatique de la la bande.
De toute façon, il sait que le djihad considère ses relations avec lui comme stratégiques et qu’il est contraint de faire fi des éventuelles divergences politiques. Au contraire, le djihad a tiré profit de son combat seul face à Israël pour rehausser son prestige vis-à-vis de la population et surtout de l’Iran auprès duquel il s’affirme comme la vraie puissance palestinienne.
De toute façon, il sait que le djihad considère ses relations avec lui comme stratégiques et qu’il est contraint de faire fi des éventuelles divergences politiques. Au contraire, le djihad a tiré profit de son combat seul face à Israël pour rehausser son prestige vis-à-vis de la population et surtout de l’Iran auprès duquel il s’affirme comme la vraie puissance palestinienne.
Ziad al-Nakhalah |
Mais pour autant, Hamas et djihad
continuent à coopérer sur le terrain et à échanger leurs compétences
militaires. Les récents combats ont montré la nécessité de leur
collaboration. S’ils ont analysé la situation de manière différente, ils ont compris la nécessité de renforcer la coordination. En fait, les divergences
sont mineures et pas suffisantes pour les diviser. C’est d’ailleurs à cet effet
qu'une délégation du Hamas, dirigée par un membre du bureau politique Khalil
al-Haya, était arrivée à Beyrouth le 25 novembre pour rencontrer Ziad Al-Nakhalah,
secrétaire général du Mouvement du djihad islamique en Palestine, afin de
coordonner leurs actions au lendemain de la dernière escalade.
Enfin, cela fait trois ans que le chef
du Hamas, Ismail Haniyeh, est bloqué à Gaza sur ordre des autorités égyptiennes. Il vient d'obtenir l'autorisation de traverser la frontière. Il a certes l’habitude de rencontrer des agents des services de renseignement
égyptiens agissant en tant que médiateurs avec Israël mais Al-Sissi lui
reproche d’entretenir des liens étroits avec des pays, le Qatar et la Turquie, que
le Caire considère comme des ennemis. En faisant profil bas durant le conflit
de Gaza, Haniyeh a espoir de retrouver sa liberté de circulation à travers le monde.
1 commentaire:
La permanence de ces divisions et animosités entre dirigeants palestiniens démontre à l'envie que leur objectif n'est pas la création d'un état palestinien mais uniquement la disparition d'Israël.
Ils savent parfaitement que la naissance d'un état palestinien exige avant tout l'union et la cohésion entre eux. Par contre, la guerre incessante contre israël est compatible avec leurs divisions et leurs surenchères.
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