Juif tunisien ou sioniste tunisien

JUIF TUNISIEN OU SIONISTE TUNISIEN

Par Jacques BENILLOUCHE

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        On pourrait dire de René Trabelsi : qu’allait-il faire dans cette galère ? Parce que le tourisme tunisien était en situation désespérée, on a fait appel à un Juif tunisien, un vrai professionnel du tourisme installé à Paris, pour raviver un secteur en phase finale. Le tourisme en Tunisie est le sang dans un corps malade et Trabelsi est bien placé car, quand le pèlerinage de Djerba va, alors tout va. Quoi de de mieux donc de choisir un Djerbien d’origine, comme ministre du tourisme, pour rameuter les Juifs de France et d’ailleurs pour qu'ils reviennent prier à la synagogue de la Ghriba. Il ne s’agit pas d’un acte religieux mais d’un symbole ; si le juif revient dans son pays natal c’est que la situation politique est claire.

            Ils étaient plus de 110.000 Juifs en 1948 et seul un millier subsiste encore. Or depuis de longues années, en fait depuis le départ de Ben Ali et l’avènement des islamistes au gouvernement, les touristes se font rares. La manne des exilés juifs manquait pour remplir les hôtels. Quelques Russes bravent ce que certains considèrent comme une zone dangereuse peuplée d’islamistes.

            René Trabelsi semble avoir réussi, au moins en inversant la courbe descendante des touristes. Mais on ne peut pas dire qu’il ait convaincu les Juifs, ni les Européens, de revenir en masse au pays parce que le gouvernement voue toujours les Juifs aux gémonies. Dans leur majorité, ils pensent que Juif est synonyme de sioniste et que par solidarité avec les Palestiniens, tout ce qui touche à Israël doit être proscrit. Sachant qu’on ne peut pas demander à un Juif d’ignorer Israël, alors tous les Juifs deviennent suspects.

            René Trabelsi a fait beaucoup de zèle car il tenait à ce poste ; il voulait être plus royaliste que le roi, plus tunisien que les Arabes tunisiens, au point d’abjurer son soutien à Israël. Il s'est même affiché aux côtés de Mahmoud Abbas. Rares sont les Juifs qui n’ont pas mis une fois le pied à Jérusalem mais lui l’a nié pour prouver qu’il était un Juif différent, un vrai dhimmi, comme du temps d’avant le Protectorat français. Mais rien n’y fit. Beaucoup n’ont pas compris sa conversion subite au nationalisme tunisien alors qu’il a quitté son pays natal quand rien ne l’y obligeait.

Manifestation contre Trabelsi

            C’est pourquoi les députés des blocs Al Karama et Errahma sont en train d’exercer des pressions sur le nouveau chef du gouvernement, Habib Jemli, voire de faire du chantage au vote, pour qu’il élimine du gouvernement l’actuel ministre du Tourisme René Trabelsi. Ils ne sont pas les seuls à être aveuglés par la vindicte populaire islamiste. La haine sans fondement contre un homme qui a montré ses bonnes dispositions professionnelles, et même nationalistes, se répand jusque dans les travées du Parlement. Il faut dire que certains ont une éducation limitée à la lecture du Coran au point de ne pas savoir distinguer les différentes facettes des Juifs. La réussite de ce ministre ne les intéresse pas car ils pensent que, quoi qu’il fasse, sommeille en lui un israélien sioniste.

Kais Saïed

            Pourtant René Trabelsi ne devrait pas être étonné depuis que le président nouvellement élu, Kais Saïed, a fait allégeance à l’islamisme pur et dur. Dans une vidéo officielle il a été clair vis-à-vis d’Israël : «Nous sommes en état de guerre avec le régime occupant et toute tentative de normalisation des relations avec ce régime est une énorme trahison. La normalisation des relations avec Israël n’est pas simplement un crime mais aussi une grande trahison. Celui qui traite avec l’ennemi israélien est un traître et sa trahison devrait être jugée le plus tôt possible. Nous sommes en état de guerre avec le régime occupant, un régime qui déplace la nation palestinienne et occupe ses territoires».

            Le ministre du tourisme aurait dû anticiper sa mise à l’écart et démissionner pour montrer son opposition ferme à ce discours d’un autre temps. Il ne fait plus l'unanimité, alors il doit partir la tête haute et ne pas attendre d'être remercié comme un vulgaire débutant. Puisque tous les Juifs sont sionistes, alors René Trabelsi l’est aussi et sa réussite ne peut masquer la haine vouée à tous les Juifs du monde et à ceux qui ont quitté leur pays natal pour rejoindre Israël. L’économie peut souffrir mais l’honneur des Tunisiens est sauf même si leurs poches sont vides et qu'ils attendent en silence l’amélioration de leur sort économique.

            René Trabelsi avait voulu montrer que le travail et la volonté arrivent à briser les murs d’incompréhension. Les deux blocs qui s’opposent à lui se targuent d’être les fervents défenseurs de la cause palestinienne que la majorité des pays arabes ignore depuis longtemps, par intérêt économique et politique. Mais il est difficile au nouveau gouvernement de braver la volonté de la majorité de la population intoxiquée par les islamistes, qui reste toujours crédule parce qu’elle est travaillée par des anachroniques qui jouent contre leur pays.  Qu’allait faire René Trabelsi dans cette galère ?