LIBAN : QUELLE MOUCHE A PIQUÉ MICHEL AOUN ?
Par
Jacques BENILLOUCHE
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Hasard ou prémonition, cet article a été publié la veille de la démission du premier ministre Hariri. On y trouvera quelques pistes pour comprendre sa décision. Des rumeurs font état de la volonté d'Hariri de ne pas retourner au Liban et de prendre la direction de son domicile parisien. Cela expliquerait pourquoi cette annonce a été faite à l'étranger.
Le président libanais Michel Aoun s’est senti obligé de faire de la surenchère verbale alors qu’il n’a pas les moyens de ses propos. Il prétend «qu’Israël ne serait pas en mesure de gagner une guerre contre le Liban» alors qu’Israël n’a jamais eu le projet d’attaquer ce pays sans défense. Certes, l’espace aérien libanais est traversé par l'aviation israélienne pour surveiller les camps du Hezbollah et les transferts d’armement à la milice mais, aucune frappe n’a touché les intérêts libanais. Au contraire, ces deux pays ont toujours une communauté de destin, celle d’une minorité dans un environnement musulman. Bachir Gemayel l’avait compris puisqu’il avait pris l’initiative de nouer des relations avec Israël avant d’être éliminé sur ordre des Syriens le 14 septembre 1982.
Le président libanais Michel Aoun s’est senti obligé de faire de la surenchère verbale alors qu’il n’a pas les moyens de ses propos. Il prétend «qu’Israël ne serait pas en mesure de gagner une guerre contre le Liban» alors qu’Israël n’a jamais eu le projet d’attaquer ce pays sans défense. Certes, l’espace aérien libanais est traversé par l'aviation israélienne pour surveiller les camps du Hezbollah et les transferts d’armement à la milice mais, aucune frappe n’a touché les intérêts libanais. Au contraire, ces deux pays ont toujours une communauté de destin, celle d’une minorité dans un environnement musulman. Bachir Gemayel l’avait compris puisqu’il avait pris l’initiative de nouer des relations avec Israël avant d’être éliminé sur ordre des Syriens le 14 septembre 1982.
Le
2 novembre, Michel Aoun a énoncé une vérité, celle qu'Israël ne «déclencherait
probablement pas une guerre contre le Liban» mais les raisons qu'il invoque manquent de crédibilité lorsqu’il prétend «qu’Israël ne pourrait pas la gagner».
Il veut réveiller le sentiment national que les Libanais n’ont jamais perdu malgré
les malheurs qu’ils ont supportés : «Chacun des Libanais est prêt
à résister devant le régime israélien. C'est vrai que notre pays est
petit mais nous avons, de nouveau, renforcé notre unité nationale, fondée
sur le rejet d'une agression militaire».
En fait, il
anticipe une provocation du Hezbollah qui pourrait mener à une confrontation
avec Israël tout en ne se sentant pas coupable d’avoir offert son pays à la milice
islamique et de lui avoir donné une tribune gouvernementale. Il ne cesse
d’ailleurs de défendre son accord passé avec le Hezbollah. Le personnage a
changé car il avait porté les habits de de Gaulle en s’exilant à Paris pendant
15 ans, mais son opportunisme l’a poussé à devenir le Pétain du Liban.
Hezbollah au Sud-Liban |
En
octobre 1990, le général Aoun avait lancé sa «guerre de libération»
contre l'occupant syrien, dont il sortira perdant. Il ne dut alors son salut
qu’à une exfiltration vers la France où il vécut en exil, sans droit à la
parole. Il retournera au Liban en avril 2005 quand la Syrie le lui permit sous
réserve qu’il aille à Canossa en cautionnant le protectorat syrien. Le général chrétien qui aurait pu faire
beaucoup pour empêcher les Chrétiens d’Orient d’être massacrés ou chassés en se liant à Israël, a
préféré se désintéresser de leur avenir au nom de la realpolitik. Il n’a rien
fait lorsque les Chrétiens quittaient le Liban pour la France ou les Etats-Unis. Il prétend certes qu’il est «l'ennemi de
personne et qu’il fait de son mieux pour entretenir de bonnes relations avec
les autres pays», mais le résultat est là ; il a bradé
l’indépendance du Liban aux islamistes.
Il
est vrai que sa liberté d’action a été écornée par le conflit syrien. Il
s’explique d’ailleurs : «Le Liban a accueilli actuellement
beaucoup de réfugiés syriens dont le nombre s'élève à la moitié de la
population libanaise. Ce nombre surélevé de réfugiés pose d'innombrables
problèmes pour un petit pays comme le Liban. Ils vivent dans des conditions
difficiles et leur incapacité à subvenir à leurs besoins pourrait rendre
le terrain propice à l'émergence de phénomènes frauduleux comme le pillage,
le meurtre et le vol». Il a pris position contre le démembrement de
la Syrie : «Pas mal de journaux américains ont déjà évoqué l'idée du
démembrement de la Syrie mais je pense que ce qui s'est récemment passé en
Irak, exclut toute tentative de ce genre. L'idée de démembrement a donc
échoué. En Syrie, on parle des Kurdes mais je crois que la communauté mondiale
est largement contre l'idée du démembrement de la Syrie».
Mais
le président Aoun maintient sa position de vassal vis-à-vis du Hezbollah, avec une indulgence étonnante, puisqu’il justifie que «les armes du Hezbollah défendent
le Liban face à Israël». Pourtant Israël n’a jamais visé directement
les Libanais, ni leur armée, ni leurs infrastructures et ni même leur régime. Il
a juste conseillé à Michel Aoun de désarmer le Hezbollah pour éviter un conflit. Mais le
général a refusé l'évidence en précisant que le Hezbollah n’utilisait pas ses armes dans la
politique intérieure : «Elles ne servent qu’à assurer notre
résistance face à Israël, qui occupe toujours une partie de notre territoire,
les 30 km² des fermes de Chebaa, et qui refuse d’appliquer les résolutions de
l’ONU sur le droit au retour chez eux des Palestiniens qui sont venus se
réfugier chez nous durant la guerre de 1948».
Il
a donc fait siennes les thèses périmées des Palestiniens et a même justifié
l’État dans l’État que constituait une armée étrangère au sein du Liban : «On
ne peut pas priver le Hezbollah de ses armes tant qu’Israël ne respectera pas
les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU. Israël aurait le droit de
faire la guerre comme il veut et quand il veut, tandis que les autres
n’auraient pas le droit de garder des armes pour se défendre».
Il a
défendu l’accord en trois points signé en 2006 avec Hassan Nasrallah : «Premièrement, les Libanais doivent régler tous leurs différends par le
dialogue. Deuxièmement, la démocratie consensuelle doit redevenir la base du
système politique au Liban. Troisièmement, les parties à l’accord s’engagent à
respecter en tout point la Constitution libanaise et le pacte national qui veut
que le chef de l’État soit toujours un chrétien maronite, le Premier ministre
un musulman sunnite et le président du Parlement un chiite».
Aujourd’hui, le général Aoun est
très mal placé pour se lancer dans des déclarations belliqueuses en cherchant à
singer Hassan Nasrallah. Il devrait
laisser le Liban en dehors du conflit palestinien ou syrien. Si son armée est
faible et son armement obsolète, bien qu’une amélioration soit visible, il n’y
a aucune raison qu’il accepte le retour en masse des guerriers du Hezbollah
quittant la Syrie. Le risque de déflagration est patent car les miliciens veulent en découdre. Israël ne menace pas
le Liban mais il ne peut pas accepter qu'il soit un lieu de stockage d’armes de destruction
massives iraniennes ni qu'il soit une base terroriste d’où partent les
missiles contre Israël. Le Liban a tout à perdre d’une ingérence dans un
conflit qui perdure et que les Grands n'ont pas réussi à résoudre. D'ailleurs sa déclaration n'a pas été appréciée par des membres de son gouvernement qui estiment qu'il fait la part belle au Hezbollah. De là à ce que certains le contestent, il n'y a qu'un pas qui pourrait être vite franchi.
Or toute provocation des islamistes chiites deviendrait un casus belli pour Israël, avec toutes les conséquences économiques pour un pays qui fut, il y a longtemps hélas, la petite Suisse du Moyen-Orient. Michel Aoun devrait donc appeler au calme plutôt que de brandir des menaces stériles. Le Liban a tout à perdre d'une nouvelle guerre qui détruirait toutes ses infrastructures alors que Beyrouth, devenu un petit Manhattan après sa reconstruction, renaît à la vie progressivement.
Mais les choses évoluent vite dans la région. Le premier ministre libanais, Saad Hariri, n’a pas apprécié la déclaration belliqueuse de son président. Il a annoncé le 4 novembre sa démission en accusant le Hezbollah chiite et son allié iranien de «mainmise» sur le Liban. Il dit aussi avoir peur d’être assassiné.
Or toute provocation des islamistes chiites deviendrait un casus belli pour Israël, avec toutes les conséquences économiques pour un pays qui fut, il y a longtemps hélas, la petite Suisse du Moyen-Orient. Michel Aoun devrait donc appeler au calme plutôt que de brandir des menaces stériles. Le Liban a tout à perdre d'une nouvelle guerre qui détruirait toutes ses infrastructures alors que Beyrouth, devenu un petit Manhattan après sa reconstruction, renaît à la vie progressivement.
Mais les choses évoluent vite dans la région. Le premier ministre libanais, Saad Hariri, n’a pas apprécié la déclaration belliqueuse de son président. Il a annoncé le 4 novembre sa démission en accusant le Hezbollah chiite et son allié iranien de «mainmise» sur le Liban. Il dit aussi avoir peur d’être assassiné.
2 commentaires:
“Pétain du Liban”, c’est un compliment. “Le Quisling maronite” lui conviendrait mieux .
Jacques Benillouche parle des Déclarations de Michel Aoun, Président du Liban, qui déclare tout et son contraire au sujet d’Israël.
Ce n’est plus une « Valse-hésitation », c’est une « indécision » gérée par un métronome.
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