L’ÉCONOMIE D’ISRAËL EST PLEINE DE
CONTRASTES
Par Jacques BENILLOUCHE
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L’économie d’Israël est tellement pleine de contrastes
que le pays peut être qualifié à la fois de nation en pleine expansion ou d nation avec une minorité de laissés-pour-compte. Il
est vrai que les entreprises de haute
technologie détournent l'attention des Israéliens sur certaines réalités
économiques masquées par la réussite dans des domaines où Israël détient une
grande expertise et un leadership reconnu.
Université Beer Sheva |
Toutes les villes du pays ne sont
pas logées à la même enseigne. Certaines régions ont connu la crise après la
guerre de 1973 mais ne se sont jamais relevées. Le gouvernement avait cependant constaté l’existence de disparités avec les villes du centre et celles du sud. Il a donc cherché à
faire de Beer Sheva, capitale du sud encore pauvre, le centre mondial de la
cybersécurité en y attirant des startups financées par JVP (Jerusalem Venture Partners), un fond de
capital-risque israélien en collaboration avec l’université Ben Gourion. La
prestigieuse unité 8200 des renseignements de l’armée devrait par ailleurs être
déplacée dans la région pour contribuer avec ses experts militaires au plan de
relance de la région.
Salle des opérations 8200 |
Le plein essor de l’économie est dû
aux 15% des investissements mondiaux en capital-risque dans la cybersécurité. Mais
l’innovation ne s’arrête pas là et s’exprime dans la technologie agricole et de
l’eau qui s’appuie sur l’expertise d’Israël dans l’agriculture désertique. Le Kibboutz
Revivim, dans le désert du Néguev, est un centre pionnier de l'agriculture du désert,
une station de recherche agricole dans une zone aride. Ses techniciens ont
réussi à trouver des méthodes innovantes pour exploiter les eaux saumâtres des
puits profonds du désert pour cultiver dans le sable leurs produits, tomates et
olives au léger goût salé. Ces
techniques ont été exportées dans le monde.
Les oliveraies de Revivim |
Dans un autre domaine, l’exemple
récent de la société Mobileye, qui développe des systèmes d’assistance pour les
voitures sans conducteur, est un élément de la diversification d’Israël dans
l’intelligence artificielle. Nous sommes loin de l’effondrement de l’économie
israélienne des années 1980, consécutif à la guerre de
Kippour de 1973 qui avait contraint le gouvernement d’augmenter les dépenses
de défense à 30% du PIB. En 1984, la dette publique culminait à 300% du PIB et
l’inflation flirtait avec les 450% par an.
Mais grâce à une politique
d’assainissement, ultra libérale cependant, le redressement de l’économie est
parvenu à une croissance annuelle moyenne de 4% et à une réduction record du
chômage à 4,3%, minimum incompressible. Le petit pays, qui n’avait que
des idées, devient à présent un exportateur de gaz vers l’Europe. La dette
publique est tombée à 62% du PIB à comparer aux 98,9% de la France. Le dollar
roi, qui représentait la devise unique pour les transactions commerciales, a
été remplacé par le shekel qui s’apprécie de mois en mois au point que la
Banque d’Israël doit intervenir sur le marché des changes en vendant des
devises pour calmer l’ascension de sa monnaie.
Les réserves de change de la
Banque d’Israël ont franchi le seuil des 100 milliards de dollars au début de
l’année 2017 face aux 148 milliards d’euros (172 milliards de dollars) en
France. Selon la Deutsche Bank, le shekel israélien est la 2ème monnaie la plus
forte du monde. Contrairement à certains pays européens, Israël n’a jamais
connu de récession, à savoir deux trimestres consécutifs de baisse de la
production.
Mais il faut garder raison car l’expansion
économique a créé en Israël deux économies distinctes. Israël du hightech
n’occupe de 10% des emplois. Le taux de pauvreté est le plus élevé du monde
occidental parce les ultra-orthodoxes ne travaillent pas pour se consacrer à l’étude
du talmud et vivent d’aumône tandis que la population arabe n’arrive pas à
atteindre les standards israéliens.
Distribution alimentaire aux orthodoxes |
Paradoxalement pour ce pays de haute
technologie, l’éducation nationale ne suit plus. Israël a obtenu en 2016 de
piètres résultats dans le PISA (Programme international pour le suivi des
acquis des élèves), un test des compétences en sciences, en mathématiques et en
lecture des jeunes de 15 ans du monde entier. La France est classée 26ème
sur 70 tandis qu’Israël occupe la 40ème place. Et l’on ne peut
accuser les Juifs ultra-orthodoxes de ce mauvais résultat puisqu’ils ne participent
pas au test. Or l’innovation passe impérativement par la formation de bons
élèves. Israël a la chance d’avoir une armée qui réussit à détecter les bons
éléments pour en faire des ingénieurs maison. Naftali Bennett, ministre de l’éducation,
est conscient de ces mauvais résultats. Il veut intervenir en amont en
améliorant la qualité des écoles de formation des enseignants.
Mais Israël reste à l’écart de ce
système de classement et ne mise pas sur le système éducatif. Tsahal se
substitue souvent aux universités, les division 8200 et 81 en particulier, qui
forment les créateurs des startups de demain. Les jeunes, dès l’armée, apprennent
la culture de l'entrepreneuriat. Les économistes pensent que la véritable
menace existentielle d'Israël reste sa faible productivité. Certes, après la
guerre du Kippour de 1973, grâce à un fort développement économique, la
productivité d’Israël a rejoint celle des pays du G7.
Femmes orthodoxes au travail |
Mais la croissance de ces
dernières années est liée à l’augmentation du nombre de travailleurs et non pas
à la productivité. La baisse des prestations sociales et l’augmentation du
coût de la vie a poussé les femmes ultra-orthodoxes à travailler. Pour des
raisons politiques de survie de la coalition, le gouvernement a limité les
budgets de l’éducation et les investissements dans les infrastructures au
profit des subventions contestées aux yeshivas (écoles talmudiques) ultra-orthodoxes et
aux implantations dans les territoires.
Le danger est à long terme car les
Juifs ultra-orthodoxes (7% de la population israélienne) et les Arabes (21%)
ont des taux de fécondité très élevés qui leur permettront de représenter,
ensemble, 40% de la population de demain avec par conséquent une baisse de
productivité. Benjamin Netanyahou, avec sa politique ultra-libérale, ne cherche pas à lutter contre la pauvreté
car il axe sa stratégie sur la baisse des dépenses publiques qui frappent les
plus défavorisés. Depuis le départ des travaillistes de la gouvernance, les
dépenses publiques sont passées de 80% du PIB en 1980 à 40%, le plus faible du
monde riche.
Supersol détient 40% du marché |
Les oligopoles et les monopoles ont
pris le pouvoir sur le marché israélien. L'indice de la facilité de faire
des affaires est un indicateur créé par la Banque mondiale en 2003. Il
mesure la réglementation des affaires et son application effective. L'indice
classe les économies de 1 à 189. Un bon classement signifie que l'environnement
réglementaire du pays est favorable aux activités commerciales. La France est
classée 29ème et Israël 52ème après avoir été 26ème.
Ce mauvais classement est dû à des salaires bas et à des prix élevés sachant
que le coût de la vie est de 20% supérieur à celui de la France. Certains
attribuent à tort à la certification cascher les raisons du renchérissement des
produits mais cela n’est qu’un alibi. La réalité des prix s’explique par l’existence
de monopoles qui imposent leurs prix, par des règles de quotas, par la liberté
des tarifs, par les barrières réglementaires et par des prix agricoles garantis.
Les goulets d'étranglement dans la construction et l'allocation des terres ont
fait grimper le prix du logement, à des prix supérieurs qu’en France. Cela
explique d’ailleurs la baisse conséquente de l’alyah car les candidats
n’arrivent pas à équilibrer leur budget quotidien. L’immigration de France, qui
en 2015 était la source la plus importante d’immigrants en Israël avec 7.328
immigrants, a continué à chuter, enregistrant une chute de 26 % cette année
avec un total de 3.138 nouveaux venus.
Les raisons sécuritaires sont dans
une large mesure un obstacle protectionniste. Les produits de Cisjordanie et de
Gaza, dont les coûts sont de loin inférieurs à ceux d’Israël, n’entrent plus
facilement comme si le gouvernement préférait des prix élevés pour s’assurer
des entrées de TVA à 17%. Plus les prix sont élevés et plus l'argent rentre dans les caisses de l'Etat. Au lieu de faciliter ce que Netanyahou avait défini hier
comme «la paix par l’économie», rien n’est fait pour laisser
entrer les produits à bon marché de nos voisins ce qui permettrait de soulager en
Israël les classes défavorisées contraintes à des restrictions sur leur
nourriture.
Classement santé publique |
Enfin
le dernier volet sur lequel Israël est largement sous la moyenne des pays de
l’OCDE, est la santé. L’OCDE place notre pays pratiquement à la fin des 35 pays
industrialisés.
La réussite économique d’Israël est
indéniable mais le chiffres sont têtus et parlent d’eux-mêmes. Cette réussite a
entraîné une fracture du pays en deux entités distinctes, celle d’une nation en
pleine expansion et celle d’une nation avec une minorité de laissés-pour-compte.
Cette réalité se traduit d'une part par la création d’une caste d’oligarques qui détient
les pouvoirs et l’argent et d'autre part, par l'émergence d'une classe de défavorisés avec un taux de taux de
pauvreté de 22% chez les Israéliens. Dans les années 1990, seuls 14% des Israéliens
vivaient sous le seuil de pauvreté alors que le pays était moins riche.
Mais la politique gouvernementale
est responsable car le combat pour le maintien et le développement des
territoires passe par un appauvrissement de l’Israël historique, celui de Ben
Gourion et de Rabin. On maintient les prix élevés de l’immobilier en ne
distribuant pas les nombreuses terres domaniales, comme l’avait promis le
ministre Moshé Kahlon, car il faut rendre attractifs financièrement les
logements au-delà de la ligne verte, pour des raisons politiques de
consolidation des implantations. Si 10% de la population israélienne est
heureuse alors, les autres n’ont pas le droit à la parole et tant pis si les
jeunes couples qui travaillent bouclent difficilement leurs fins de mois. C'est l'Israël des contrastes.
6 commentaires:
C'est pas une beauté l'université de Beer Sheva...et pas un panneau solaire sur la toiture..?
Toujours de bonnes informations sur Israel, mais comment accepter l'existence de 22% d'Israeliens enes pauvres..faudrait il que la manne financière liée à la vente du gaz puisse faire disparaître cette pauvreté...mais quand..?
Mme Najaud-Trajenberg, économiste originaire du Quebec,dans une conference a Montreal, avait parle du manque de main-d’œuvre et de la difficulté a intégrer les religieux et les arabes a cause de la culture et du progrès avec les femmes hassidiques qui ajoutent du beurre aux épinards.
Trop bon article qui, malheureusement, n'arrivera pas sous les yeux des preneurs de decision.
Israël n'étant pas un pays comme les autres, il est normal qu'une minorité se consacre à l'étude de la Thora et du Talmud. C'est cette minorité qui assure la pérennité de l'âme et de l'originalité d'Israël. Pourquoi voulez-vous les faire rentrer dans le monde du travail ? Vous croyez qu'étudier nos textes saints n'est pas "un travail" ? Les juifs sont là pour rappeler que la valeur d'un homme ne se réduit à son utilité sociale. Et puisque nous parlons d'"utilité", dans la Guemara de MAKOT (nous étudions aujourd'hui la page 10 selon le rythme du DAF YOMI), le texte interroge : Qu'est-ce qui fait qu'on peut se tenir debout à Jérusalem et ne pas craindre les guerres. Et le Talmud de répondre : c'est l'étude de la Thora. Naturellement le rappel de cette élémentaire et juive vérité ne plaira pas à tous ceux qui, experts ou non, réduisent l'homme à l'être qu'un tube digestif, tant l'éthique du produire et consommer leur tient lieu d'ultime sagesse !
Il y a certainement du vrai dans cet article qui veut démontrer que le gouvernement actuel ne gère pas bien le pays . Il y a peut être du vrai Mais ç est certainement exagere . Le Shekel est devenu la 2° monnaie du monde ( un classement vient d être le lieu . On peut dire sans se tromper qUe ç est une monnaie forte et la ç est une preuve de la vitalité économique de çe pays .
Il y a des pauvres, ç est un fait , Mais il y en a hélas partout . Les pays de la région sont très loin derrière Israel Et çe n est pas une vue de l esprit .La médecine est à un bon niveau mais bien sûr on peut toujours amélioré .
D une façon générale .on constate depuis quelques années qu Israel commerce avec de très grands pays ( pas bcp avec la France , ç est vrai ) . Le BDS n existe pas en Chine et aux Indes .
Je ne suis pas un spécialiste de l économie Mais la lecture des journeaux tend à montrer qu on parle beaucoup d Israrl si l on tient compte de son minuscule territoire ,de sa population .
Je conclus donc que Monsieur Benillouche ecrit avec sa plume trempée dans l encre de la Gauche qui refuse de se réjouir du relatif succès d israel . Ç est son droit le plus absolu .
@ René Seknadje
Je n'ai pas l'habitude de m'insérer parmi les commentaires des lecteurs. Je l'ai fait car cela fait plusieurs fois que vous lancez des attaques non justifiées, souvent personnelles.
Toujours cette façon absurde de classer gauche, droite et gauchiste. Vous avez votre opinion respectable mais il faudrait mieux lire mon article car mes chiffres sont officiels et les constatations peuvent être faites tous les jeudis à Ashdod ou à Ra’ananna ou à Jérusalem en assistant à la distribution par des bénévoles de paniers de victuailles de base aux pauvres. Vous lisez l’article avec les yeux d’un militant inconditionnel, c’est votre droit.
Moi j'informe pour que certains ne puissent pas dire qu'ils ne savaient pas. Vous avez tous les droits même celui de ne pas lire mes articles pour ne pas vous faire du mal.
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