LES JUIFS DE MEKNÈS
Portrait d’une communauté juive marocaine
Par Joseph TOLEDANO
Recension de Jacques BENILLOUCHE
Joseph
Toledano n’a pas seulement écrit un ouvrage sur la communauté juive de Meknès
mais une véritable encyclopédie sur l’histoire et la culture des Juifs du Maroc. Meknès a été fondée en 711 par la tribu amazighe des Meknassas, qui
lui a donné son nom. Elle porte d'autres surnoms tels que «le Versailles du Maroc», ou «le petit Paris» ou «la petite Jérusalem», soulignant la beauté de la cité, ce qui lui valut son titre de plus belle ville impériale du royaume.
L’auteur
prend prétexte de la ville de Meknès, dont il est issu, pour tracer en fait le
panorama des Juifs du Maroc et de leur histoire. En effet, il traverse toute
l’histoire du pays à travers celle de la ville qui fut, un moment, le quartier
général du Maréchal Lyautey. La population juive du Maroc était estimée en 1939
à 230.000 personnes. Dans les années 1950 et 1960, sous l'action des mouvements
sionistes et l'effet de la pauvreté, une très grande partie de la communauté
juive quitta le Maroc pour l'Amérique latine, les États-Unis, le Canada (et
particulièrement le Québec) et la France. Mais l'émigration vers Israël fut
prépondérante, légale entre 1948 et 1955, avec 70.000 personnes puis interdite
et clandestine entre 1955 et 1961 avec 65.800 personnes puis, après le naufrage
du navire le Pisces, à nouveau autorisée par Hassan II. La communauté juive du
Maroc est passée à moins de 70.000 lors de la guerre des Six jours en 1967
tandis que celle de Meknès déclina, passant de 15.482 personnes en 1947 à moins
de 3.000, vingt ans plus tard. Aujourd'hui moins de 200 Juifs résidaient encore à
Meknès.
Joseph Toledano |
Joseph Toledano a
fait un grand travail d’historien en publiant de nombreux témoignages et des
photos inédites d’époque. Ainsi il pointa du doigt l’obstruction, voire la
complicité, des autorités françaises de tutelle : «La création de
l’État d’Israël n’avait pas suffi à convaincre la Résidence de légaliser les
départs vers le nouvel État, en arguant de la poursuite de l’état de guerre. La
seule solution légale pour les candidats au départ restait l’obtention d’un
visa de tourisme pour la France, délivré d’ailleurs avec une extrême
parcimonie».
Il souligna déjà le «préjugé
de discrimination politique» subi par les dirigeants sionistes
marocains immigrés, qui ne trouvèrent pas la place à laquelle ils avaient droit, compte tenu de leur passé sioniste. Après la libération des voyages en 1949, l’alyah légale dépassa les 10.000
départs pour la seule année 1949, dont 600 pour la seule ville de Meknès. «Puis
à partir de 1952, les chiffres allaient commencer à baisser. Les échos des
échecs, conséquence de la discrimination dont étaient victimes les immigrants
du Maroc, combinés à la sévère sélection pratiquée par les autorités
israéliennes, devait ralentir pour presque arrêter le flux migratoire. À
Meknès, le nombre de retour dépassa celui des départs».
Medina de Meknès |
L’auteur raconte avec
détails les informations inédites qui expliquent les tragiques événements subis
au Maroc par les Juifs ainsi que paradoxalement le manque de chaleur des
autorités israéliennes à les intégrer. Il rappelle qu’en 1957, «l’immigration
clandestine était devenue la presque unique voie de sortie. Les arrestations
d’immigrants clandestins se multiplièrent». Mais malgré le danger
qu’ils ont couru pour parvenir à destination, les Juifs n’ont pas été accueillis avec
ferveur comme si leur arrivée dérangeait. En filigrane, il laisse entrevoir les
faits qui allaient conduire au soulèvement des panthères noires, ces
Juifs marocains défavorisés qui ne pouvaient plus souffrir d’être abandonnés
par le gouvernement israélien de l’époque, profondément anti-séfarades.
L’auteur sort ensuite
du récit politique pour aborder la tradition des Juifs marocains, la culture du
pays, l’amour de l’étude de la Torah, les institutions religieuses et la vie de
tous les jours dans un Maroc où la population était partagée entre le
nationalisme arabe et l’appartenance à une communauté spécifique. L’intérêt
pour les écritures sacrées conduisit de nombreux Juifs de Meknès à émigrer à
Tibériade en Palestine au milieu du XIXe siècle, donnant à cette ville le
surnom de Petite Meknès.
Rabbins avec le roi du Maroc |
Il est difficile de résumer ce gros ouvrage de référence de 560 pages, d'excellente qualité graphique, qui se lit facilement, presque d’une traite. Il ne concerne pas
uniquement les Juifs de Meknès mais tous ceux qui ont vécu en Afrique du nord
car les passions et les problèmes restaient les mêmes. L’œuvre est indispensable
parce que les mémoires s’éteignent au fil d’un temps qui voit disparaître les
témoins d’un passé glorieux et douloureux. Il s’agit d’un témoignage brûlant
sur les Juifs qui ont vécu une vie de dhimmis dans un pays arabe, qui les a
tolérés mais jamais assimilés. Il permet aussi de comprendre la rancune de
certains dirigeants israéliens actuels, d’origine marocaine, qui semblent
chercher une revanche contre les apparatchiks socialistes qui les ont maintenus
à l’écart du pouvoir, à l’écart de la gouvernance, à l’écart de la vie tout
court pour aujourd’hui faire preuve d’une volonté d’en découdre.
Joseph Toledano est historien,
conférencier, ancien diplomate au ministère des affaires étrangères d’Israël,
né à Meknès en 1938, et installé à Jérusalem depuis 1963. Diplômé de l’Institut
de formation des cadres pour les mouvements de jeunesse de Jérusalem, licencié
en droit et diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris, il est l’auteur
de dix livres sur l’histoire et le patrimoine culturel du judaïsme
nord-africain en général et marocain en particulier, parus en français et en hébreu.
Commande auprès de :
Joseph Toledano
BP 26308
Jérusalem 9126201
Tel : (972) 52.698.52.33
Mail : yosef.toledano@gmail.com
Prix de l'ouvrage : 150 shekels
Prix de l'ouvrage : 150 shekels
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