ERDOGAN : LE CLASH PERMANENT AVEC ISRAËL
Par Jacques BENILLOUCHE
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C’est à se demander si Israël a bien fait de renouer des relations diplomatiques avec le Turc Recep Tayyip Erdogan qui s’acharne à provoquer Israël sur des questions sensibles. Un allié de cette trempe est pire qu’un ennemi en titre. Il a rencontré, le 8 mai à Istanbul, le premier ministre palestinien Rami Hamdoullah et il s’est senti obligé de confirmer «la nécessité d'unifier les efforts pour protéger Jérusalem contre les tentatives de judaïsation». Israël pourrait se passer d’un allié aussi encombrant.
Certes Erdogan ne s’est pas montré différent de sa véritable nature mais, au lendemain d’une longue brouille, il aurait pu avoir la délicatesse d’éviter les sujets qui fâchent. Il s’estime investi d’une mission internationale que lui auraient confier les pays musulmans : «la Turquie avait une responsabilité historique à Jérusalem depuis que l'Empire ottoman occupait la ville au XVIème siècle».
Le maire de Jérusalem, Nir Barkat, s’est chargé de lui rappeler qu’il existait «des racines juives dans tous les coins de la ville» et qu’Israël n’a jamais eu l’intention de «judaïser» Jérusalem et les Lieux Saints puisque la ville est ouverte à toutes les religions. Il l’a d’ailleurs invité à venir visiter la capitale : «J'invite Erdogan à visiter notre ville et à être émerveillé par la réalité sur le terrain ; une réalité qui n'a changé que pour le meilleur puisque les Turcs ont gouverné ici».
Nir Barkat |
On ignore pourquoi Erdogan a soudain lancé les hostilités comme s’il regrettait d’avoir renoué avec les Israéliens. Ses accusations fusent : Israël est un pays «raciste et discriminatoire» en faisant allusion à l’interdiction de l'appel musulman à la prière (adhan) au moyen de haut-parleurs entre 11 heures et 7 heures du matin. Il a interprété cette loi comme une violation de la liberté universelle de religion et de conscience alors qu’il s’agit d'une loi environnementale plutôt que d'une loi religieuse. Il a encouragé les Musulmans à être nombreux «pour stimuler la revendication islamique de la ville et soutenir nos frères là-bas» en prenant exemple sur les 26.000 Turcs qui avaient visité Jérusalem l’an dernier.
Il s’exprimait au Forum international Al-Qods Waqf dans la plus grande ville de Turquie : «Chaque jour que Jérusalem est sous occupation est une insulte pour nous. En ce qui concerne notre religion et notre responsabilité historique, Al-Qods et la lutte de nos frères palestiniens pour les droits et la justice nous revêtent une grande importance. Nous continuerons à faire des efforts pour que Al-Qods se transforme en une ville de paix».
Ahmed Toufiq |
Un des ministres marocains a réagi en écho : «Il est inimaginable d’envisager une paix juste à Al-Qods Acharif et encore moins dans toute la région et même dans le monde si l’identité civilisationnelle et le cachet architectural, religieux et culturel d’Al Qods sont dénaturés», a souligné le ministre des Habous et des Affaires Islamiques Ahmed Toufiq.
Emmanuel Nahshon |
La réaction officielle d’Israël a été immédiate et sans détour ; le porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères, Emmanuel Nahshon, a déclaré : «Quiconque viole systématiquement les droits de l'homme dans son propre pays ne doit pas prêcher la morale à la seule véritable démocratie de la région». Il faisait référence à la purge politique qui sévit depuis plusieurs mois à la suite de l’échec du coup d’État de juillet 2016. Nahshon a ajouté : «Israël protège constamment la liberté totale de culte pour les Juifs, les Musulmans et les Chrétiens, et continuera à le faire malgré les frottis sans fondement lancés contre elle».
On ignore les raisons de cette brutale mauvaise humeur turque mais il semble bien que le fil coupé pendant les années de brouille ne se soit pas encore rétabli, bien que les ambassadeurs respectifs aient repris leurs fonctions. Il est vrai que les touristes israéliens, exceptés les musulmans, boudent depuis longtemps les plages du sud de la Turquie au profit de la Grèce et des pays de l’Est. Or c’est vital pour l’économie turque. Mais cette agressivité ne les fera pas revenir, au contraire. Israël attend certainement que l’orage passe mais pour l’instant les invectives dominent.
Antalya est vide de touristes israéliens |
Pourtant, les enjeux économiques et énergétiques ont contribué à rapprocher la Turquie et Israël. La découverte de gisements importants en Méditerranée constitue une opportunité pour la Turquie puisqu’Israël est devenu un exportateur de gaz. Le processus de réconciliation entre Tel Aviv et Ankara avait des racines économiques. Les Israéliens sont performants en matière de hautes technologies, ce dont la Turquie a besoin pour moderniser son économie. L’armée turque a besoin d’armement israélien. Mais Erdogan, qui vise le leadership des pays musulmans, semble prêt à brader ses intérêts avec Israël.
2 commentaires:
Israël a voulu dîner avec le diable, mais sa cuillère était-elle assez longue ?
Très savoureuse l'accusation d'Erdogan, quand on connaît le prosélytisme et l'expansionnisme de l'Islam, et aussi celui de la chrétienté qui tente toujours d'évangéliser sur tous les continents, au contraire du judaïsme.
En outre, comme il le dit bien, une terre une fois musulmane l'est pour toujours, alors la voir entre les mains d'infidèles, et en particulier les Juifs, coupables de ne pas avoir immédiatement suivi leur prophète, c'est une rude épine en travers de la doxa.
Dans ce cas précis, le logiciel n'a pas changé !
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