L’arrestation du soldat franco-israélien
accusé d’avoir achevé un Palestinien, auteur d’une attaque au couteau, d’une
balle dans la tête alors qu’il gisait à terre, déjà blessé de plusieurs balles,
divise profondément le pays. La vidéo diffusée par B’’Tselem, le 24 mars montrait le soldat israélien, armant son fusil d’assaut
puis tirant dans la tête d’un Palestinien. A
priori cela ne faisait aucun doute, il s’agissait d’une bavure commise
par un jeune soldat de 19 ans qui avait contrevenu aux consignes données par
l’encadrement militaire pour ouvrir le feu :
ne tirer que s’ils sont en danger.
Soldat A. |
L’autopsie pratiquée par la suite,
au début de cette semaine, a montré que
la mort du terroriste était due à ce dernier coup de feu tiré à bout
portant. Cet acte avait été condamné dans les heures qui ont suivi par
Benyamin Netanyahou qui avait déclaré : «Ce qui s’est passé ne représente pas les valeurs de l’armée» et
par le ministre de la défense Moshe Yaalon qui apportait un plein soutien au chef
d’État-Major de Tsahal. Depuis la politique s’en est mêlée !!
Sous la pression des hyper
nationalistes religieux et de l’extrême droite de son gouvernement, le premier
ministre a fait machine arrière.
Désavouant en quelque sorte les autorités militaires, il a assuré de son
soutien les parents du conscrit en leur disant «en tant que père de militaire je comprends votre détresse, les soldats
doivent prendre des décisions en
temps réel, sous la pression et face à
l’incertitude». Il faisait référence
aux attentats qui frappent les soldats israéliens en Cisjordanie, à Hébron, en
particulier, et contre lesquels ils doivent se défendre tout en essayant d’appliquer des consignes de
modération, qu’ils doivent respecter.
Yaalon visé politiquement |
Une tension permanente pèse sur les
épaules de ces gamins, la peur aussi et il n’est pas étonnant que certains
puissent craquer et se livrer à des actes que la morale réprouve. Le premier
ministre a rassuré la famille en ajoutant que : «l’enquête prendrait en considération
toute la complexité de cette affaire». En s’exprimant ainsi, il exerçait
une pression sur la justice, il faisait
fi de la nécessaire séparation, dans une
démocratie et Israël en est une, du pouvoir judiciaire et du pouvoir exécutif. Mais il se trouvait en
phase avec un sondage du weekend dernier,
dans lequel 57% des Israéliens estiment que le soldat n’aurait pas dû être arrêté
et 68% que le chef d’État-major a eu
tort de le condamner publiquement. Ces résultats confirment, s’il en était
besoin, le virage à droite et même à l’extrême-droite de la société
israélienne. La Cour Suprême était déjà vouée aux gémonies, c’est maintenant le
commandement de Tsahal qui est remis en question.
Cour Suprême |
Certains s’étonnaient, ne
comprenaient pas, mais nous, nous étions
fiers, qu’Israël puisse demeurer une démocratie malgré l’état d’urgence, l’état
de guerre dans lequel il est plongé depuis des dizaines d’années, que les
droits de la minorité arabe puissent être globalement respectés, que cette
minorité soit représentée au Parlement et même à la Cour Suprême, malgré les
attentats et les intifada successives. Les gouvernements de droite, qui
s’étaient succédés avaient réussi, eux aussi,
à résister aux pressions de leurs extrémistes et à maintenir le statu quo mais ce statu quo n’est
plus possible.
Des zélotes sont au pouvoir au sein
du gouvernement, ils bloquent tout compromis avec les Palestiniens qui
comporterait l’évacuation de certains territoires occupés ou même une évacuation unilatérale. Ce qui a été
possible avec Sharon ne l’est plus aujourd’hui. Ils ont laissé s’installer une
situation sans issue et les Palestiniens, qui savent pertinemment que le retour
aux frontières de 1967, que le retour des réfugiés ne sont plus possibles,
refusent se faisant toute négociation. Or il faut être deux pour négocier, les Palestiniens ne le veulent pas ; ils
laissent se poursuivre la guerre des couteaux. Les dirigeants des deux côtés,
malheureusement, se satisfont de cette situation qui ne les oblige pas à faire les
choix décisifs.
Yaalon à la Knesset |
Les
Israéliens doivent retenir cette déclaration de Moshe Yaalon à la Knesset au
sujet du drame d’Hébron et qui a valeur d’avertissement : «Si nous
perdons nos valeurs morales, nous allons perdre aussi la guerre contre le
terrorisme».
5 commentaires:
Monsieur Akoun, une fois n'est pas coutume, je suis d'accord avec votre article. Rien à ajouter de plus, vous avez tout dit.
Bien cordialement
Véronique Allouche
Et en même temps, comment ne pas voir qu'un jeune homme de 19 ans est jeté en pâture aux politiques, par ceux-là même qui lui ont mis un fusil entre les mains, au motif qu'il avait "contrevenu aux consignes" ?
@marianne
Marianne, imaginez le même scénario en France. Un militaire qui tuerait à bout portant un terroriste à terre et de surcroît blessé. Toute la classe politique, gauche en tête, s'insurgerait. J'imagine le peuple dans la rue chauffé à blanc par les médias et les "droits de l'hommiste", par tous ceux qui acceptent la protection des militaires mais qui refusent la déchéance de nationalité au motif de "pas d'amalgame". La récupération politique serait de mise, comme elle l'est en Israël. Ceci dit concrètement, un homme portant une arme doit en avoir la maîtrise même s'il n'a que 19 ans. Il aura sans doute une peine relative mais ne pas le juger serait la porte ouverte à toutes sortes de dérives. La démocratie ne doit pas permettre ce genre de bavure.
Bien cordialement
Véronique Allouche
Bien sur que vous n'avez pas tord et cela ne changeras pas mon amour profond pour cette armée,19 ans ou pas quand un salopard vient de louper votre copain,vous ne tenez pas à être le second en joue.
Lors de mon service militaire,cette problématique revenait régulièrement et les gens qui nous avaient "instruits"du métier des armes,avaient presque tous connus des moments pareils,j'ajoute que c'était dans une compagnie de combat de l'armée française:3è RIMa.
Les déclarations sont ce qu'elles sont,mais laissons faire l'armée car les déclarations politiques n'arrange rien.Pour ma part je soutient ce soldat.
Chère Véronique,
Je n'ai pas le moindre doute que si le même scénario se déroulait en France il en serait autrement qu'en Israël. Mais je n'en reste pas moins persuadée que les politiques qui, comme chacun peut le constater en ce moment, transgressent les lois de la morale sans vergogne, la plupart du temps par cupidité ou pour asseoir ou consolider leur pouvoir, sont bien mal placés pour donner des leçons aux militaires qui prennent tous les risques - y compris celui de perdre leur âme - quand il s'agit de défendre la vie de leurs concitoyens.
Très cordialement.
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