EGYPTE-ARABIE : MODÈLE POUR UN ACCORD AVEC LES PALESTINIENS
Par Jacques BENILLOUCHE
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Dans
la guerre qui s’est engagée contre Daesh, Benjamin Netanyahou n’entreprend rien
sur le plan diplomatique et militaire sans en référer au préalable à ses trois
alliés de fait dans la région : la Jordanie, l’Égypte et l’Arabie saoudite. Il était
poussé depuis longtemps à nouer des relations avec ces pays arabes dits «modérés». Ces
trois pays arabes ont trouvé le plus petit dénominateur commun qui les unissait
à Israël. Chacun, après avoir soulevé ses propres raisons, a écarté de ses
priorités le litigieux conflit israélo-palestinien pour trouver un consensus
sur les autres sujets. Les trois pays
ont en effet décidé d’axer leur politique sur les nouveaux dangers qui les
guettent : l’ennemi iranien, le terrorisme international et l’islamisme
radical.
Le roi Salmane et Sissi |
Les
Saoudiens redoutent l’influence croissante des chiites dans plusieurs pays jusqu’alors épargnés. Pour eux l’ennemi reste
l’Iran avec sa capacité de nuisance qui les a poussés à prendre fait et cause
pour la rébellion syrienne afin de faire tomber le régime d’Assad soutenu par
le Hezbollah. Les Saoudiens n’ont pas apprécié la retenue des Américains face
aux Iraniens. Wikileaks avait d’ailleurs révélé que l’ancien chef des
renseignements, le prince ben Abdelaziz al Saud Moukrine, avait ouvertement
exprimé ses craintes à propos de l’Iran mais il n’a pas été entendu par les
États-Unis.
Les
princes sunnites saoudiens ont rejoint l’analyse d’Israël tendant à considérer
les mollahs iraniens comme des activistes dont les visées expansionnistes sont
une menace non seulement pour le Royaume mais aussi pour toute la région. Face
à l’implication de l’Iran en Syrie,
l’Arabie a accru ses livraisons de missiles portatifs sol-air aux
rebelles. Les dirigeants saoudiens qui gèrent la politique sécuritaire du
royaume, ont ainsi pris langue avec les Israéliens pour obtenir conseils et
assistance.
L’Arabie
a facilité l’infiltration en Syrie d’agents arabisants du Mossad chargés de
recueillir des informations sur l’évolution et l’état des forces en présence.
Israël s’intéresse moins aux Syriens qu’aux miliciens libanais du Hezbollah et
à la brigade Abou Fadl el-Abbas, venue d’Irak pour se rapprocher des frontières
juives. L’ancien chef des services secrets saoudiens, le prince Turki al-Faïçal,
avait estimé que cette brigade représentait les «mâchoires d’acier» de
l’Iran et il craignait une répétition de ce qui s’était passé en Irak et en
Afghanistan, totalement vassalisés par les mollahs.
brigade Abou Fadl el-Abbas |
Les
Israéliens voient d’un bon œil une coopération militaire avec l’Arabie dans le
cadre d’une complémentarité des moyens. Les Saoudiens ont accru leurs dépenses
militaires de manière significative, avec près de 52 milliards d’euros pour sa
défense et sa sécurité ; le quatrième plus gros budget militaire dans le
monde. Par intérêt, Israël élude les critiques qui lui sont faites de collaborer
avec un régime autocratique parce qu’il pense que les pays qui s’arment le
mieux sont ceux qui résistent le plus au danger islamiste. Il est vrai que
Riyad est engagé à la tête d’une coalition arabe qui combat actuellement les
rebelles Houthis (chiites, soutenus par l’Iran) au Yémen ainsi que par les
menaces proférées encore récemment par Abu Bakr al-Baghdadi, le chef de l’État
islamique (Daesh). Par ailleurs, l’Arabie Saoudite finance l’acquisition
d’équipements militaires au bénéfice de certains de ses alliés, l’Égypte et le
Liban en particulier.
Face
au nouveau danger, les pays arabes modérés se trouvent donc contraints de se
liguer contre l'État islamique. L’Arabie saoudite s’est effectivement mobilisée
pour une confrontation mais elle sait
qu’elle ne pourra pas en venir à bout toute seule. Malgré son intervention au Yémen, ses soldats manquent d’expérience et risquent d’être débordés. C’est
pourquoi elle a fait appel aux troupes égyptiennes pour voler à son secours en
cas de besoin. L’Égypte a immédiatement mis sur pied un commando
expéditionnaire pour aider l’Arabie à
renforcer ses défenses frontalières. Ces mesures font suite aux renseignements
fournis aux Saoudiens révélant que des combattants djihadistes se dirigent
vers la frontière saoudienne pour prendre le contrôle du point de passage Arar
à la frontière irakienne. Les Saoudiens ont aussi appris que des avions cargos,
au départ d’Iran, déversaient tous les jours 150 tonnes de matériel militaire à
l’aéroport militaire de Bagdad démontrant ainsi la synchronisation
opérationnelle étroite entre le commandement iranien à Damas et à Bagdad.
C’est
dans ce contexte que s’inscrit le nouvel accord avec l’Égypte qui a transféré
à l’Arabie deux îles Tiran et Sanafir, à la surprise générale et à la suite de
négociations secrètes où Israël a été impliqué en raison des clauses
limitatives du traité de paix de 1979. Israël, qui s’était jusqu’à
présent opposé à ce transfert, a reçu un document officiel signé par les deux
pays arabes. Le but est de renforcer le président Sissi dans l’intérêt de la
stabilité de la région. Cela prouve qu’Israël, l’Arabie et l’Égypte se sont
engagés sur une nouvelle ère de relations géostratégiques et diplomatiques. On
peut considérer qu’il s’agit d’un événement majeur dans les relations
tripartites. Israël a reçu l’assurance que la libre circulation dans le détroit
de Tiran, qui contrôle l’accès à la ville d’Eilat, lui sera assurée. Les
Américains ont co-signé l’accord en gage de garantie.
Ce
transfert d’îles prouve l’étendue de la coopération avec l’Égypte qui partage
la même stratégie qu’Israël sur la bande de Gaza et sur le Hamas et la même inquiétude
sur la montée en puissance de l’Iran et de la Turquie. Israël joue à présent le
rôle de stabilisateur dans la région. Bien sûr, le président Sissi est critiqué
chez lui pour avoir bradé une partie du territoire national mais il s’est
expliqué en rappelant que ces îles ont toujours été la propriété de l’Arabie qui
les avait transférées à l’Égypte en 1950 pour empêcher l’armée israélienne d’en
prendre le contrôle; un juste retour des choses. C’est le cadeau de Sissi
au roi Salman qui s’est engagé à aider l’Égypte pour les cinq prochaines années
pour lui rendre sa solvabilité économique. De gros investissements saoudiens
sont planifiés en Égypte pour sauver l’économie égyptienne d’un éventuel
effondrement.
Mais
ce transfert reste un symbole, sinon un modèle, pour la résolution du conflit
palestinien. Il prouve que des échanges de terres peuvent générer une solution.
L’Égypte songe en particulier à agrandir
la bande de Gaza vers le sud pour la rendre plus viable en mordant sur le Sinaï
égyptien. Mais Israël doit en contrepartie compenser cette donation par
l’octroi d’une bande le long de la frontière avec l’Égypte, prélevée sur le
Néguev. On voit ainsi se profiler l’idée du principe d’échanges de territoires
entre la Jordanie, la Cisjordanie et Israël.
On retrouve les éléments de la
stratégie de défense d’Israël dans la promotion d’accords avec les pays
sunnites modérés. Ce n’est pas nouveau puisque l’on se souvient du plan de paix
proposé en 2002 par l’Arabie saoudite, rejeté en bloc par Israël. L'Arabie
saoudite, qui est suspectée d'avoir aidé les organisations djihadistes par
l'intermédiaire d'organismes de charité, est considérée comme l'inspirateur
idéologique de ces mouvements radicaux. Mais elle s'est amendée en changeant de politique le jour
où elle a été la cible de plusieurs attentats revendiqués par Daesh.
Israël
considère à présent les Saoudiens comme des alliés dans le cadre des
recompositions géopolitiques dans la région. Des informations font état d’une
visite du chef du Mossad, Yossi Cohen, à Istanbul pour rencontrer des
responsables arabes réunis à l’occasion de la conférence de l’Organisation de
Coopération islamique. Une rencontre à l’hôtel Marriott est prévue avec le
ministre saoudien des Affaires Étrangères Adel al Jubeir, le chef de la
Diplomatie turque Mevlüt Çavuşoğlu et le ministre qatari des Affaires Étrangères
Abdel Rahman Al Thani. Il s’agirait d’une première étape vers la normalisation
des relations avec l’Arabie.
La Jordanie a aussi mesuré le danger qui menace ses frontières bien qu’elle ait montré une certaine neutralité dans le conflit syrien. Elle avait tenté, en vain, une médiation avec Bachar Al-Assad. La nouvelle donne l’a engagée à mettre deux couloirs aériens à la disposition de l’aviation israélienne. À tout moment, les drones israéliens peuvent donc pénétrer librement dans l’espace aérien jordanien pour observer la situation au nord de la Syrie. Elle a été informée par les Israéliens de la détérioration de la situation à ses frontières en raison de la progression des djihadistes qui se rapprochent du plateau du Golan. Deux couloirs aériens ont été ouverts, l’un depuis le sud de la Jordanie à partir du désert du Néguev et l’autre au nord d’Amman, permettant aux Israéliens d’éviter de survoler le sud-Liban. Ce grand privilège a été octroyé par le roi Abdallah II qui craint une déstabilisation de son pays suite à l’afflux de centaines de milliers de réfugiés syriens. Les Israéliens l’ont assuré qu’ils lui prêteraient main forte en cas d’attaque car ils sont convaincus que la chute de la Jordanie serait un risque mortel pour eux. Les militaires israéliens sont très inquiets de la récente montée en puissance de certains groupes terroristes opérant à quelques kilomètres de ses frontières.
La Jordanie a aussi mesuré le danger qui menace ses frontières bien qu’elle ait montré une certaine neutralité dans le conflit syrien. Elle avait tenté, en vain, une médiation avec Bachar Al-Assad. La nouvelle donne l’a engagée à mettre deux couloirs aériens à la disposition de l’aviation israélienne. À tout moment, les drones israéliens peuvent donc pénétrer librement dans l’espace aérien jordanien pour observer la situation au nord de la Syrie. Elle a été informée par les Israéliens de la détérioration de la situation à ses frontières en raison de la progression des djihadistes qui se rapprochent du plateau du Golan. Deux couloirs aériens ont été ouverts, l’un depuis le sud de la Jordanie à partir du désert du Néguev et l’autre au nord d’Amman, permettant aux Israéliens d’éviter de survoler le sud-Liban. Ce grand privilège a été octroyé par le roi Abdallah II qui craint une déstabilisation de son pays suite à l’afflux de centaines de milliers de réfugiés syriens. Les Israéliens l’ont assuré qu’ils lui prêteraient main forte en cas d’attaque car ils sont convaincus que la chute de la Jordanie serait un risque mortel pour eux. Les militaires israéliens sont très inquiets de la récente montée en puissance de certains groupes terroristes opérant à quelques kilomètres de ses frontières.
Les
trois pays arabes sunnites de la nouvelle coalition ont donc aujourd’hui tout
intérêt à coopérer avec l’État hébreu dans sa lutte contre ces activistes. La
coordination tripartite de la sécurité régionale a été développée pour contrer
la menace commune des djihadistes dans le Sinaï. Il s'avère que des
bases politiques peuvent être posées pour un éventuel accord avec les Palestiniens
rejoignant ainsi le plan d’échanges de territoires conçu par la nationaliste
Avigdor Lieberman. Des rumeurs de négociations secrètes entre Netanyahou et Abbas circulent d'ailleurs en ce moment.
1 commentaire:
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