DE NOUVELLES
ÉLECTIONS SE PROFILENT EN ISRAËL
Par Jacques BENILLOUCHE
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Ouverture de la Knesset |
Les douze blocs ou partis politiques, présents à la Knesset à travers 120 députés, illustrent l’éclatement de l’échiquier politique. La cause est due au faible pourcentage de voix qu’une liste devait réunir pour pouvoir entrer au Parlement. La barrière était fixée à 2% des suffrages exprimés pour les élections de janvier 2013 et elle a été relevée, en mars 2014, à 3,25% pour qu’une liste soit éligible.
Si 76.000 voix
suffisaient pour entrer à la Knesset, il en faut à présent 124.000 au minimum pour être
sélectionné. Un député étant désigné par tranche d’environ 28.500 voix, aucun
parti ne pourra siéger à la Knesset s’il ne comprend pas au moins quatre députés.
Les micros-partis sont donc condamnés à disparaître ou à s’allier. Cette mesure vise surtout à limiter
l'influence des petites formations charnière qui, avec quelques députés
faisaient la pluie et le beau temps.
Instabilité chronique
Bien que la loi stipule que
les élections législatives ont lieu tous les quatre ans, nous constatons que depuis
quelques années la Knesset ne va jamais au bout de sa législature. De
fréquentes élections anticipées sont organisées en raison de l’instabilité du
système politique. Il devient une constante en Israël qu’une coalition gouvernementale
n’arrive pas à tenir plus de deux ans face aux rivalités internes et aux
intérêts personnels divergents.
Bennett, Netanyahou et Lapid |
Alors à nouveau on s’achemine aujourd’hui
inexorablement vers de nouvelles élections en Israël. En
effet, le ministre de l'Économie
Naftali Bennett, menace tous les jours de se retirer du gouvernement si une
nouvelle libération de prisonniers arabes israéliens intervenait dans le cadre
des pourparlers en cours : «Si la proposition de libérer des
assassins israéliens est portée devant le gouvernement alors, le Foyer juif s'y opposera ». Il s'oppose aussi à tout accord de paix qui cède une partie de la Cisjordanie. Sa
menace devient de plus en plus pressante bien que Netanyahou ne soit pas prêt à accepter les injonctions de Habayit Hayehudi :
«je choisirais les élections plutôt que Bennett ».
La recomposition politique est
déjà en marche tandis que le relèvement du seuil d’éligibilité entraîne une
porosité dans les frontières entre partis. Tous les hommes politiques se
préparent donc à cette éventualité. Ainsi le rabbin Amsalem, ancien député du
parti orthodoxe séfarade Shass, qui avait mené sans succès sa propre liste aux
dernières élections et qui est certain de ne pas atteindre le minimum de voix
requis, a choisi le pragmatisme en se présentant aux primaires du Likoud. S’il
est élu, il perdra ainsi sa liberté de ton et de parole qui faisait sa marque
de fabrique. Il entrera alors dans le moule du parti de droite avec ses règles,
ses prérogatives et ses luttes intestines.
Un retour attendu
L’ancien ministre Moshe
Kahlon, ancien bras droit de Netanyahou au Likoud, a décidé de se lancer seul
dans la compétition en boudant son ancien parti avec qui il est en totale
opposition en raison de sa politique économique qui délaisse, selon lui, les classes
les plus défavorisés. Un dernier sondage le crédite déjà d’une dizaine de
sièges. Mais il risque d’être à l’image de tous les nouveaux partis centristes qui
ont émergé dans l’euphorie d’un espoir de renouveau mais qui n’ont duré que le
temps d’une simple mandature. Il a certes beaucoup d’expérience en tant
qu’ancien député-ministre, leader d'un grand parti, et il dispose des qualités pour négocier la mise en
œuvre d’une politique sociale dans les méandres des programmes successifs de
réforme économique, contrairement à Yaïr Lapid. Un premier sondage le place avant le Likoud s'il alliait avec Avigdor Lieberman avec 23 sièges contre 19 pour le Likoud et 18 pour les travaillistes..
Premiers sondages |
Effectivement, le leader de
Yesh Atid n’a fait qu’illusion pendant deux ans en se mettant aux abonnés
absents sans peser sérieusement sur la politique du gouvernement. Il avait les
bras liés en étant encadré par les deux
partis nationalistes Habayit Hayehudi de Naftali Bennett et Israël Beïtenou
d’Avigdor Lieberman. Ses électeurs risquent cependant de sanctionner sa
passivité et surtout l’oubli de ses promesses de campagne. Benjamin Netanyahou
ne s’y était pas trompé en plaçant l’ancien journaliste Yaïr Lapid au poste de
ministre des finances alors qu’il n’avait pas la compétence requise. Ce cadeau
empoisonné a été un moyen pour lui d’éliminer dignement un concurrent sérieux dont
la victoire surprise, en janvier 2013 avec 19 sièges, s’apparente à présent au
passage d’une étoile filante vaporisée au contact de la réalité politique. Au
mieux Lapid ne pourrait garder qu’une dizaine de sièges de députés.
Modification de la carte politique
Le relèvement du seuil
d’éligibilité aurait dû contraindre Tsipi Livni de Hatnuah et Shaoul Mofaz de
Kadima à s’entendre s’ils ne veulent pas disparaître de la carte politique. Mais
la haine emmagasinée par ces deux personnages aura raison des calculs
politiques les plus triviaux. Deux figures historiques risquent de rejoindre le
cimetière des personnages politiques déchus, à moins qu'ils ne s'intègrent à une liste d'un autre parti.
Liberman et Netanyahou |
Avigdor Lieberman, qui a acté
la faiblesse du premier ministre et qui se verrait bien calife à la place du
calife, ne cache plus ses prétentions puisqu’il affirme que le prochain premier
ministre sera probablement russophone : «Un jour, nous aurons un
ministre de la défense russophone, un président russophone, et nous aurons
peut-être bientôt un premier ministre russophone». À bon entendeur… Il a confirmé
que son parti ferait cavalier seul aux prochaines élections en ne s’alliant pas
avec les listes du Likoud. Le parti de Netanyahou serait alors réduit à sa
portion congrue de vingt députés, et peut-être moins, du fait de l’absence de
synergie avec Israël Beïtenou et de l'arrivée surprise de Moshe Kahlon qui grignotera une partie de son électorat.
Yitzhak Herzog |
Le parti travailliste est
encore convalescent et son nouveau leader Yitzhak Herzog, par ailleurs chef de
l’opposition, a entamé sa refondation. Il vient à peine d’arriver aux affaires
mais il a déjà de nombreux sujets de contentieux avec le gouvernement sur la
politique sociale ou le processus de paix. Il veut se démarquer de l’extrême-gauche
pour mordre sur un électorat centriste qui lui a fait défaut. Il mise sur un
pourrissement de la situation qui lui permettrait de devenir un recours mais, c’est sans compter sur l’expérience politique du premier ministre et sur
l’activisme des partis nationalistes.
On doit donc se préparer à une nouvelle situation bloquée car l’émiettement des voix empêchera l’avènement d’un parti qui pourrait se détacher pour avoir le leadership et éviter de rendre le pays ingouvernable.
Les semaines à venir
promettent de nouvelles joutes mais peu de surprises car le milieu politique
israélien est sclérosé par un système électoral qui empêche une majorité claire
de prendre les rênes d’un gouvernement fort et stable. Alors il s’agit d’une
nouvelle péripétie pour gagner du temps car, en période électorale, rien ne se
décide ce qui représente une bonne stratégie pour maintenir un statu quo précaire.
3 commentaires:
Croyez bien, cher monsieur Benillouche, que je compatis.
Malheureusement les déboires de la politique israélienne n'arriveront pas à me consoler de ceux de la politique française.
Très cordialement.
cette légère modification va dans le bon sens. je me demande comment les politiques israéliens arrivent à gouverner dans une telle pagaille, à la proportionnelle directe?
aucun projet ne tient face à ce système qui ne fait qu'avancer sur lui même, qui ne fait que du sur place.
L' État juif a fêté son anniversaire, il est devenu grand et peut prendre une nouvelle initiative pour la réussite d’Israël.
Election pour plus de divisions? achever un gouvernement déjà affaibli a un moment critique
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