ISRAËL SONGE À LA SUITE EN SYRIE
Par
Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps
Congrès américain |
La
reculade du président américain, qui a fait suite à l’historique camouflet
infligé par le parlement britannique au premier ministre David Cameron,
entrainera certainement une décrédibilisation des États-Unis et de la
Grande-Bretagne. Les Israéliens ne
comprennent pas pourquoi Barack Obama s’est tant avancé, face à l’opinion
internationale, dans une croisade contre les armes chimiques pour ensuite
douter de l’utilité de l’option militaire et se cacher derrière la décision du
Congrès, convoqué pour le 9 septembre, alors que la Constitution ne le lui
imposait pas.
Frappe
symbolique
Juste pour être sûr que vous n'utilisez pas d'armes chimiques |
Le président
américain donne l’impression de vouloir gagner du temps. L’absence de décision
immédiate a fait tomber Barack Obama de son piédestal. On attendait plus de
poigne de la part du président de la plus grande puissance mondiale. L’attaque,
si elle a lieu, aura un effet limité sauf à considérer son aspect purement symbolique
consistant à frapper des casernes vides, l’aéroport déserté et le Palais présidentiel évacué.
Benjamin
Netanyahou n’était pas partisan d’une frappe désordonnée qui n’aurait servi que
les intérêts des djihadistes islamiques prêts à se porter acquéreurs du régime
de Bachar Al-Assad. Il estime que trop de discours ont causé plus de dégâts
qu’une frappe militaire par Tomawak interposé et que les Américains n’ont pas
su trancher, à force de vouloir respecter le droit international, pourtant bafoué
par un dictateur sanguinaire. En hésitant sur l’opportunité d’une frappe, les
Américains ont porté un coup sévère à leur capacité de dissuasion et ont fait
l’affaire des Iraniens.
Les Etats-Unis ont réussi à orienter les
regards vers la Syrie pour se voiler la face devant le nucléaire iranien qui représente
le problème majeur au Moyen-Orient, hautement plus crucial que le gaz syrien. La
reculade d’Obama est assimilée à un feu vert donné à Bachar Al-Assad pour
continuer à massacrer son peuple dans l’indifférence de l’Occident.
Les
observateurs israéliens pensent que les
Iraniens vont interpréter cette faiblesse comme un blanc-seing pour la
poursuite de leur programme nucléaire. À voir comment l’exemple syrien est
traité, sous fondement de principes moralisateurs, les Iraniens sont convaincus
qu’ils ne risquent que des menaces sans lendemain. Obama aurait pu se cantonner
dans un rôle d’observateur en Syrie en laissant les syriens s’entretuer comme
c’est le cas à présent en Irak où les mille morts mensuels, dans une rivalité
sunnites-chiites, n’occupent pas les esprits occidentaux.
Israël avait
opté pour la neutralité en Syrie sous réserve que le conflit ne déborde pas sur
ses frontières. Le problème n’était plus de maintenir ou non Bachar Al-Assad au
pouvoir mais d’affiner la stratégie pour neutraliser les djihadistes en Syrie.
Les Russes avaient compris ce dilemme bien avant les Occidentaux puisqu’ils
avaient traité le problème islamique, à leur manière, c’est-à-dire par la force
et la violence. Ils avaient décidé de faire barrage aux barbus islamiques même au prix
d’un soutien à un dictateur violent, le seul à pouvoir leur tenir tête. En
fait, ils ont fait preuve d’une approche pragmatique des réalités sur le
terrain en ignorant toute morale politique.
L’Iran
en toile de fond
Israël, une fois
n’est pas coutume, n’a jamais été partisan d’une frappe militaire contre la
Syrie, mais privilégiait une solution diplomatique qui aurait pu sauver les
apparences et les susceptibilités. Avec retard, Barack Obama va donc être
contraint d’occuper le terrain diplomatique dans l’attente de la décision
tardive du Congrès. L’opportunité lui était ouverte au G20 mais les pays occidentaux, à l'exception de la France, ne l'ont pas suivi et se sont réfugiés derrière une décision de l'ONU.
Les ayatollahs sont
à présent confortés dans leur position intransigeante face à la passivité
américaine et ils vont développer ouvertement leur programme
nucléaire. La délégation israélienne des plus grands stratèges militaires, qui
vient de se rendre à Washington, a cherché à persuader les Américains qu’il
fallait éliminer le mal à la racine. La solution en Syrie passait d’abord par
l’éradication du pourvoir des mollahs qui financent et arment Bachar Al-Assad
et qui ont transformé l’Irak en une province iranienne vassale. Le risque d’un
axe Iran-Irak-Syrie hypothéquait l’avenir de la région. Or la reculade d’Obama encourage
les iraniens à poursuivre leur stratégie nucléaire.
Guerre Kippour 1973 |
Même si l’Histoire
ne bégaie pas, les Israéliens voient arriver le jour de Kippour avec
appréhension. 40 ans après la guerre de 1973, ils craignent d’être impliqués
malgré eux dans une guerre ouverte avec
Bachar Al-Assad alors que 40% de la population n’est pas équipée de masques à
gaz. Le conflit syrien a eu au moins l’avantage de les éclairer sur une lacune
fondamentale dans le système de défense passive.
Par ailleurs, le
traitement de la question syrienne jette des doutes sur la volonté américaine
d’intervenir contre l’Iran. Pour les israéliens, le problème syrien est mineur
tandis que l’échec de la coalition internationale a prouvé la fragilité des
Américains vis-à-vis de leurs alliés.
À défaut de frappe
contre le régime de Bachar Al-Assad, les armes chimiques risquent de circuler
dans le pays jusqu’à transiter par les djihadistes islamiques qui en feront un
usage au nom de leur dogme destructeur. Le Hezbollah et Al-Qaeda pourraient
s’en servir contre la Turquie, la Jordanie et bien sûr Israël. Par ailleurs les
mollahs lorgnent sur l’arsenal chimique syrien. Selon des sources sécuritaires
israéliennes, les Iraniens souhaiteraient profiter du répit offert par l’attente
de la décision du Congrès américain pour récupérer chez eux une grande partie
des armes chimiques.
Le président iranien Hassan Rohani a envoyé une délégation
parlementaire iranienne à Damas, le 1er septembre, pour conseiller à Bachar
al-Assad de transférer ses armes chimiques à Téhéran sous surveillance
militaire iranienne et russe, officiellement pour les protéger d'une frappe
militaire américaine, en fait pour servir de stock contre Israël. Hassan Rohani
et Wladimir Poutine se seraient par ailleurs engagés à les détruire si les
Américains acceptaient un plan pour résoudre la crise au G20.
Le danger est donc
aux portes d’Israël et la reculade de Barack Obama augmente la conviction qu’en
aucun cas les Américains ne s’engageront dans une action militaire contre
l’Iran et ne soutiendront pas Israël dans une intervention solitaire. Benjamin
Netanyahou estime qu’il ne peut rester passif face au danger de
l’enrichissement de l’uranium à 90% entrepris dans les usines nucléaires
iraniennes. Alors, la reculade américaine pourrait précipiter la décision des
Israéliens d’agir seuls dans les meilleurs délais, à fortiori si les armes
chimiques parviennent à Téhéran pour être éventuellement chargés sur des
missiles iraniens de longue portée.
Le problème de
l’utilisation du gaz en Syrie pourrait contraindre l’État-major a anticipé son
calendrier de frappe alors qu’Israël a dépassé l’ère de l’aviation, des
drones et des missiles pour concentrer sa stratégie sur la marine de guerre qui
avait été longtemps délaissée au profit de la défense aérienne et terrestre.
Progressivement, les sous-marins sont devenus le fondement de la défense de
Tsahal qui tient à transmettre un message clair à l’Iran en lui faisant
comprendre que les distances ne sont plus un handicap dans sa stratégie
militaire.
Le premier ministre Benjamin
Netanyahou n’avait pas manqué d’ailleurs de donner une grande couverture
médiatique pour fêter la réception du cinquième sous-marin Dolphin d’origine
allemande. Israël est désormais équipé de cinq sous-marins Dolphin, de haute
technologie et attend le sixième en cours de construction. Les deux derniers
bâtiments, INS Tannin et INS Rahav, prévus pour entrer en service en 2013 et en
2014, disposeront d’un système de propulsion anaérobie.
Dérivé du type U-212 et aux dimensions relativement modestes, le sous-marin reçu par Israël sera mis en œuvre, comme ses prédécesseurs, par un équipage de 30 hommes. Il peut emporter des torpilles ainsi que des missiles et des mines. La rumeur dit que ces submersibles seraient armés par des engins dotés d’ogives nucléaires … Mais personne, hormis leurs équipages et les responsables israéliens, ne peut avoir de certitudes à ce sujet en raison de la censure militaire. Proportionnellement à la taille du pays et à l’importance de la population, Israël peut être classé relativement comme la plus grande force militaire maritime mondiale.
Sous-marin Dolphin |
Dérivé du type U-212 et aux dimensions relativement modestes, le sous-marin reçu par Israël sera mis en œuvre, comme ses prédécesseurs, par un équipage de 30 hommes. Il peut emporter des torpilles ainsi que des missiles et des mines. La rumeur dit que ces submersibles seraient armés par des engins dotés d’ogives nucléaires … Mais personne, hormis leurs équipages et les responsables israéliens, ne peut avoir de certitudes à ce sujet en raison de la censure militaire. Proportionnellement à la taille du pays et à l’importance de la population, Israël peut être classé relativement comme la plus grande force militaire maritime mondiale.
Stratégie maritime
La marine était
restée le parent pauvre de l’armée israélienne face au budget de la force
aérienne. Mais Israël a changé sa stratégie. Le problème iranien a en effet
incité Benjamin Netanyahou à augmenter
les investissements dans la marine. En effet, la menace n’est plus
locale mais internationale tandis que les origines des conflits sont de plus en
plus géographiquement éloignées.
L’ancien
ministre de la défense, Ehud Barak, piètre politique certes, a cependant joué
un rôle clé pour imposer la révision des investissements à destination de la
marine. Il avait tenu compte des recommandations du professeur Efraim Inbar,
directeur du centre d’études stratégiques de l’université Bar-Ilan, qui avait
attiré l’attention des autorités sur le risque que faisaient courir certains
ennemis d’Israël sur la liberté de circulation des navires israéliens. Il avait
rappelé que les échanges maritimes israéliens pèsent pour 90% dans les échanges
internationaux.
Les stratèges militaires se sont alors penchés sur les voies
maritimes sous contrôle arabe ou islamique ; le canal de Suez et les détroits
de Bab Al-Mandeb, d'Ormuz et du Bosphore prennent alors une importance
stratégique pour Israël. Une intervention des groupes djihadistes contre les
navires israéliens devient fortement probable et il n’est plus question pour
Tsahal de sous-traiter aux Occidentaux la sécurisation de sa flotte
civile.
Les officiers de
l’État-major israélien ont par ailleurs justifié l’extension des moyens de la marine
par la nécessité d’envisager des frappes à partir de sous-marins si
Israël était attaqué. Bien qu’Israël ne l’ait jamais admis, il serait en
possession de 200 ogives nucléaires selon les estimations occidentales. Les
sous-marins israéliens, équipés d’ogives nucléaires, peuvent alors être déployés dans des mers
hostiles, avec une très importante maniabilité opérationnelle. Ils peuvent
s’installer au large des côtes de l’Iran pour espionner les communications,
pour contrôler les mouvements des avions et des missiles et le cas échéant pour
intervenir si Israël était attaqué.
Cette situation
change la donne au Proche-Orient et influe sur la stratégie israélienne. Il
n’est plus nécessaire de mobiliser une centaine d’avions pour attaquer les
cibles nucléaires iraniennes avec les risques énormes que comporte une telle
expédition. Tsahal veut donc donner à ses sous-marins de nouvelles fonctions
pour augmenter le pouvoir de dissuasion. Il songe à organiser des missions
clandestines lointaines car les nouveaux sous-marins peuvent rester sous l’eau
pendant plusieurs semaines, sans nécessité de remonter à la surface pour se
ravitailler en air ni même d’user de périscope. Ainsi, Israël souffrira moins
de son sentiment d’encerclement grâce à ses capacités maritimes
surdimensionnées qui ne permettront pas à ses ennemis de bénéficier de sanctuaires
lointains.
Mais nul ne peut présager du comportement des groupes extrémistes
terroristes islamiques capables de semer le trouble à travers le monde. C’est
pourquoi Netanyahou a pris bien soin de développer des nouvelles unités
capables d’opérations secrètes, à l’instar de l’escadron-7 la puissance
d’attaque sous-marine. Ses missions sont frappées de secret absolu car elles
sont souvent menées au cœur du territoire ennemi. Toute la stratégie
israélienne a ainsi été révisée avec le renforcement de ses capacités navales
pour intervenir, en tout point du Globe, contre les ennemis actifs d’Israël et
sans attendre qu’ils interviennent à ses frontières.
3 commentaires:
Cher monsieur Benillouche,
Ainsi que le fait remarquer Jean-Pierre Chevènement : "D'ores et déjà la menace des frappes a fait se gonfler le flot des réfugiés aux frontières du Liban et de la Jordanie. On ne pourra pas éviter les dommages collatéraux, surtout si les stocks d'armes chimiques sont visés.
Que se passera-t-il le jour d'après ? D'autres frappes ? Sur la Syrie ? ... Ou sur l'Iran ?..."
L'intervention de Jean-Pierre Chevènement dans le cadre du débat sur la situation en Syrie, au Sénat, le 4 septembre 2013, est à lire ici :
http://www.chevenement.fr/Syrie-le-jour-d-apres_a1506.html
Très cordialement.
C'est une bonne tribune , et j'espère que les pouvoirs Franco-Américains , qu'après une bonne méditation sur cette tribune , elle portera ces fruits !
Comme d'habitude...Israel ne doit compter sur personne!!"
Enregistrer un commentaire