L’ALIBI DE L’ANTISÉMITISME EN FRANCE
Par
Jacques BENILLOUCHE
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Graffiti antisémite à Toulouse en 2009 |
Il est légitime de se demander quelles sont les officines qui s’agitent derrière certains intellectuels, non juifs à fortiori, qui agitent sans cesse le chiffon de l’antisémitisme en France. Leurs motivations ne sont pas claires sinon une volonté d’exacerber les tensions entre communautés juives et arabes dans le but, bien sûr, de cadrer avec les intérêts des organisations d’extrême-droite qui se nourrissent du terreau de la peur.
On pourrait se demander de quoi se mêlent ceux qui prétendent conseiller aux juifs de «quitter l’Europe s’ils le peuvent car il est dangereux d'être juif en Europe. Il est encore plus dangereux d'être un juif qui soutient Israël.»
Solution finale
Les juifs ont
un État et des dirigeants plus qualifiés, que certains universitaires en mal de
notoriété, pour juger de la condition réelle des juifs dans le monde. Vider l’Europe
de ses juifs serait une solution de lâcheté car la désertion face à «l’ennemi»
n’est pas glorieuse, à moins qu’il ne s’agisse d’une épuration ethnique,
volontaire et déguisée. Se débarrasser des juifs s’assimilerait alors à une
sorte de «solution finale» moderne
sans effusion de sang. Les partis d’extrême-droite auront alors la
voie libre pour gangréner le pays sans
les empêcheurs juifs de tourner en rond.
Se fonder sur l’affaire
Merah et la tuerie de Toulouse pour affirmer que la France est un pays antisémite qu'il faut fuir est une vue étroite de l’esprit. Les antisémites ont
toujours existé mais jamais avec la caution du gouvernement français, sauf
durant la période noire de la collaboration qui suscite encore une certaine
nostalgie chez certains adeptes d’un «Judenrein».
Israël n’a pas
besoin de défenseurs suspects d’ailleurs de rouler pour des antisémites. La
commission de l’immigration et de l’intégration de la Knesset a déjà discuté de
l’antisémitisme en France. Certains avaient vu la main subliminale de l’Agence
juive dans cette volonté de la Knesset de se saisir d’un problème purement
français. Mais Israël a compris depuis longtemps que l'alyah doit être
murie et librement choisie si elle veut être un succès et ne pas conduire à des
retours en masse par suite d’une mauvaise intégration.
Antisionisme
Alors on met en
évidence un flou volontairement entretenu consistant à confondre
l’antisémitisme d’État qui règne dans certains pays avec l’antisémitisme de
certaines couches de la population française. Il ne fait aucun doute que la
France n’est pas antisémite et qu’elle agit de manière active pour contrecarrer
les menées subversives de ceux qui veulent mêler le conflit israélo-arabe à la
politique intérieure française. Elle ne réussit pas forcément, pas du tout pour
les prêcheurs de mauvais augure, mais l’intention est louable. Que ce soit du
temps de Nicolas Sarkozy ou de François Hollande, les gouvernements ont combattu
la dérive d’une classe décriée de la population.
Selon les
sondages, le nombre de personnes se déclarant en France de religion juive
atteint à peine 0,7% de la population soit environ 400.000 citoyens. Sauf à
utiliser les poncifs des antisémites qui croient à la puissance illimitée du
monde juif, la réalité fait du monde juif un monde totalement intégré à la
nation française. Toutes les études démontrent que les juifs français se
répartissent naturellement sur l’ensemble de l’échiquier politique, de la
droite à la gauche. C'est pourquoi l'antisémitisme n'a aucune explication
tangible sauf à juger que les prises de position des juifs dépendent souvent de
l’attitude des politiques français vis-à-vis d’Israël. Forcer donc les juifs
français à quitter leur pays est une inanité. Ceux qui l’ont fait, l’ont fait
librement par sionisme et par conviction.
La référence purement juive dans le débat français avait disparu
mais elle est réapparue avec la
répétition d’actes antisémites qui ont entrainé un sentiment d’insécurité
auprès de la communauté juive. L’ambassadeur de France en Israël, Christophe
Bigot, «ne voit aucun lien entre Israël et l’antisémitisme» tandis que
les actes antisémites restent élevés, selon lui, parce que «l’antisémitisme
est une pathologie» et qu’il n’y a pas de remède efficace pour l’instant.
Un amalgame,
volontairement entretenu, est exploité
au gré des intérêts pour qualifier la France de pays antisémite. L'islamisme
est la forme moderne de l'antisémitisme mais il ne doit pas cacher l'autre
forme insidieuse et historique. Beaucoup d’antisémites ont émergé avec le
réveil de l’islamisme en France. Le grand-rabbin Gilles Berhneim avait mis le
doigt sur «la volonté politique d'arrêter les hors-la-loi et de les livrer à
la justice. Tout le reste n'est que littérature et théâtre». À droite comme
à gauche, personne n’a minimisé le problème mais aucun politique n'a, à ce
jour, trouvé l'angle d'attaque pour l'éradiquer. Le problème n'est pas national
mais mondial. Pour autant, la résignation n’est pas un sentiment courageux.
Les actes antisémites ont déclenché un
communautarisme souvent brandi comme une menace de radicalisation.
L’antisémitisme affiché est aujourd'hui islamiste tandis que l’autre
antisémitisme est occulté parce que, plus sournois, il permet à l’extrême-droite
d’en abuser. Le Front National et ses sbires camouflés en donneurs de leçon ont
d’ailleurs exploité la situation en modérant leur sentiment à l’égard de la
communauté juive, jusqu’en Israël, au point de voir plusieurs de ses membres
voter pour Marine Le Pen. Elle avait réussi à faire croire qu’elle était la
seule à prôner l’éradication du risque intégriste.
Mais l’ambiguïté
s’est imposée puisque la fille de son père s’est adressée aux juifs, d’ordinaire voués aux
gémonies par les groupuscules, à l'idéologie douteuse, fédérés au sein du F.N. Cependant elle
n’a pu effacer totalement le fantasme antisémite qui attribue à la minorité
juive l’illusion d’une puissance occulte. Elle a exacerbé les tensions et
exploité les dérives islamiques des «printemps arabes» pour accroitre
l’incertitude et les craintes de la minorité juive qui a accepté de s’offrir à
l’extrême-droite, même en Israël. Alors elle préfère voir les juifs quitter l’Europe
pour laisser place libre aux aryens.
L’extrême-droite est ses chevaliers servants, adeptes de la plume,
exploitent toujours le même fonds de commerce : le racisme, la xénophobie, la
préférence nationale. L’antisémitisme se pare d’antisionisme quand il ne veut
pas choquer mais ce sont deux concepts distincts. En effet l’antisionisme, issu
des milieux islamistes ou gauchistes, veut la destruction de l’État d’Israël et
nie la qualité de peuple à la nation juive. Mais si les organisations juives ne
souffraient pas d’un manque de crédibilité et de représentativité, alors aucun
chantre étranger de la défense d’Israël n’aurait pu se produire sur les tréteaux, face à
quelques juifs francophones béats d’admiration. D’ailleurs la Knesset, en
décidant de se saisir du problème de l’antisémitisme français, dans le cadre certes
d’une ingérence abusive, ne fait que confirmer la nécessité de pallier la
faiblesse des institutions juives en France.
Mais ce n’est pas pour autant que nous devons recevoir des leçons de quelconques
gourous.
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