TSIPI LIVNI EST LE DERNIER REMPART CONTRE LA DÉRIVE DROITIÈRE
D'ISRAËL
Par Jacques BENILLOUCHE
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Ce texte est paru le 3 mars 2009 sur le site Slate.fr qui venait
d’ouvrir ses colonnes. Ce fut mon premier article, un test d’entrée en quelques
sorte parmi les grands journalistes du Monde qui l’avaient quitté pour de
meilleurs horizons, sous la direction de Jean-Marie Colombani, Eric Leser et
Johan Hufnagel. Depuis, 248 sujets ont été publiés, principalement sur Israël
et le Proche-Orient. Nous republions intégralement l’article dix ans plus tard alors qu’il n’a
pris aucune ride, démontrant ainsi qu’en Israël les faits sont statiques sur le
plan politique.
Le dernier acte politique vient
de se jouer durant lequel Tsipi Livni a finalement choisi de diriger
l'opposition à la 18e Knesset (le parlement israélien) après avoir refusé les
offres alléchantes de Netanyahou. Sa position est d'autant plus courageuse
qu'elle prend le contre-pied de la majorité des électeurs israéliens qui ont
choisi la droite nationaliste. Elle cherche en fait à refuser tout choix
opportuniste afin de rester le dernier bastion de la social-démocratie dans son
pays.
Israël a toujours été
historiquement ancré à gauche par conviction profonde. Les secousses droitières
ne sont pas nouvelles puisque la première date de mai 1977, l'année du
changement radical qui a vu la gauche issue du parti historique Mapaï de Ben
Gourion perdre les élections au profit du leader de droite Begin. Le pouvoir,
qui était alors entièrement confisqué depuis 1933 par les figures dominantes
des pionniers juifs de Palestine, était confié à l'opposant le plus farouche de
la gauche.
Mais, à leur arrivée au pouvoir, les dirigeants font toujours preuve
d'un pragmatisme politique puisque le leader du Likoud, Begin décida dès le
premier soir de son élection de montrer qu'il avait le sens de la mesure : «Après que le président de l'État m'ait
confié la charge de former le gouvernement, je me tournerai vers Sadate, vers
Assad et vers le roi Hussein et je les appellerai à venir négocier la paix».
Il a cependant volontairement omis de citer les Palestiniens et cette position
extrême devait mener la droite, à son tour, à l'échec. Après 15 ans de
domination Likoud, les travaillistes retrouveront le pouvoir en 1992.
Le résultat des dernières
élections ne se justifie pas uniquement par une volonté d'alternance démocratique
mais par une crispation de plus en plus forte de l'opinion israélienne qui ne
croit plus au dialogue mais au traitement du problème palestinien par la
manière forte. Les membres des kibboutzim, villages collectivistes
d'orientation communiste, entièrement acquis aux travaillistes et à l'extrême-gauche
Meretz ont fui leur camp historique pour rejoindre Lieberman à l'extrême-droite.
Cette situation rappelle étrangement le cas des électeurs communistes français
rejoignant le camp de Le Pen.
Là enfin, je vais pouvoir décoller! |
C'est un choix délibéré sous
forme d'avertissement s'adressant certes à la classe israélienne mais aussi aux
Palestiniens. Cette dérive droitière, contraire aux sentiments profonds des Israéliens,
tend à mettre les deux parties face à leurs responsabilités. Elle trouve sa
source dans des faits tangibles qui dénotent d'ailleurs une absence totale de
réalisme politique chez les dirigeants arabes. Pendant que les fusées Kassam
étaient envoyées sur le sud d'Israël, aucune voix palestinienne ne s'est élevée
pour condamner des actes qui ne pouvaient que renforcer le clan extrémiste. Les
Arabes israéliens ont joué quant à eux un rôle ambigu.
En effet, disposant d'une
nationalité leur donnant des droits au sein de l'État d'Israël, ils auraient pu
être les arbitres d'un conflit entre le Hamas et «leur» pays. Ils
auraient pu intercéder pour maintenir un dialogue, le seul à garantir une
solution viable à long terme. Ils ont au contraire prôné la politique du pire
en défendant la cause d'une organisation qui n'était pas en odeur de sainteté
avec l'Occident. Ils ont poussé leurs jeunes à brûler, face aux caméras de
télévision, le drapeau israélien dans les villages arabes, dont Oum el Fahm.
Ils ont encouragé leurs députés à la Knesset à insulter l'État, ses dirigeants
et sa population.
La gauche a été ainsi laminée
aux élections parce que ses sympathisants ont été choqués face à cette attitude
incompréhensible et par dépit, ils ont flirté avec une extrême-droite qui a su
exploiter la situation à son profit. Lieberman pouvait alors facilement
ratisser large en insistant sur le fait que la cohabitation devenait un leurre
et que par sécurité, il valait mieux séparer les deux communautés par un mur
infranchissable. Sa logique inéluctable a convaincu que plusieurs villages
arabes frontaliers de la ligne verte (frontière de 1967), qui ont été à la
pointe du combat contre Israël, devaient être directement rattachés à la
Cisjordanie pour qu'ils puissent vivre leur passion palestinienne en toute
liberté. Telle n'est pas la volonté des Arabes israéliens qui sont jaloux de
leur statut et des conditions matérielles dont ils ne sont pas prêts de se
passer.
Tsipi Livni a compris que le
nationalisme extrémiste ne représentait pas la voie naturelle en Israël et
qu'elle devait garantir l'issue d'une solution pacifique. D'ailleurs elle est
intimement convaincue que les deux dernières guerres n'ont pas résolu le
problème et, qu'en entrant dans un gouvernement de droite, elle aurait eu les
bras liés pendant des années durant lesquelles elle aurait cautionné une
politique dure axée sur la seule force. Elle avait senti que l'insistance de
Benyamin Netanyahou à la garder à ses côtés était une grosse ficelle visant à
neutraliser la seule opposante détenant une image positive au sein du monde
occidental. D'ailleurs son adjoint a bien exprimé sa position en traitant
d'hypocrite le premier ministre désigné : «Il est clair pour tous que les
appels à l'unité gouvernementale de Netanyahou sont hypocrites. Il y a quelques
mois, le Likoud a refusé de se joindre à un tel gouvernement, dirigé par Livni,
et aujourd'hui ils sont là à nous dire combien cela est important».
Elle sait que beaucoup
d'électeurs n'ont pas penché à droite par conviction et qu'ils regrettaient
déjà d'avoir donné leurs voix aux extrémistes. Elle se devait donc de
recapitaliser ce courant historique en restant dans une opposition digne et
loin de tout poste ministériel stérile. Sa tâche consistera alors à tisser les
liens distendus avec la population arabe israélienne, à condition qu'elle fasse
preuve de plus de neutralité, et avec l'Autorité palestinienne à condition que
celle-ci condamne tout recours à la violence.
Ayman Taha |
Le Hamas doit lui aussi évoluer
et tant qu'il «n'acceptera jamais de siéger dans un gouvernement
(palestinien) d'union qui reconnaît Israël», selon Ayman Taha, l'un des
cadres de l'organisation, l'extrême-droite israélienne se fortifiera. L'échec
de Livni dans l'opposition conforterait alors l'idée que la cohabitation avec
les Arabes est une idée qui n'a plus cours et que seul le principe du transfert
des populations arabes vers la Cisjordanie et de la séparation chère à
Lieberman restera la seule solution.
L'article original, cliquer le lien pour lire :
8 commentaires:
Encore pas mal de ses électeurs de l’époque pense qu’elle n’a pas été courageuse et ont été dépités. Elle ne regagnera pas avant longtemps, voire jamais.
D’autre part, je suis neutre moi-même. Vous aviez dit que vous le serez. Le titre de cet article au moins ne l’est pas. C’est votre droit mais ne faites pas de promesses que vous ne pouvez pas tenir, c’est comme ça qu’on se discrédite.
@ V.Jabeau
1. Comme dans toutes les publications le titre est de la rédaction de Slate mais je l'approuve.
2. Où avez-vous lu que je serai neutre mais honnête et non militant. D'ailleurs je n'ai jamais eu de carte de parti.
3. Décider de ne pas prendre position pour l'un ou l'autre des camps n'empêche pas d'avoir des idées et de les exprimer
4. En revanche l'information doit être complète et vraie
5. Je vous concède que je suis contre les extrémistes, de droite (kahanistes) et religieux (orthodoxes).
N’est-il pas vrai que Tsipi Livni a une image positive dans une partie de l'Occident car celui-ci adopte des positions anti-israéliennes, sacrifie la cause israélienne (ceci en mettant en danger sa sécurité, en oubliant les plans de paix proposés et les gestes de bonnes volontés déjà exécutés ou en attente, en participant et volant pour ré-écrire l’histoire ou au financement du terrorisme de manière consciente ou inconsciente) au profit du maintien de bonnes relations avec les arabes pour qui le conflit arabo-israélien devient de plus en plus secondaire.
A l’heure de cette période d’élection qui voit un premier ministre israélien honoré plus à l’étranger que dans son propre pays, à l'heure où des partis politiques soutiennent que la justice doit adopter une position non-confuse sur l’éventuelle inculpation de Netanyahu, à l'heure de la déconfiture sucessive des différents partis où Tsipi Livni était à la tête, quels sont les arguments que Tsipi Livni peut encore avancé pour espérer défendre les intérêts des citoyens israéliens ?
L’honnêteté consiste à reconnaître la qualité des hommes politiques et de certaines prises de position. J’ai ainsi fait des articles « élogieux » sur Moshé Kahlon, sur Avigdor Lieberman, sur Avi Gabbay… Très éclectique en effet. Mais les choses évoluent!
Les succès de Bibi sur le plan diplomatique ont un arrière goût amère, ce sont les dirigeants les plus rétrogrades de la planète qui l'honorent.
L'extrême droite mondiale est solidaire, elle n'amène jamais une société juste et humaine.
Visiblement les israéliens font depuis longtemps des choix politico-sécuritaires alors que personnellement, 8 ans en Israël, cela me préoccupe moins que le volet social pour ce que sera le peuple d’Israël. Beaucoup de monde, beaucoup d'ego. Cela sert un homme aguerri comme Bibi. Pourtant, le temps est venu de faire la place a d'autres, au Likoud comme au gouvernement.
Il y a dix ans...parachutée au Likud, fugueuse avec Sharon, puis lançant Hatnua et s'associant au parti travailliste - au son de "la donna e mobile" - soit "Comme la plume au vent, femme est volage..."
Cher monsieur Benillouche,
Avant tout permettez-moi de vous souhaiter, à vous, à vos contributeurs et lecteurs, une bonne année 2019 !
Et maintenant venons-en au fait ! Slate.fr n'ayant pas cru devoir conserver les commentaires à ses articles, du temps où la piétaille était autorisée à les commenter, je me suis lancée dans quelques recherches archéologiques dans mes brouillons de commentaires de l'époque. Mais comme par un malin coup du sort je n'ai pas retrouvé le commentaire sur l'article que vous signalez, en revanche j'en ai trouvé un autre, daté du 3 janvier 2011, et, si vous en êtes d'accord, il faudra vous en contenter.
Votre article s'intitulait : "Israël sort paradoxalement renforcé de l'année 2010"
Et voici le commentaire que j'avais intitulé : "Quand Israël nous fait la nique"
"Quand nos journalistes nous promettent du sang, des larmes, du chômage et même de la récession, voici que monsieur Benillouche, s'appuyant sur le bilan 2010 de son pays nous fait partager son optimisme pour l'avenir.
Seulement 10 morts en 2010 contre 452 en 2002 ! Pas d'attentats suicide. "Une économie florissante" avec une croissance à 4,5%, un niveau de vie augmenté de 2,7%, une progression des exportations de 12,6%, des réserves de change accumulées évaluées à 65 milliards de dollars par la Banque d'Israël grâce à son gouverneur, StanleyFisher, "élu meilleur banquier de l'année" ce qui n'étonnera personne. Et voilà que de surcroît, il nous annonce la découverte de gaz au large de Haïfa !
Seule ombre à ce tableau presque idyllique : "le processus de paix moribond". Et son lapsus de clavier lui faisant écrire : "toutes les parties semblent se satisfaire d'une situation de ni guerre, ni pays", nous en dit peut-être encore plus long que ce qu'il ne l'aurait voulu sur ce statu quo où s'enfoncent Israël et les Palestiniens, puisque la Palestine n'existe toujours pas.
Souhaitons bon vent à Israël pour 2011 !"
Très cordialement.
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