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vendredi 24 juillet 2015

L’OCCIDENT ORGANISE L’ASSAUT ÉCONOMIQUE SUR L’IRAN


L’OCCIDENT ORGANISE L’ASSAUT ÉCONOMIQUE SUR L’IRAN
Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps

           

Les puissances occidentales n’ont pas perdu de temps pour décider l’assaut économique sur l’Iran alors que l’accord n’est pas encore paraphé par le Congrès américain. Barack Obama se méfie pourtant d’un Congrès qui pourrait contrer son projet, d’autant plus que Benjamin Netanyahou est à la manœuvre pour obtenir son rejet car, selon lui, «l’accord nourrit la machine de la terreur iranienne». 


L’administration américaine a adressé aux membres du Congrès le texte détaillé de l’accord. Obama a menacé d'exercer son droit de veto si le Congrès rejetait un texte qui, selon son administration, freine le programme nucléaire de l'Iran tout en assouplissant les sanctions économiques. Le rejet de l’accord impose cependant une majorité des deux tiers de la Chambre des représentants et du Sénat. Ce rejet ne serait possible que si, en plus de la totalité des membres républicains, les représentants démocrates seraient assez nombreux pour manifester une forte opposition.

Obama au golf avec un Républicain

            Le président Obama a décidé d’aller au charbon en utilisant des méthodes inhabituelles aux États-Unis. Il a en effet invité trois membres influents démocrates à le rejoindre à un week-end de Golf. Ainsi, Joe Courtney du Connecticut, Ed Perlmutter du Colorado et John Yarmuth du Kentucky ont accepté l’invitation.  De son côté Benjamin Netanyahou, interrogé par la chaîne de télévision CBS, n’a pas suivi les recommandations de son Cabinet de Sécurité visant à ne pas s’ingérer dans les affaires intérieures américaines : «Je pense que la bonne chose à faire est simplement de mettre fin à temps à cette affaire. Il y a beaucoup de choses à faire pour arrêter l'agression de l'Iran, et cet accord n’est pas l’une des solutions».
Ash Carter avec le ministre de la défense Yaalon

            Le Secrétaire américain à la Défense Ash Carter, a été mandaté d’urgence en Israël pour expliquer la position américaine : «Je ne vais pas changer l'esprit de quiconque en Israël ce qui n’est pas le but de mon voyage. Des amis peuvent être en désaccord, mais nous avons des décennies de coopération solide comme le roc avec Israël». Mais Israël n’est pas le seul pays à devoir être rassuré. Carter se rendra en tournée en Jordanie et en Arabie Saoudite, les deux pays arabes sunnites les plus inquiets de l'influence iranienne au Moyen-Orient.
            De son côté, le président Hassan Rohani persiste à affirmer que son programme de recherche n'a pas pour but de développer des armes nucléaires. Comprenant les inquiétudes de ses voisins, il a insisté sur l’intérêt de l’accord qui «conduirait à des relations plus étroites avec les voisins du Golfe» tandis que le guide suprême Ali Khamenei usait de déclarations contradictoires. Netanyahou est plus sceptique : «Les Iraniens ne cachent plus le fait qu'ils vont profiter des centaines de milliards qu'ils recevront par le biais de l'accord pour armer leur machine de la terreur.  Et ils disent explicitement qu'ils vont continuer leur lutte contre les États-Unis et leurs alliés, Israël bien sûr avant tout».

Sigmar Gabriel à Téhéran

Les Allemands ont été les premiers à s’engouffrer dans l’ouverture autorisée par le États-Unis. Il s’agissait pour eux de montrer la volonté européenne de reconstruire les liens économiques avec l’Iran, rompus pendant 12 ans en raison des sanctions. Ils n’ont pas perdu de temps. Ainsi le ministre allemand de l’Économie, Sigmar Gabriel, a pris la tête d’une délégation économique qui vient de se rendre à Téhéran. Le ministre allemand justifie son voyage de trois jours en précisant au journal Bild qu’il a l’intention d’user de son droit de médiation pour convaincre le gouvernement iranien de reconnaître l’État d’Israël : «De bonnes relations avec l'Allemagne ne pourront se développer que si cela est accepté par la politique iranienne». Mais une reconnaissance israélienne est fort improbable dans l’état actuel des rivalités internes entre «modérés» et conservateurs en Iran.
Le Premier ministre britannique David Cameron y voit plutôt un intérêt pour le conflit  syrien puisque l’implication de l’Iran est forte pour sauvegarder le régime de Bachar Al-Assad : «Nous ne devrions pas être naïfs en aucune façon sur le régime auquel nous avons affaire».
Usine nucléaire de Fordo

L’un des points qui inquiètent les opposants à l’accord reste l’insuffisance des moyens de contrôle du programme nucléaire iranien. John Kerry, Secrétaire d’État, qui a été l’un des instigateurs de l’accord, justifie à Fox News les raisons qui poussent les Iraniens à exiger un délai avant tout visite des inspecteurs de l’AIEA : «Le fait est que, dans le contrôle des armes, il n'y a aucun pays partout sur cette planète qui accepte ces contrôles n'importe où et n’importe quand. Ce ne sont pas les normes et il n’existe pas de telles normes dans les inspections de contrôle des armements».
Toutes les délégations économiques mondiales vont à présent se ruer sur le sol iranien pour prendre part à la plus grande libéralisation d’un marché depuis la chute du mur de Berlin. Cet accord va pousser les délégations économiques occidentales à déferler sur l’Iran. Ce pays de 80 millions d’habitants, délaissé en raison des sanctions, aiguise les appétits européens. 
Porsche Cayenne

Mais le retour des sociétés étrangères n’est pas du bon goût de tous les Iraniens qui s’inquiètent déjà de la concurrence. En plus des ultra-conservateurs, les patrons d’usines et les dirigeants d’entreprises, qui avaient développé de nombreuses structures industrielles locales, voient d’un mauvais œil l’arrivée potentielle de nouveaux concurrents redoutables sur le marché. Des réseaux de contrebande, qui s’enrichissaient au passage, permettaient jusqu’alors l’introduction de tous les produits de haute technologie comme les Ipad et Iphone. Les Porsche Cayenne, au prix trois fois supérieur au prix en Europe, sont visibles en grand nombre dans les rues de Téhéran. Toute une activité souterraine est subitement menacée.
Les Iraniens avaient trouvé la parade aux sanctions internationales grâce à un système de troc utilisant les banques en Turquie ou à Dubaï, pour vendre leurs produits aux Asiatiques. Aujourd’hui, les étrangers risquent de tout rafler sur leur passage. De nombreux témoins expliquent que les Américains envahissent déjà depuis plusieurs mois les grands hôtels à Téhéran pour préparer leur retour. Ainsi les représentants de General Motors s’affichent ouvertement avec leur pancarte «GM: We are back». Des représentants de Glencore, géant du négoce américain et groupe international de marketing et de production intégrée de matières premières, sont à présent sur le pied de guerre. Des diplomates commerciaux et des représentants d’une vingtaine d’entreprises suisses se sont rendus à Téhéran. Une délégation officielle a été emmenée par Livia Leu, ancienne ambassadrice de Suisse en Iran et actuelle directrice du département des Relations économiques bilatérales.
Les Iraniens devront dorénavant se frotter à la concurrence étrangère alors que les sanctions leur laissaient le marché libre local. D’autres dirigeants iraniens, plus optimistes, estiment que la fin des sanctions permettra le développement des ventes de produits pétroliers. Le commerce du pétrole et des produits dérivés pourrait atteindre les chiffres d’avant 2012 de 250 milliards de dollars contre 120 aujourd’hui.
Les banques occidentales seront les plus réticentes à renouer avec l’Iran. Toutes ont quitté Téhéran le jour où BNP Paribas  s’est vue infliger une amende de 8,9 milliards de dollars par la justice américaine pour avoir violé l’embargo qui frappe le pays.
Peugeot en Iran

La France n’avait pas attendu la signature de l’accord pour envoyer ses patrons en Iran. S’il n’a jamais été interdit de commercer avec l’Iran, le régime de sanctions internationales a rendu quasi impossible tout transfert de fonds vers et en provenance de la République islamique. Désormais, l’Iran détenant les deuxièmes réserves de gaz du monde et les quatrièmes réserves de pétrole, la perspective d’un accord définitif aiguise l’appétit des investisseurs étrangers, notamment pour ce qui concerne le secteur des hydrocarbures, de l’automobile, des infrastructures, du transport aérien, mais aussi de l’eau, vital pour l’Iran.
Mais il n’est pas impossible que l’Iran lui-même soit  un obstacle à une arrivée en masse des investisseurs étrangers. L’économie iranienne, au trois-quarts étatisée, est administrée de manière forte par des organismes religieux et militaires qui ne tiennent pas à perdre leur influence et leurs privilèges. Mais les Occidentaux misent sur une équipe gouvernementale la plus libérale sur le plan économique depuis la Révolution islamique. Les entreprises françaises vont tenter de reprendre leur place en Iran. 
Les Occidentaux ne visent pas uniquement le marché iranien. L’accord sur le nucléaire a généré des peurs parmi les pays arabes sunnites qui sont contraints de se lancer dans une course aux armements au bénéfice des industries militaires.  La Grande Bretagne a prévu de reprendre la vente d’armes, de radars militaires et de véhicules blindés à Israël pour l’aider face à l’Iran. Dassault Aviation a livré le 20 juillet à l'Égypte les trois premiers Rafale. Ces trois avions de combat, qui font partie d'une commande de 24 unités, ont pour but d’assurer une défense militaire de l’Égypte contre le voisin iranien. L’accord pourrait de même pousser le Qatar à signer un contrat de 24 avions.
Rafales

L’accord sur le nucléaire fait donc le bonheur des Occidentaux mais pas pour les raisons stratégiques et militaires qui ont été soulevées, mais uniquement pour un intérêt économique au profit des économies occidentales. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères français envisage de se rendre lui-aussi rapidement en Iran avec plusieurs chefs d’entreprise. Avant les sanctions, en 2004, les échanges commerciaux entre la France et l'Iran se montaient à 4 milliards d'euros. En 2013, ils étaient tombés à 500 millions d'euros. Les entreprises françaises ont donc d'énormes intérêts commerciaux à défendre en Iran. Le pays paria pendant une décennie est devenu le pays où il faut bien se montrer.


De bonnes opportunités s’ouvrent pour les entreprises françaises. L’objectif de la France est de retrouver sa deuxième place en Iran derrière l’Allemagne, comme avant l’embargo. Prévoyant la signature de l’accord, de nombreux dirigeants français avaient commencé à prospecter en attendant le feu vert américain. La France avait complétement disparu de la scène iranienne. Peugeot vendait 450.000 voitures avec à la clef des milliers d’emplois. Aujourd’hui toutes les infrastructures iraniennes sont à reconstituer parce qu’elles sont obsolètes. Avec l’accord sur le nucléaire, Alstom, Total, Peugeot, Renault et Airbus vont se réinstaller ainsi que de nombreuses PME. La guerre économique va être totale contre les Allemands mais aussi contre les Chinois, les Japonais, les Turcs et les Indiens qui ont profité de l’embargo pour gagner des parts de marché.
On voit ainsi que les problèmes nucléaires iraniens ne sont plus la préoccupation des pays occidentaux. L’Occident se prépare à l’assaut économique sur l’Iran. Les inquiétudes d’Israël n’entrent plus dans le schéma stratégique mondial face aux millions de dollars qui devraient pleuvoir de la manne pétrolière iranienne.


5 commentaires:

Pascale CHATELUS a dit…

Ca me rappelle le grand Audiard... "Quand les types de 130 kilos disent certaines choses, ceux de 60 kilos les écoutent."

Elizabeth GARREAULT a dit…

Passionnant et très riche en infos....comme toujours. Merci Jacques.

Richard LAVIE a dit…

Les capitalistes nous vendrons la corde avec laquelle nous les pendrons LENINE

Gaëlle DANAN-BONDOUX a dit…

Étonnant de voir que les investisseurs étrangers et la France notamment jouent sur tous les tableaux : profiter de la libéralisation du marché iranien pour leur vendre nos produits et dans le même temps profiter de la peur suscitée par l'accord dans les pays sunnites et leur vendre des armes et des avions !!

Unknown a dit…

Grande hypocrisie des pays dits democrates qui nous font croire qu ils signent des accords avec l iran pour le bien de la planète !!!nos pays usa europe etc.. Sont les initiateurs des guerres ils vendent des armes pour remplir leurs caisses et se faire elire
Qu importe comment vient l argent !!!et sur le dos de qui ou de quel pays cet accord se fait !?!!
Quel monde corrompu laissons nous a 'os generations???? Obama l europe la russie etc ne pensent qu en interets financiers jusqu au jour ou l interet financier deviendra un chantage ideologique dangereuc pour la democratie
Voir et lire Eurabia et comment le quatar qui alimente la france en finances exige de ce pays un retour en echange favoriser l islam!?!!! Et faire des pressions sur israel voir les gesticulations du plan Fabius!!!!
Qui est le dindon de la farce iranienne nous le saurons plus tard!!!!