GAZ : VICTOIRE DES
MONOPOLES ISRAÉLIENS
Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps
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Léviathan |
Noble Energy et Delek exploitent ensemble, depuis 2013, le gisement
de gaz de Tamar. David Gilo, chef de l’autorité de la concurrence, exigeait la
remise en cause de la position dominante du géant américain Noble Energy
et de son partenaire israélien, le groupe Delek, pour l'exploitation des deux importants
gisements gaziers Léviathan et Tamar. Le plus grand gisement de gaz découvert
dans le monde depuis dix ans, Léviathan, a une capacité estimée à 535 milliards
de mètres cubes. Sa production doit débuter en 2017, alors que celle de Tamar, avec
une capacité de production estimée à 250 milliards de mètres cubes, a déjà
commencé.
David Gilo |
David Gilo, qui voulait
nationaliser les gisements, estime que le gouvernement «porte atteinte à la
concurrence, ainsi qu'au pouvoir de l'autorité antitrust». Opposant
virulent au projet d’accord dans sa forme actuelle entre le gouvernement
israélien et les compagnies de gaz, il juge que l’accord laisserait trop de
pouvoir à la société américaine Noble Energy et au Groupe Delek israélien, et
il trouve inadmissible que deux groupes contrôlent la quasi-totalité des
réserves de gaz. Le premier ministre, en revanche, pense que : «Ce dispositif accroît la
concurrence, assure l'extraction du gaz, attire les investisseurs et promeut
des intérêts nationaux importants en assurant la fourniture de gaz à plusieurs
pays de la région».
En
effet Noble Energy a déjà signé des accords avec la Jordanie, l’Autorité
palestinienne et l’Égypte. La société a mené, avec Delek, une campagne pour expliquer
qu'une remise en cause des contrats passés risquait de provoquer des retards,
voire un gel des investissements nécessaires à la production, ce qui ne
manquerait pas d'affecter le versement de royalties au Trésor israélien. L’autorité
antitrust avait proposé un compromis au terme duquel Delek aurait cédé
ses droits sur Tamar ainsi que sur Karish et Tanin, deux gisements de moindre
importance, tandis que Noble Energy aurait renoncé à une partie de ses
droits sur ces champs, tout en acceptant de limiter ses livraisons de gaz pour
le marché israélien. L'ambassade des États-Unis en
Israël a fait pression sur Benjamin Netanyahou pour maintenir les accords
passés avec Noble Energy.
Le gâteau du gaz |
Le ministre de l’économie, Arie Dhery, était le seul à pouvoir légalement contester la décision de David Gilo mais il s’est défaussé sur le gouvernement. Une clause dans la Loi de la concurrence, l’article 52A, accorde au ministre de l’Économie le pouvoir exclusif d’annuler les décisions du chef de l’Autorité de la concurrence sur les questions ayant des implications stratégiques ou diplomatiques sensibles. Sur toutes les autres questions, les décisions de la direction de l’Autorité de la concurrence sont obligatoires.
Arye Dhery |
Le ministre de l’Économie, Arye Dhery, qui aurait eu le pouvoir de passer outre aux décisions de Gilo, a annoncé, pour fuir ses responsabilités, qu’il n’exercerait pas son autorité, forçant ainsi Benjamin Netanyahu à soumettre la question à un vote du Cabinet. Le
gouvernement israélien, en particulier le Cabinet restreint de sécurité, s’est
emparé de l’affaire car, selon lui, l’exploitation du gaz relève de la sécurité
nationale et échappe donc aux lois contre les monopoles.
C’est le paradoxe de
Netanyahou qui qualifie le gaz de produit sécuritaire mais qui le confie à des
sociétés privées, voire à une société étrangère. Il est vrai qu’il lui était
difficile de s’opposer aux appétits des compagnies gazières qui lorgnaient sur l'un des plus importants gisements
découverts off-shore dans le monde. D'autre part le risque technique était grand car les
investisseurs actuels ont financé des sommes considérables et détiennent les
techniques pointues de l'exploration géologique. L’entrée de nouveaux investisseurs
sur le marché serait un frein au développement des gisements. Il faut noter que
Tamar a contribué à 0,8% du PIB israélien en 2013 et à 0,3% en 2014.
Dans
cette affaire, Moshé Kahlon, qui avait mené sa campagne électorale sur la
bataille contre les monopoles, a dû abandonner ses promesses électorales ce qui
en dit long sur le comportement politique des classes dirigeantes. Un compromis
gouvernemental a été trouvé. Les filiales de Delek auraient six ans pour céder
leurs parts dans Tamar. Noble devrait réduire la sienne de 36 à 25%. Delek et
Noble devraient aussi se désengager dans les 18 mois de deux champs plus
petits, Tanin et Karish.
Madame, je ne sais pas comment expliquer ce qui se passe, je ne fais que livrer le gaz |
Cette affaire
du gaz pouvait être décidée à la majorité des membres du Cabinet de sécurité. Mais
quatre ministres ont décidé de suspendre leur participation en raison de leurs
liens avec les investisseurs : Moshé Kahlon, Yoav Galant, Haïm Katz et Arie
Dhery. Les décisions du Cabinet priment certes sur celles du gouvernement mais,
en l’absence de majorité, le gouvernement au complet doit approuver cet accord
avec un passage obligatoire devant la Knesset
où il dispose de la plus étroite des majorités.
Le cabinet a donc voté pour
annuler les décisions prises par l’Autorité de la concurrence limitant sa
capacité à mettre en œuvre un accord controversé sur le gaz naturel du pays. Netanyahou
s’est justifié : «Je suis déterminé à faire avancer une solution réaliste
qui apportera du gaz à l’économie israélienne. Je ne vais pas capituler devant
des propositions populistes qui laisseront le gaz dans nos sous-sols profonds.
Nous avons déjà vu suffisamment de pays qui ont succombé à ces pressions, et
leur gaz est resté dans leurs sous-sols. Nous ne pouvons pas laisser ceci se
produire ici. Le plan qui a été formulé brise le monopole. Dans les prochaines
décennies, il injectera des centaines de milliards de shekels dans l’éducation,
la culture, la santé et bien d’autres choses au bénéfice de tous les citoyens
israéliens. Après des années de discussions, le temps est venu de décider que
le gaz sorte des profondeurs et atteigne l’économie israélienne et les citoyens
d’Israël». En réponse, des milliers de manifestants ont défilé le 27 juin à
Tel-Aviv contre la gestion des réserves de gaz off-shore par le gouvernement.
Le Premier ministre envisage de
transformer en motion de censure le vote à la Knesset censé accorder au
gouvernement le pouvoir de ratifier le
plan de libéralisation du marché du gaz israélien. La manœuvre du chef
du gouvernement israélien oblige ainsi le ministre des Finances, Moshé Kahlon,
le ministre des constructions, Yoav Galant et le ministre Likoud Haïm Katz à se
présenter dans l’enceinte de l’assemblée. Ils avaient décidé s’abstenir du vote
en raison de leur proximité avec certains responsables des grands groupes
gaziers du pays.
Le responsable du parti Yesh Atid, Yaïr Lapid, s’oppose à ce
transfert de pouvoir : «Nous voterons contre celui qui refuse
d’organiser un débat sur l’un des dossiers les plus importantes de ces vingt
dernières années dans le pays. Dans le même temps, nous estimons que le dossier
du gaz doit être résolu dans les plus délais». Avigdor Lieberman a décidé,
lui aussi, de voter contre le gouvernement dans cette affaire.
Face à une absence de majorité, Benjamin
Netanyahou a donc décidé de reporter le vote de la Knesset sur le transfert au
gouvernement des pouvoirs du ministre de l’économie afin de passer outre aux
objections de l’autorité de la concurrence. Le premier ministre a ordonné la
publication des détails de l’accord sur le gaz afin que le public mesure les
avantages du projet pour l'économie et pour la sécurité du pays. Mais il est
fort probable que la mobilisation des amis de Netanyahou, en particulier le
magnat Sheldon Adelson, donnera raison aux tenants du monopole gazier.
2 commentaires:
Logique: Sheldon Edelson a paye la campagne de Bibi, Bibi lui renvoie l'ascenseur en se payant sur les citoyens israeliens et se comportant comme si le gaz appartenait a sa famille. Bibi fait du Bibi mais c'est ce que le peuple a voulu, non?
Bien obscure, toute cette histoire.... Quand le gaz naturel remplacera-t-il les bonbonnes de gaz chez les particuliers ? Quand pourra-t-on se chauffer au gaz plutôt qu'avec des mazgan (appareil a air conditionne) minables ? Quand les prix du gaz, de l'electricite, du petrole vont-ils baisser ?
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