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vendredi 9 mai 2014

LE HEZBOLLAH VEUT IMPOSER AU LIBAN UNE CONSTITUTION À SA MESURE



LE HEZBOLLAH VEUT IMPOSER AU LIBAN UNE CONSTITUTION À SA MESURE

Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps
Parlement libanais

Le Hezbollah se substitue à la Syrie pour s’inviter à l’élection présidentielle libanaise en cherchant à imposer ses vues. Le Liban, en perdant son autonomie, est devenu un satellite de l’Iran, par milice islamique interposée.  Le parlement libanais doit élire un nouveau président au terme du mandat de Michel Sleiman. Mais pour la troisième fois, l’élection a été reportée, la dernière au 15 mai en raison d’une absence de quorum. Une partie des députés a en effet boycotté le vote. 



Le général Kohavi chef du commandement nord


          Il est évident qu’Israël suit avec attention une évolution qui peut modifier l'équilibre dans la région et qui a entraîné d’ailleurs une réorganisation de Tsahal à la frontière avec le Liban. L’ancien chef des renseignements militaires vient de prendre la direction du front nord.

8 et 14 mars

La vie politique libanaise s’articule autour de deux grands mouvements incluant chacun une dizaine de mini-partis. L’Alliance du 14-Mars est une coalition politique regroupant les personnalités et mouvements politiques qui ont pris part à la Révolution du Cèdre suite à l’assassinat, le 14 février 2005, de l’ancien premier ministre Rafic Hariri. Ces forces,  qui intègrent en particulier la majorité des partis chrétiens, constituent  l’opposition à l’hégémonie syrienne sur le Liban.

L’Alliance du 8 Mars s’est constituée par opposition à celle du 14 mars. D’obédience communautaire, elle comprend  les partis chiites, dont le Hezbollah, le parti chrétien du général Aoun, les partis sunnites, les partis islamiques, le parti alaouite et, étonnement, le parti druze de Walid Joumblatt qui a toujours combattu ses nouveaux alliés.

Le gouvernement libanais

Le Hezbollah, qui est devenu une force militaire incontournable aux moyens matériels supérieurs à ceux de l’armée libanaise, a acquis une grande influence politique au sein de l’alliance du 8 mars. Par intérêt politique et par stratégie dictée par l’Iran, il a décidé de plomber l’élection présidentielle en désertant le parlement où a lieu l’élection. Il veut remettre en cause la Constitution du Liban adoptée le 23 mai 1926 et modifiée à la suite de l'Accord de Taëf du 23 octobre 1989. Elle prévoit un système multiconfessionnel sur la base d’une troïka mise en place pour que le contrôle du pays soit assuré par trois dirigeants issus des trois confessions majoritaires du Liban : président maronite, premier ministre sunnite et président de l'assemblée chiite.

Défilé du Hezbollah

Cette répartition du pouvoir où le Hezbollah est exclu ne lui convient plus. Son objectif à présent reste la déstabilisation du gouvernement et à fortiori celle du pays. Il s’agit pour lui de s’opposer par tous les moyens à une éventuelle élection du chrétien Samir Geagea, chef des Forces Libanaises, soutenu par le leader des Kataëb, Amine Gemayel. Les islamistes jouent la montre car ils ont intérêt à ce que les délais imposés par la Constitution soient dépassés. Si l’élection n’intervient pas avant le 25 mai, l’article 62 de la Constitution donne au gouvernement des compétences présidentielles en cas de vacance. Le Hezbollah y voit un moyen d’influer sur le cours politique puisque ses amis participent au gouvernement actuel formé le 14 février 2014.

 

Terre brûlée


          Dans le cadre d’une stratégie de terre brûlée pour gêner toute évolution politique, le Hezbollah organise en fait le vide politique au Liban pour mieux tirer les ficelles. Il avait pourtant le moyen d’influer sur le cours de la politique en appuyant la candidature du général chrétien Michel Aoun dont il est devenu l’allié. Ce général montre d’ailleurs que la morale en politique n’existe pas puisqu’il a été longtemps un fervent opposant à la Syrie, en particulier durant son exil à Paris, pour en défendre ensuite les intérêts. Les milices islamiques ne font que se conformer aux exigences de la Syrie mais surtout à celles de l’Iran.

L’Histoire a déjà démontré que le Hezbollah pouvait tirer le meilleur profit de chaque crise ouverte libanaise. En 1988-1990 il avait obtenu une refonte complète des pouvoirs du président avec l’accord de Taëf qui remettaient les chiites dans le circuit politique. La présence syrienne au Liban, dénoncée par la communauté internationale et l'opposition libanaise, a été légalisée en 1989 par cet accord. 

Accord de Doha

De même la crise de  2007-2008 après le mandat du président Lahoud avait entrainé l’accord de Doha qui a renforcé le Hezbollah et consacré une fracture entre chiites et sunnites. Il prévoyait notamment la mise sur pied d'un gouvernement d'union nationale de 30 membres, dont 16 pour la majorité et 11 pour l'opposition composée des deux partis chiites Amal et Hezbollah et du Courant patriotique libre du chrétien Michel Aoun. L’opposition a obtenu la minorité de blocage qu'elle réclamait mais pas un poids suffisant pour influer sur la politique du pays.

 

Refus de la situation minoritaire

En laissant pourrir la situation actuelle, le Hezbollah espère augmenter son influence au Liban au sein du pouvoir exécutif. Il ne se contente plus de sa situation minoritaire. En fait il veut casser la répartition paritaire du pouvoir entre chrétiens et sunnites pour obtenir un système communautaire équilibré où les chiites auront leur véritable place : trois tiers réservés aux chrétiens, aux sunnites et au chiites. Ces derniers occuperaient alors un pouvoir nettement plus important dans l’exécutif aux côtés des maronites et des sunnites.

Le président actuel Michel Sleiman a bien sûr compris la finalité du Hezbollah qui semble prêt à provoquer le chaos pour éviter une solution démocratique à son détriment. Alors aux oubliettes Taëf et Doha et en marche vers la nouvelle constitution prônée par le Hezbollah. Il s’agit de créer une vice-présidence attribuée d’office à un chiite pour contrebalancer la présidence réservée à un chrétien, et le chef du gouvernement à un sunnite.  Le Hezbollah voudrait se doter, avec la vice-présidence, d’un rôle constitutionnel pour contresigner les lois et les décrets ou les bloquer, pour remplacer le président en cas d’absence ou d’incapacité. Une perspective très envisageable dans le pays où les attentats à la voiture piégée contre les dirigeants actifs sont légions. 

Dans ce nouveau projet, le Hezbollah exigerait par ailleurs le commandement en chef de l’armée habituellement réservé à un maronite avec à la clef une intégration des milices islamistes au sein de l’armée. Le noyautage islamique serait ainsi définitivement réalisé avec pour conséquence la mise sous tutelle de l'armée, le contrôle militaire du Sud-Liban et la création d’un nouveau satellite de l’Iran à la frontière avec Israël.

 

L’Iran en toile de fond

 

Général Yahya Rahim Safavi

Le Hezbollah ne cache plus ses ambitions pour phagocyter un Liban face à la passivité totale des Occidentaux, occupés avec l’affaire de l’Ukraine, qui craignent d’intervenir et de créer un nouveau chaos. Alors ils laissent faire.  Ils n’entendent pas les messages pourtant clairs des Iraniens qui expliquent ouvertement leur stratégie au Proche-Orient. Le général Yahya Rahim Safavi, haut conseiller des Gardiens de la révolution iranienne, a confirmé pourtant que «le pouvoir et l'influence de son pays se sont étendus pour la troisième fois jusqu'en Méditerranée», et que «la ligne de défense iranienne se trouve au sud du Liban». Il n’a fait que réitérer ce qu’il avait déjà précisé en 1982 : «La ligne de défense de nos frontières se trouve au Liban-Sud, à la frontière avec Israël. Notre profondeur stratégique s'est désormais étendue aux rives de la Méditerranée, et plus précisément au nord d'Israël.»

Ces déclarations prouvent, s’il en était besoin, que le Hezbollah fait partie intégrante de l’armée iranienne et qu’il reste sous la domination et l'influence des pasdaran, au même titre que les islamistes d’Irak, de Syrie, d’Afghanistan et du Yémen. L’Iran a profité de la fin de la tutelle syrienne sur le Liban, qui a duré trente ans, pour organiser sa propre mainmise en usant de manipulation, de blocage des institutions et du chantage des armes.

Le nouveau danger pour Israël vient assurément du nord ce qui explique les dernières mesures militaires de réorganisation prises par le chef d’État-Major qui doit réviser sa tactique vis-à-vis d’un Liban devenu propriété de l’Iran.



2 commentaires:

Max SITBON a dit…

C'est ce que le Hezbollah imposera à" l'état palestinien " pendant les mille ans de " glaciation ".

Une bombe à retardement

Avraham NATAF a dit…

Les attentistes libanais espèrent qu’Israël fasse au Hezbollah ce qui avait été fait à l'OLP