Depuis que M. le président a été giflé par un individu dans la Drôme, les termes de «sacralité» ou de «respect dû à la fonction» prolifèrent. De ce qu’on entend, ce n’est pas l’homme qui était visé, mais la fonction présidentielle. À contre-courant, je m’élève contre cette conception. Dans une monarchie, le corps du roi est sacré. En République, le chef de l’État est un homme comme les autres. Sa personne n’a rien de sacré. Il n’incarne pas une fonction – définie par l’article 5 de la Constitution – il la remplit, il l’exerce. Il n’incarne pas non plus la Nation – ce sont les duces ou les caudillos qui prétendent incarner un peuple, pas les chefs de l’État républicains.
L’expression «c’est la France ou c’est la
république qui a été giflée» est idiote. En République, le président est un
serviteur de la nation. Il n’est pas au-dessus de la nation, il est bien au
contraire à son service. Ce qui est scandaleux, insupportable dans l’agression
dont l’occupant de l’Élysée a été l’objet, c’est la banalisation de la violence
comme mode d’expression social et politique. Cette violence est exactement
aussi inacceptable que celle que subissent dans la rue ou à la maison, des
femmes, des enfants, des personnes malades ou handicapées. Ni plus, ni moins.
Toute gifle est aussi odieuse – et condamnable -,
qu’elle vise la joue d’un président ou de tout autre citoyen. Il n’y a
strictement aucune raison de punir davantage la gifle subie par un président
que celle reçue par les uns et les autres quotidiennement. Le président est un
homme comme un autre dans une République, une démocratie. Quant au «respect
dû à la fonction», la formule est absurde. Qu’est-ce que la «fonction
présidentielle» aujourd’hui (par-delà la personne de l’actuel titulaire) ?
Celle d’un histrion dont la mission consiste pour l’essentiel à gesticuler,
provoquer et se pavaner quotidiennement dans la perspective d’une réélection
pour détourner l’attention des vrais problèmes de l’époque (violence, chômage,
pauvreté, déclin économique, effondrement intellectuel et moral).
En quoi cette «fonction» serait-elle respectable ? On confond
tout. A la grande époque des présidents jusqu’aux années 1980, personne n’avait
la sinistre idée de parler de «sacralité» ou de respect dû à la
fonction. Ces termes eussent été considérés comme obscènes. Leur banalisation
aujourd’hui est un autre signe du déclin de l’intelligence démocratique. À
l’époque, il n’était question que de confiance, la confiance de la nation en
son chef de l’État et son gouvernement. Or, la confiance ne se décrète pas.
Contrairement à la notion de sacralité ou de respect, la confiance se gagne.
Elle se mérite.
Pour être vraiment dans l’esprit de la République française et le respect de la devise républicaine «liberté, EGALITE, FRATERNITE», il faudrait tout simplement appeler le président de la république : «frère Macron» et sa femme «sœur Brigitte», car on est tous frères et soeurs, d’après cette fameuse devise, n’est-ce pas ? Alors pourquoi ne pas enfin être cohérents avec nous-mêmes ? Et se saluer tous dans la rue d’un cordial «bonjour frère» et «bonjour sœur». Ça réglerait automatiquement le problème de la royauté française déguisée aujourd’hui en démocratie. D’ailleurs, à ce sujet, il faudrait supprimer le terme «Palais» de l’Elysée et le "rebaptiser" en «maison citoyenne nationale républicaine». Les Russes, eux, dans le régime communiste, s’appelaient à une certaine époque (aujourd’hui encore ?) tous «camarades» à commencer par le président. Et si on ne fait pas cela alors supprimer tout simplement la devise qui ne voudrait finalement rien dire. Joindre le geste, ou l’acte à la parole, c’est ça la cohérence…
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